Balance commerciale : Le Maroc importe plus… moins cher

La compression du déficit commercial durant ces derniers mois n’est pas annonciatrice d’une grande révolution dans la structure des échanges du royaume. Le recul du déficit s’explique, en partie, par une baisse en valeur des échanges. Les volumes pour leur part ont pratiquement stagné.
Les dernières statistiques communiquées par l’Office des changes sur le détail des échanges extérieurs pour le mois de janvier 2016 donnent un nouvel éclairage sur le comportement de la balance commerciale. Au premier coup d’œil, il semble que celle-ci démarre relativement bien en ce début d’année. Le déficit poursuit donc son recul à 7,3MMDH au lieu de 9,8MMDH un an auparavant, faisant passer le taux de couverture à 71,3% contre 64,9% en janvier 2015. Les résultats préliminaires des échanges extérieurs pour le mois de janvier font donc ressortir un allègement du déficit commercial de 2,4MMDH. Reste qu’une analyse basée uniquement sur la valeur des échanges demeure insuffisante pour déterminer le comportement du Commerce extérieur du pays.
La fluctuation des prix à l’international de certaines denrées comme le pétrole, le sucre ou le blé, produits pesant d’un poids important dans la balance commerciale d’un pays, peuvent grandement changer la donne. Si en termes de valeur, nous pouvons constater une baisse des importations (-2.3MMDH) conjuguée à la quasi-stabilité des exportations, les volumes ont pour leur part grimpé. Ils sont passés de 3,7 millions de tonnes à près de 4 millions de tonnes (3,95 millions). Autrement dit, le Maroc importe plus, mais moins cher.
Ce phénomène est particulièrement visible dans le cadre des importations en énergie et lubrifiants. La facture énergétique a connu une baisse spectaculaire de plus d’1MMDH en valeurs. Pourtant, les volumes sont en parfaite stagnation à 1,6 million de tonnes. Même constat du côté des produits bruts d’origine végétale ou animale : Alors que les volumes ont connu une quasi-stagnation entre 133.000 et 137.000 tonnes, la valeur des échanges a connu une importante régression en passant de près d’1MMDH à 786MDH. Ce problème ne se pose pas du côté de l’export où une hausse des valeurs reste tout de même tributaire de la hausse des volumes.
À fin janvier 2016, le quasi-immobilisme des volumes d’exportation s’est accompagné d’une stagnation de la valeur des échanges. Concrètement, le Maroc a exporté à fin janvier près de 2 millions de tonnes de marchandises (1,97 million), en légère augmentation par rapport au même mois de l’année 2015 (1,83 million). En termes de valeur, cela a fait passer les exportations de 18,2MMDH à 18,8 MMDH. Ces éléments permettent donc de confirmer que le recul constaté durant ces derniers mois en termes de déficit n’est pas tant dû à un assainissement des importations ou encore à une levée de boucliers dans le cadre des mesures de défense commerciale, il est plutôt à rechercher du côté de la baisse en valeur des quantités importées.
À en croire plusieurs observateurs, cette situation aurait prévalu tout au long de l’année 2015, qui a connu une baisse de 35MMDH du déficit, ce qui laisse dubitatif quant aux efforts consentis pour maîtriser la balance commerciale. Pire encore, cela présage d’un retour à la case départ d’un déficit qui frôle les 200MMDH et les 15% du PIB pour peu que les prix des matières premières caracolent à l’international. L’accalmie sur la balance commerciale s’apparente donc plus à un calme avant la tempête.
Mohamed Benayad
Secrétaire général du ministère du Commerce extérieur
Les Inspirations ÉCO : Le déséquilibre entre volumes et valeurs des importations doit-il inquiéter ?
Mohamed Benayad : Il existe un effet de valeur certain suite à la chute des prix de pétrole et des prix de base à l’international. Si les volumes sont maintenus, cela veut d’abord dire que le train de vie de l’économie marocaine se poursuit au même niveau et que les efforts sont pratiquement les mêmes. Cela est particulièrement visible du côté des biens d’investissement. Le Maroc poursuit ses efforts d’investissements et il s’agit là d’un bon indicateur sur la santé économique du pays. La baisse des prix a donc été bénéfique pour notre économie.
Cette situation peut-elle être interprétée comme un manque d’efforts sur l’amélioration de la structure des échanges ?
Non. Nous vivons aujourd’hui un changement structurel certain, ne serait-ce que dans la composition de l’export. Les volumes connaissent un important bond et se diversifient…C’est un constat observable à l’œil nu. À l’import, le fait qu’il n’y ait pas eu de changement dans les volumes indique que les structures de l’économie demeurent les mêmes. Nous demeurons dépendants de l’énergie et des biens d’investissement. Nous sommes en train de régler ces problèmes en agissant sur les énergies renouvelables et en fournissant des efforts sur l’automobile et l’aéronautique. Il faut dire que cette situation dénote également de l’ancrage du Maroc dans les chaînes de production mondiale.
La politique d’assainissement des importations et de défense commerciale explique-t-elle en partie la baisse des importations ?
La part de ces mesures est très minime et de toute façon l’objectif de ces politiques n’est pas de réduire les importations mais de s’assurer de la mise en place d’une concurrence loyale sur le marché marocain. Il y a une bonne partie de la variation sur la balance commerciale qui relève d’efforts conjoncturels. Nous devons aller de l’avant et poursuivre les efforts.