Linking banking : Un nouveau business model plus rentable

Le linking banking, concept développé par des chercheurs marocains, revoit le modèle actuelle de la banque et concilie le commercial avec l’investissement pour un meilleur financement de l’économie et une meilleure inclusion.
Démocratiser la banque et assurer l’inclusion économique et financière sont les objectifs que s’est assignés le linking banking. Ce concept, développé par trois chercheurs, en l’occurrence Mohamed Wail Aaaminou, doctorant en finance islamique à l’EMI et directeur général d’Almaali Consulting Group, Khalil Labniouiri, doctorant en finance islamique à l’Université de Fès et directeur commercial d’une institution financière et Moulay Mounir Elkadiri, docteur Dar Al-Hadith, professeur de finance islamique à la Sorbonne Paris et président du CIFIE, concilie ou plutôt réconcilie la banque commerciale et la banque d’investissement.
Des dépôts à vue non utilisés
Le business model de ce nouveau concept, qui est un mixe des différents outils de financement qui ont émergé au lendemain de la crise financière, assurerait un niveau de rendement nettement supérieur à celui offert par la banque conventionnelle et permettrait une meilleure stabilité de l’écosystème financier. La stabilité est assurée par le fait que la banque connectée ne réutilise pas les dépôts à vue pour octroyer des crédits, mais au contraire. Le nouveau modèle collecte les dépôts à vue et les garanties à 100% à leurs détenteurs. Les clients types, salariés ou autres, disposent des différents services accordés par la banque (chèque, carte de paiement, etc) contre une rémunération habituelle pour gestion de compte, alors que les grands comptes y déposeront leurs fonds comme s’ils le font dans un coffre-fort pour une commission annuelle de 0,25%.
Il est également offert aux déposants d’avoir des comptes en or, soit physique, soit sous forme de certificat d’investissement en or. Par ailleurs, une autre catégorie de déposants est composée de ceux qui souhaitent investir et faire fructifier leurs avoirs. Cette fructification est possible à travers la participation directe dans le financement de projets par le biais d’OPCR. Il s’agit d’une épargne affectée. Les OPCR sont gérés par la branche banque d’investissement de la linking banking. Celle-ci, investi au même titre que les épargnants dans l’OPCR, à hauteur de 3%.
Par ailleurs, la banque d’investissement s’implique dans la gestion des projets financés par le biais de sociétés d’investissement régionales qui assureront l’accompagnement et le contrôle. Par ailleurs, la participation aux OPCR ne sera pas limitée à la banque et ses clients, mais ouverte à la masse à travers la commercialisation des cartes d’investissement similaire aux cartes de recharges de téléphone, notamment dans les commerces de proximité.
Le retail autrement
Du côté commercial, le linking banking joue le rôle de commercial pour différents fournisseurs en proposant leurs produits (automobile, immobilier,…) à crédit sans intérêt. Or, ce sont les fournisseurs qui accordent le crédit, la banque ne fait qu’étudier le dossier du client et est rémunérée par une partie de la marge dégagée par la transaction commerciale, objet du financement, c’est ce qu’on appelle le positive banking. Il est aussi possible de financer l’acquisition d’un bien immobilier ou d’une voiture par moucharaka moutanaqissa (partenariats dégressifs) ainsi que par baia alajil (vente avec facilité de paiement), les deux portés par un OPCR.
Wail Aaminou
Chercheur en ingénierie financière à l’École mohammadia d’ingenieurs
Les Inspirations ÉCO : Combien de temps vous a pris cette recherche ?
Wail Aaminou : Pour aboutir à ces éléments, il a fallu 4 ans d’études, mais pour proposer une première version du package complet du linking banking, il faudra encore 9 autres mois. En effet, c’est tout une chaire universitaire qui travaille sur le concept d’ethical finance 3.0 et permettra, in fine, d’élaborer un ouvrage scientifique collectif, baptisé «Linking banking», le business model bancaire désintérmédié. Le livre se départagera en 5 tomes, le premier traitera des attentes du marché d’une banque 3.0, le second de l’invention du business model bancaire désintermédié, le troisième de l’éthique à travers la mesure des impacts économique et social ainsi que de la conformité du linking banking aux standards de l’éthique financière, islamique en l’occurrence. Le quatrième tome traitera de la structuration financière du business model, à travers des simulations des charges et produits et la modélisation de la rentabilité du modèle. Enfin, le dernier tome abordera la stratégie de déploiement opérationnel du linking banking. C’est le travail de dix doctorants.
Y a-t-il des institutions qui sont intéressées par le déploiement de ce modèle ?
À ce jour, on compte trois institutions intéressées. Il s’agit d’une banque en cours de création au Luxembourg, d’une institution financière maghrébine et d’un organisme international engagé en Afrique.
Comment s’opérera, idéalement le déploiement de ce modèle ? Et quel est son coût ?
Le déploiement du linking banking démarre par la banque d’investissement, à travers la mise en place des OPCR, en appliquant le Peer to Peer equity, c’est-à-dire que les clients épargnants financent directement les clients investisseurs. Une fois les retombées des investissements et les rendements empochés, c’est le déploiement du branchless banking, à travers le digital et le réseau d’agences non détenu en propre à l’image des agents d’assurance ou encore du modèle de franchise. L’avant-dernier élément à déployer est le positive banking pour le financement retail. Tandis que le dernier élément le narrow banking, c’est-à-dire la collecte des dépôts à vue non utilisés. Les banques commerciales disposant déjà d’un pôle banque d’investissement n’auront pas à engager des investissements importants pour assurer cette transformation.