Opération «conquête» pour Airbus au Maroc
Airbus, le constructeur aéronautique européen, mise dans les années à venir sur le marché marocain. Les ÉCO a accompagné le président de la compagnie pour la région MENA dans les couloirs du Airshow.
Au stand de Stelia Aerospace Maroc au Marrakech Airshow, l’équipe d’Airbus est à pied d’œuvre pour assurer un décollage réussi à la participation de cette filiale 100% d’Airbus et vitrine de la présence du constructeur européen au Maroc.
Sur les traces d’un VRP
Fouad Attar, président d’Airbus région MENA, joue sur le territoire de son rival de toujours l’américain Boeing. Le Marrakech Airshow est marqué, comme chaque année, par une forte présence des entreprises américaines de l’aviation civile comme militaire. Le management de la région MENA d’Airbus est ainsi sur les pas de la stratégie mondiale de la compagnie. Le constructeur européen affiche de grandes ambitions sur le marché américain, où il dispose pour la première fois d’une usine aux États-Unis. Cette orientation n’est plus un secret-défense.
«Dans le petit univers de l’aéronautique, tout le monde se connaît, le DG de Boeing MENA est un ami», lâche-t-il avec un large sourire. Cette amitié ne prend pas le dessus sur le business. «L’avenir du secteur aéronautique marocain se joue du côté de l’Europe et non pas en Amérique», proclame-t-il. À l’ouverture du salon, le VRP d’Airbus pour la région MENA accompagne les officiels lors de la visite des stands. Sa mission dans ce genre d’événements est de taille: convaincre du potentiel des avions Airbus pour Royale Air Maroc (RAM). Aujourd’hui, la compagnie nationale ne compte que des avions Boeing. «Air Arabia, la deuxième compagnie marocaine, fait confiance à nos avions», rectifie-t-il, un brin agacé. L’argumentaire d’Airbus est bien huilé, il se résume en deux mots : compétitivité et investissements industriels.
Le joker d’Airbus
L’acquisition d’avions par une compagnie aérienne est une décision stratégique, qui demande une longue réflexion. Attar en sait quelque chose, l’homme a servi au sein de RAM durant des années, en tant que chargé de la réception des appareils. «J’étais membre du comité de sélection des avions au sein de RAM», rappelle-t-il. Ironie du sort, son interlocuteur de l’époque est son concurrent d’aujourd’hui, Boeing. Après un passage chez Air France, Attar rejoint Airbus en 2006, avec pour mission d’implanter le constructeur européen dans une région historiquement acquise pour Boeing.
Dix ans après, c’est mission accomplie dans la majorité des pays MENA, sauf au Maroc son pays d’origine. «Tunis Air est 100% Airbus et les carnets de commande des compagnies des pays du Golfe sont bien garnis», se réjouit cet ingénieur aéronautique. Attar espère que RAM «lancera des appels d’offres internationaux pour au moins comparer les prix sur le marché et faire son choix en fonction de ses besoins».
Pour convaincre RAM, Airbus sort son bestseller, l’A320. «Les appareils de la famille A320 sont les avions de prédilection des compagnies aériennes traditionnelles», martèle El Ghali Ouarti, directeur marketing d’Airbus MENA. En attendant ces prochains marchés, Airbus construit son écosystème industriel au Maroc et par la même occasion son argumentaire à l’adresse des donneurs d’ordre marocains.
«La présence industrielle d’Airbus au Maroc date de 1951», précise Attar, comme pour rappeler l’ancrage du constructeur au royaume. Airbus a été présente à cette époque à travers Maroc Aviation aujourd’hui rebaptisé Stelia Aerospace. Durant des décennies, Maroc Aviation se chargeait de la maintenance d’équipements des Forces armées royales (FAR). Cette activité a été cédée à EADS Sogerma. Sur le site de Midiparc à Casablanca, Stelia profite de la bonne santé du secteur aéronautique. Son carnet de commande comporte des pièces dans tous les programmes Airbus, y compris l’A320, l’A330 et l’A350.
«Airbus contribue fortement au développement de l’industrie aéronautique du Maroc puisque plusieurs milliers d’emplois sont créés par Airbus, directement par le biais de Stelia Aerospace ou indirectement par le biais de nombreux fournisseurs et partenaires d’Airbus installés au Maroc», affirme le constructeur. La présence industrielle d’Airbus au Maroc se conjugue avec une approche commerciale. Le management MENA ne veut pas précipiter les choses. «Nous croyons au Maroc et son potentiel, nous continuerons à défendre l’implantation d’Airbus dans le pays», rassure Attar. Ce vieux routier de l’aéronautique au Maroc est conscient que la conclusion de deals dans le secteur ressemble à un vol long courrier…
Fouad Attar
Président d’Airbus MENA
«Notre stratégie est de présenter nos produits à RAM»
Les ÉCO : Quelles est votre stratégie de conquête du marché marocain ?
Fouad Attar : Nous ne sommes pas en conquête. Nous avons un produit et nous essayons de le promouvoir auprès de nos clients potentiels sans arrière-pensée. C’est la nature de la relation que nous entretenons avec toutes les compagnies aériennes, notamment RAM et Air Arabia. Je précise qu’Airbus est déjà présente au Maroc via Air Arabia. Nous travaillons également très bien avec RAM qui était un client d’Airbus avec l’A321 par le passé. Aujourd’hui, notre stratégie de développement est de présenter nos produits à RAM et nous tenons d’informer nos partenaires des développements de nos produits. Il revient à la compagnie d’évaluer le produit et faire son choix.
Pourquoi le Maroc doit-il s’orienter vers l’industrie européenne ?
C’est un choix naturel. Le marché le plus proche géographiquement de l’Afrique du Nord est le marché européen. L’installation d’industriels Nord-Américains n’est pas une chose évidente, car la distance et le coût d’envoi seront supérieurs à ceux de l’Europe. Le développement aéronautique au Maroc dépend de développement de ce secteur en Europe que celui des États-Unis. C’est d’ailleurs le cas aujourd’hui. La majorité des entreprises du secteur présentes au Maroc travaillent toutes pour l’industrie européenne et sont des équipementiers d’Airbus, plutôt que de Boeing.