Maroc-USA : 4 clés pour comprendre cette crise
La crise diplomatique entre le Maroc et les États-Unis prend une nouvelle tournure. L’ambassadeur américain a été convoqué par le département des Affaires étrangères. Décryptage.
1. Qu’est-ce que le rapport d’État sur les droits de l’Homme ?
Le rapport du Département d’État sur la situation des droits de l’Homme en est à sa 17e édition. Ce document est préparé «à l’aide des informations recueillies auprès des ambassades et consulats des USA à l’étranger, des responsables gouvernementaux étrangers, des organisations non gouvernementales et des organisations internationales». Une première ébauche de ce rapport est remise au Bureau de la démocratie, des droits de l’Homme et du travail au sein du département «pour corroborer, analyser et modifier ces informations». Ce document constitue une ressource pour la conduite de la diplomatie américaine.
2. Quels sont les autres rapports de ce département ?
Le département d’État prépare une série de rapports thématiques sur les questions en lien avec les droits de l’Homme. Parmi eux, figure le rapport annuel sur la liberté religieuse ou encore sur le trafic des personnes. Le département réalise également des rapports spécifiques sur l’antisémitisme dans le monde ou le soutien américain à la démocratie et aux droits de l’Homme.
3. Que signifie la convocation de l’ambassadeur us ?
En langage diplomatique, la convocation de l’ambassadeur d’un pays est le signe d’une tension réelle entre deux pays. La convocation de Dwight Bush par le ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita, en présence de Mohamed Yassine Mansouri, directeur général des Études et de la documentation, renseigne sur la profondeur de ce «malentendu». L’ambassadeur américain a été reçu le 18 mai suite à la réaction du porte-parole du département d’État, rejetant en bloc les affirmations du gouvernement marocain, via l’Intérieur.
4. Quels sont les arguments du Maroc ?
Dans son argumentaire, le Maroc se veut pédagogique. Lors de cet entretien, il a été exposé à l’ambassadeur américain trois cas confirmant «la manipulation avérée et les erreurs factuelles flagrantes qui entachent le rapport du département d’État». Il s’agit de Ouafae Charaf, membre de l’Association marocaine des droits de l’Homme, qui a purgé une peine de 2 ans de prison. Selon le ministère des Affaires étrangères, elle «a été condamnée pour de fausses allégations de torture» et «signalé des crimes dont elle connaissait l’inexistence». Oussama Housn a été condamné pour les mêmes chefs d’accusation. Dans le cas de Hamid El Mahdaoui, rédacteur en chef du site web d’informations Badil, condamné à quatre mois de prison avec sursis, il aurait également été jugé coupable pour «outrage à travers la déclaration d’un crime dont il connaît l’inexistence», «outrage à corps organisé» et «dénonciation calomnieuse».
Jawad Kerdoudi
Président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI).
Ce rapport relève une tradition du département d’État américain depuis 1999 et ne traite pas que du cas du Maroc, il concerne toutes les régions dans le monde. Sauf que cette année, ce rapport est particulièrement à charge contre notre pays. C’est une réaction peu normale de la part de l’administration américaine. Pourtant, le Maroc fait des efforts continus pour améliorer la situation des droits de l’Homme. Des avancées sont à notre actif, notamment la mise en place du CNDH et ses organes régionaux, y compris dans les provinces du Sud. La réaction marocaine est compréhensible car le gouvernement estime que ces efforts ne sont pas évalués à leur juste valeur. Désormais, le Maroc doit mieux communiquer sur les réalisations dans ce domaine et apporter des réponses au cas par cas, preuves à l’appui. Un effort de pédagogie est nécessaire pour expliquer et convaincre de la position du Maroc. Ceci doit s’accompagner de mesures en vue d’assurer l’application de la loi et des principes des droits de l’Homme, afin d’anticiper tout éventuel débordement.