Maroc

Miloud chaâbi, L’autodidacte

L’homme d’affaires, self-made man et pdg du groupe Ynna Holding est décédé le samedi 15 avril. Les dates clés d’un riche parcours.

L’enfant terrible du capitalisme marocain a tiré sa révérence. Miloud Chaâbi, pdg du groupe Ynna Holding, est décédé des suites d’une crise cardiaque dans un hôpital de Hambourg en Allemagne, où il venait d’être transféré depuis l’hôpital militaire de Rabat. Chaâbi était âgé de 86 ans. Les obsèques ont eu lieu, hier, en présence de personnalités du monde politique, économique et de la société civile pour rendre un dernier hommage à l’homme d’affaires autodidacte. Le fondateur du groupe Ynna Holing clôt le dernier chapitre d’une vie remplie, où la carrière d’homme d’affaires ne l’a jamais empêché de clamer haut et fort ses points de vue.

«Courage et volonté»
Né à Chaâba en 1930, près d’Essaouira, Miloud mène une enfance difficile. Le petit berger de Chiadma quitte son village pour rejoindre Kénitra. Adolescent, il travaille comme maçon. Miloud a le flair de l’entrepreneur et lance, à 18 ans, sa première entreprise avec deux autres associés. Cette TPE est spécialisée dans la promotion immobilière. Sept décennies plus tard, l’homme est la cinquième fortune du Maroc avec une richesse estimée à 8MMDH par le magazine Forbes en 2015. Son groupe est présent dans de nombreux secteurs. Industrie, BTP, tourisme, commerce, l’homme ratisse large. Malgré une forte diversification de son groupe, Chaâbi restera attaché à l’industrie.

En 1966, Chaâbi lance sa première unité industrielle. Il s’agit de la «première entité de carreaux en céramique au Maroc». Après cinquante ans, Super Cérame deviendra un géant du secteur des matériaux de construction du pays. En 1967, cet industriel dans l’âme enchaîne avec une nouvelle unité en créant la société APCO, spécialisée dans l’industrie hydraulique et du bâtiment. Face à la tension politico-économique de l’époque, Chaâbi ne baisse pas les bras. «Il y avait de la répression. Je suis alors parti à l’étranger et j’ai levé le pied concernant mes activités au Maroc», rappelle-t-il bien des années plus tard dans une déclaration au confrère Telquel. Dès 1968, il lance Travaux du Maroc et met le cap sur la Libye. Près de deux décennies loin de son pays, Chaâbi revient pour faire une belle acquisition, Dimatit, en 1985.

Au moment de la marocanisation, l’État refuse de lui céder cette entreprise, il prend ainsi sa revanche. Un nouveau sera ensuite marqué lorsque Chaâbi reprend la SNEP, en 1993, dans le cadre de la politique de privatisation. À partir de cette période, le groupe Ynna prend son envol avec un retour aux premiers amours, l’industrie. GPC Carton et Afrique Cables sont lancées en 1992, suivra la création d’Electra, société de fabrication de batteries. Pionnier comme à son habitude, Chaâbi se lance à la conquête des marchés africains dès 1997. Il investit dans plusieurs pays (Côte d’Ivoire, Sénégal, Gabon, Mauritanie et Mali). Ces projets d’investissement connaîtront des fortunes diverses mais montreront la voie aux autres grands groupes marocains.

La décennie 2000
La stratégie de diversification tourne à plein régime. Les hypermarchés Aswak Assalam voient le jour en 1998 pour s’étendre sur tout le territoire durant les années 2000. Chaâbi s’offre une chaîne hôtelière, Ryad Mogador. Auprès du grand public, la marque Chaâbi est associée à Chaâbi Lil Iskane qui fera le bonheur du groupe, surtout durant la période du boom du logement social. Par ailleurs, Chaâbi a toujours fait de la politique ! Il confie qu’il a participé aux réunions clandestines de l’Istiqlal à l’âge de 14 ans, sous le protectorat.

Le 20 février 2011, autre temps, autre enjeu, Chaâbi père, prend part à cette manifestation sur le boulevard Mohammed V à Rabat. «Nous disons stop à cette économie de rente et aux passe-droits», expliquait Fouazi Chaâbi pour préciser les raisons de leur participation à cette manifestation. Entre 1944 et 2011, Miloud Chaâbi a été proche de plusieurs partis, notamment l’Istiqlal, l’UC, le PJD et le PPS, dont il a été député durant la législature de 2007.

Miloud Chaâbi, un homme aux multiples facettes avec une vie pleine de rebondissements a marqué à sa manière l’émergence d’un capitalisme marocain. Sa marque de fabrique restera sa volonté et son courage, comme il le souligne en 2011 sous forme de testament: «Notre groupe a su faire preuve de pro-activité comme par le passé et a continué à avancer avec volonté et courage et ceci depuis plus de 60 ans».



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