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Annulation de l’accord agricole : Que faut-il attendre de la procédure en appel ?

Le passage par la Cour de justice de l’Union européenne pourrait encore se prolonger. 14 mois seraient nécessaires pour rendre un jugement qui pourrait être renvoyé au Tribunal de l’UE, qui devra trancher, le cas échéant, en dernier ressort. Dans son arrêt, la Cour de justice se prononcera seulement sur des questions de respect du droit européen par le tribunal.

La procédure judiciaire engagée devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant l’affaire de l’annulation de l’accord agricole s’annonce longue et périlleuse. Le pourvoi en appel a été officiellement déposé, fin février, par les services du Conseil de l’UE et de la Commission européenne, reprenant ainsi le long processus judiciaire si caractéristique des affaires européennes. Cette procédure en appel entend casser la décision rendue par le Tribunal de l’UE qui, saisi par les représentants du Front Polisario, s’était prononcé sur la légalité de la procédure de conclusion de l’accord agricole de 2012. Le tribunal avait relevé dans son arrêt du 10 décembre 2015 un manquement de la part du Conseil de l’UE, «tenu de garantir que l’exploitation des ressources du Sahara ne se fasse pas au détriment de ses habitants ou qu’elle porte atteinte à leurs droits fondamentaux» avant toute approbation de l’accord.

Impartialité
L’affaire de l’annulation de l’accord agricole a été traitée en premier lieu dans le cadre du «Tribunal de l’Union européenne» avant d’atterrir aujourd’hui devant «la Cour de justice» dans le cadre d’une procédure en appel. Ces deux organes composent la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Une différence de taille caractérise le déroulement de la procédure devant ces deux organes et pourrait jouer en faveur de la position marocaine.

En effet, contrairement au Tribunal de l’UE, la Cour de justice est assistée dans sa décision par des avocats généraux, gages de partialité et d’objectivité. «La Cour est composée de 28 juges et de 9 avocats généraux. Ces avocats sont chargés de présenter en toute impartialité leurs avis juridiques sur les affaires en cours», explique Jon Wouters, professeur de droit et d’organisations internationales à l’Université de Leuven, en Belgique. Leur décision, bien que dépourvue d’un quelconque caractère contraignant, est rendue avant la délibération des juges et peut positivement influencer leur avis.

Cette garantie d’objectivité n’est pas totalement assurée dans le cadre de la procédure devant les chambres du tribunal. La décision de ces dernières dépendra donc forcément des affinités et des croyances personnelles des juges qui la composent. Dans le cadre de l’affaire de l’annulation de l’accord agricole, de nombreux observateurs avaient d’ailleurs déploré le caractère injuste et subjectif de cette décision qui représentait, selon eux, le point de vue des trois juges composant la 8e chambre (voir encadré).

«Lent» chemin
Si la Cour peut être saisie directement dans le cadre d’un recours en annulation, le plus souvent, ce genre de procédures (c’est le cas de la présente affaire) sont engagées dans un premier temps devant le tribunal. «Dans ce cas, la Cour joue le rôle d’une Cour de cassation. Pour le cas de l’affaire de l’accord agricole, seules des questions de droit s’appliqueront. La Cour vérifiera uniquement si le tribunal a rendu une décision conforme au droit européen», explique l’expert européen. Deux scenarii se profilent à ce niveau: la Cour pourrait trancher elle-même le litige, indiquant que l’accord agricole ne devra pas être annulé. La Cour pourrait également opérer un renvoi au tribunal qui devra se prononcer à nouveau sur l’affaire en prenant en considération la décision de la Cour. Autrement dit, la procédure judiciaire risque encore de durer dans le temps. En moyenne, la Cour de justice de l’UE rend ses décisions dans un délai de 14 mois. Le tribunal a pour sa part tenu une procédure longue de 3 ans avant de rendre son arrêt du 10 décembre dernier. C’est dire qu’il va falloir s’armer de patience.


 

Pour le tribunal, l’histoire s’arrête en 1991

Plusieurs failles sont relevées par les juristes concernant l’arrêt du 10 décembre 2015. Que ce soit au Maroc ou en Europe, plusieurs académiciens estiment aujourd’hui que la 8e chambre du tribunal n’a pas pris en compte, dans son jugement, l’évolution de la situation dans les provinces du Sud, ni l’évolution de l’affaire depuis 1991, date de la mise en place de la MINURSO. Le tribunal s’est ainsi limité à des rappels historiques de l’affaire, depuis la fin de la colonisation espagnole jusqu’à la mise en place du cessez-le-feu. «Or, depuis, le Sahara a connu un développement fulgurant et s’est acheminé vers la mise en place de la régionalisation avancée», rappelle Taoufik Gazoulit, professeur de droit à l’Université de Rabat. Les juristes reprochent également au tribunal d’avoir commis des amalgames entre l’accord agricole et la décision du Conseil de l’UE validant l’entrée en vigueur de l’accord, ainsi qu’entre la personnalité morale du Polisario et sa responsabilité juridique qui ne lui accorde pas le droit d’ester en justice.



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