Importations de déchets : Plus de colère que de mal ?
L’importation de déchets sur le territoire national révolte l’opinion publique et pousse le gouvernement à s’expliquer pour démontrer le caractère inoffensif des éléments acheminés.
Èdifiant. Une semaine s’est écoulée depuis le lancement de la pétition contre la décision d’importer des déchets pour incinération sur le territoire national, et le mouvement de protestation dépasse largement les 10.000 signatures. L’opération d’importation de 2.500 tonnes de déchets en provenance d’Italie, commanditée par le gouvernement dans le cadre d’une «expérience pilote», telle que qualifiée par le ministère délégué à l’Environnement, a réveillé la conscience écologique des Marocains qui ne décolèrent pas, allant même jusqu’à demander l’intervention du roi et la démission de la ministre déléguée chargée de l’Environnement, Hakima El Haité. Pour autant, le potentiel de nuisance est-il si effrayant que cela? La réaction est-elle disproportionnée par rapport à la gravité réelle du problème ? C’est certainement une éventualité non négligeable puisque, dans sa tentative d’explication et de dissipation des doutes et autres opacités autour de cette question, la ministre assure que son département n’a autorisé l’importation que des seuls déchets de type «Refuse Derived Fuel – RDF». Ces déchets, inoffensifs selon le ministère, sont utilisés, comme l’indique leur dénomination, en tant que combustible de substitution à l’énergie fossile classique dans les fours de cimenteries. Une pratique courante à l’échelle internationale. De plus, Hakima El Haité maintient que cette opération d’importation est réalisée en conformité avec les dispositions prévues par la loi N°28-00, relative à la gestion des déchets et à leur élimination, ainsi qu’avec la convention de Bâle, relative aux mouvements transfrontières des déchets que le Maroc a adoptées en 1995. Autre point auquel le ministère accorde une importance manifeste: la valorisation des déchets RDF dans le cadre de la convention de partenariat établie entre ce ministère et l’Association professionnelle des cimentiers. Cette convention fixe les mesures et les conditions d’importation de ce type de déchets et leur utilisation comme combustibles dérivés au niveau des fours des cimenteries équipées de filtres et d’appareils de mesures des émissions atmosphériques (voir encadré). À en croire des sources proches de la profession, les 2.500 tonnes sont destinées aux cimenteries Lafarge. Il s’agit là de la première opération d’une série qui devrait dispatcher les futurs arrivages entre l’ensemble des cimentiers opérant au Maroc. Contacté par Les Inspirations ÉCO pour confirmer l’information, le management était indisponible. Par ailleurs, la co-incinération de ces déchets est opérée en présence de la police de l’environnement et du Laboratoire national de l’environnement pour veiller à la conformité des émissions atmosphériques aux normes et standards prévus par la loi N°13-03 relative à la lutte contre la pollution de l’air et de ses textes d’application. D’ailleurs, pour plus de clarté et de précision, une conférence de presse est prévue aujourd’hui au siège du ministère.
Hakima El Haite,
Ministre déléguée chargée de l’Environnement
La cargaison de déchets en provenance d’Italie s’inscrit dans le cadre d’un processus que nous avons entamé depuis plusieurs années. Le Maroc est en effet signataire de la convention de Bâle relative aux mouvements transfrontaliers de déchets. Mieux, depuis 2014, le Maroc a mis en place un dispositif législatif institutionnel pour sécuriser davantage ce genre d’opérations (des lois dédiées, des laboratoires d’analyse, une police de l’environnement…). De plus, l’opération d’importation et la valorisation de ce type de déchets sont réalisées dans le cadre d’une convention de partenariat établie entre le ministère et l’association professionnelle des cimentiers. C’est dire que cette opération d’importation est réalisée sous le contrôle et le suivi des autorités compétentes, aussi bien du pays d’origine que du pays destinataire, et répond aux normes européennes en la matière. Nous avons donc pris toutes les précautions nécessaires car il est hors de question de mettre la santé et la sécurité du citoyen marocain en danger. Maintenant, il faut comprendre que la valorisation énergétique de ces déchets de type RDF est une opération courante en Europe car elle présente des avantages indéniables en termes d’économie d’énergie et de gestion des déchets.
Les cimentiers réagissent
La réaction de l’Association professionnelle des cimentiers (APC) ne s’est faite pas attendre quant à la montée au créneau de l’opinion publique. C’est ainsi qu’un communiqué a été produit, la semaine dernière, dans le but de fournir l’opinion publique en éléments techniques et autres caractéristiques devant rendre plus clair le sujet objet de la discorde. Les cimentiers expliquent que les fours de cimenterie présentent des avantages reconnus à l’échelle internationale pour la valorisation des déchets comme combustibles alternatifs. Ce procédé est rendu possible grâce à la température élevée (1450°C) et au temps de séjour dans le four, ce qui détruit les matières et molécules dont les déchets sont composés, sans pour autant impacter l’environnement par un quelconque surplus d’émissions et de résidu ultime. L’APC rappelle être engagée depuis 2002 dans la valorisation des déchets locaux. Durant le seul exercice 2015, les cimentiers marocains ont valorisé plus de 500.000 tonnes de déchets. Les cimentiers rappellent que ce sont ces engagements qui leur permettent d’accompagner la stratégie nationale de valorisation des déchets, tout en contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), minimiser la quantité de déchets enfouis en décharge et réduire la pollution des sols et nappes phréatiques, préserver les ressources naturelles, réduire la dépendance énergétique du pays, améliorer la balance commerciale du pays tout en préservant les réserves en devises et, enfin, améliorer la compétitivité à l’export.