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Transition énergétique : Les enseignements de l’IRES

L’institut royal des études stratégiques (IRES) vient de publier une étude sur la transition énergétique à l’aune de la géopolitique mondiale de l’énergie. Après avoir dresser l’état des lieux du marché mondial ainsi que les perspectives, l’étude décline quelques enseignements pour le Royaume à travers un benchmarking international des tendances en matière de transition énergétique.

Quels enseignements le Maroc pourrait-il tirer en matière de transition énergétique à travers les tendances et les perspectives de la géopolitique mondiale de l’énergie ? C’est à cet exercice que s’est livré l’IRES qui vient de publier une étude sur la problématique, à quelques mois de la tenue à Marrakech de la COP 22 et au moment où le Maroc accélère sa stratégie de promotion des énergies renouvelables. Selon l’IRES, l’objectif ultime de la transition énergétique qui s’annonce est de repenser le système énergétique pour le mettre au service d’une économie à faible teneur en carbone, «low carbon economy», ce qui va se traduire par une rupture fondamentale par rapport au rôle habituel de l’énergie dans l’économie.

Il s’agit en effet, de viser à en produire le maximum à des coûts faibles, l’utiliser pour améliorer les rendements des différentes activités économiques comme l’agriculture, l’industrie et les transports, pour ainsi soutenir les besoins de croissance rapide de l’économie.

«Aujourd’hui, il s’agit de procéder à une transformation du secteur énergétique afin qu’il contribue à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui se traduit d’une part par la montée en puissance des énergies renouvelables (ENR) non émettrices de C02 et, d’autre part, par la recherche d’une maîtrise de la demande», introduit l’étude.

Dans cette voie à laquelle le Maroc s’est engagé depuis quelques années mais qui va connaitre une nouvelle dynamique dans le cadre des engagements pris par le pays en matière de contribution à la lutte contre le changement climatique, les pistes à explorer sont nombreuses surtout que l’évolution du contexte est influencé par plusieurs facteurs. L’expérience suivis par certains pays qui ont déjà pris le devant peuvent à ce titre s’avérer intéressante même s’il n’existe pas de modèle particulier, les pays ne disposant pas du potentiel ni des même contingences.

À travers une étude de cas de cinq pays, l’étude relève par exemple qu’alors que l’Allemagne a mis en place une «approche globale» en matière de transition énergétique, les difficultés du modèle de la Turquie font ressortir «un pays énergivore et peu producteur d’énergies dont le principal défi est désormais de «garantir sa sécurité d’approvisionnement et d’atténuer sa dépendance énergétique». L’expérience espagnole relève également une «transition énergétique couteuse» alors que le Portugal a mis en place «une stratégie sur mesure».

Cas d’école
Sur la base de ce benchmarking international, l’un des aspects les plus intéressants de l’étude qui offre ainsi plusieurs pistes de développement pour le Maroc, l’IRES en tire quelques enseignements. «Les expériences, passées en revue, recèlent à la fois des succès et des échecs. Le Maroc qui s’est engagé dans la voie de la transition énergétique, à travers sa stratégie nationale adoptée en 2009, peut s’en inspirer pour garantir à son modèle énergétique toutes les chances de réussite», explique les auteurs de l’étude. L’un des premiers enseignements, c’est celui de la diversification des ressources énergétiques et des sources d’approvisionnement. Le Maroc fait face à une dépendance énergétique de plus de 95% et son mix énergétique est par ailleurs dominé à hauteur de 80% par deux ressources, le pétrole (62%) et le Charbon (22%).

De ce fait, le recours à d’autres sources d’énergies est plus que nécessaire. Le gaz naturel déjà utilisé mais à faible volume (4%) est une option envisageable et maintenant envisagée par le Maroc. La libéralisation du secteur de l’électricité est l’autre enseignement fort à retenir selon l’étude qui prend comme exemple, la Turquie qui a pu doubler sa capacité installée, améliorer sa couverture géographique, réduire le nombre d’heures de pannes et soulager le budget de l’Etat grâce, entre autres, à l’ouverture de son secteur électrique auparavant dominé par un opérateur public et verticalement intégré. Le processus de libéralisation, en Turquie, s’est traduit par une totale ouverture, à l’investissement privé, de la production, de l’intermédiation et de la distribution souligne l’étude qui ajoute que la consommation a été également touchée puisque les gros consommateurs ont été autorisés à choisir librement leurs fournisseurs.

Au Maroc, ce secteur continue d’être dominé par l’ONEE, opérateur public, très présent dans la production, le transport, la fourniture de l’électricité et, dans une moindre mesure, dans la distribution, «un quasi-monopole qui pèse de plus en plus sur les finances publiques». La libéralisation totale de la production et de la distribution ainsi que l’autorisation de création d’intermédiaires en vente et achat de l’électricité pourraient favoriser un développement rapide du secteur, améliorer ses performances et desserrer la contrainte financière sur le budget de l’Etat, estime ainsi l’étude de l’IRES. Le troisième enseignement concerne la mise en place d’un organe de régulation car libéralisation et régulation vont de pair.

Dans les quatre cas étudiés, constate le rapport, le régulateur, en tant que garant du libre jeu de la concurrence et du respect de l’accès aux infrastructures de transport et de distribution, a joué un rôle-clé dans l’attrait de l’investissement privé. Au Maroc, où l’ONEE qui joue actuellement et partiellement ce role et se trouve de ce fait juge et partie, «cet organe de régulation est plus que jamais nécessaire pour notamment définir les règles et modalités d’accès et de raccordement aux réseaux de transport et de distribution, ainsi que la définition d’une politique tarifaire transparente basée sur les couts réels d’exploitation». le quatrième enseignement tirée du benchmarking est relatif au cadre juridique et au dispositif de soutien aux énergies renouvelables.

Dans les quatre pays analysés, les énergies renouvelables sont considérées comme une réelle alternative aux énergies fossiles et une vraie opportunité de développement économique et industriel, souligne l’étude qui estime par conséquent que «les lois et règlements régissant le recours à ces énergies prévoient toutes les conditions requises par la viabilité économique et financière des projets».

Passant en revue le cas du Maroc où plusieurs projets ont été initiés sans bénéficier d’aucun avantage surtout que la loi 13-09, ne comporte aucune disposition en ce sens. Le décret qui doit définir les modalités et conditions de ce raccordement n’est, par exemple, pas encore promulgué alors que pour ce qui est la basse tension (BT), elle n’a tout simplement pas été prise en compte par la loi alors qu’une étude sur l’utilisation solaire PV en BT évalue le potentiel de la capacité à installer à 3000 MW. De fait, «il y a urgence pour le Maroc de mettre en place une législation moins restrictive et plus favorable aux énergies renouvelables». Le pays dispose, en effet, d’un gisement éolien estimé à 25.000 MW dont 6.000 exploitables et plus de 3000 heures d’ensoleillement.

La loi 13-09 devra donc être amendée pour offrir plus de garanties aux investisseurs. Le cinquième enseignement renvoie à l’importance des interconnexions et échanges régionaux de l’énergie dans un contexte marqué par la globalisation des échanges et des marchés ainsi que la libéralisation du secteur énergétique favorisent l’harmonisation des règles et standards et l’intégration des marchés de l’énergie pour améliorer la compétitivité et renforcer la sécurité de l’approvisionnement.

Enfin, un dernier enseignement tiré de l’étude, c’est la tentation des décideurs politiques de trop lier la stratégie énergétique et l’intégration industrielle locale. Le cas de l’Espagne et à une moindre mesure le Portugal «démontrent que cela peut s’avérer coûteux et fragile du point de vue économique». Avis aux décideurs…



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