Leila Alaoui : Passionnée jusqu’au bout
La mort de la jeune photographe franco-marocaine, Leila Alaoui, victime de la barbarie terroriste à Ouagadougou le 15 janvier, a suscité une grande émotion. Sa perte est un gâchis pour l’art car c’était une artiste passionnée, qui aimait foncièrement l’humanité dans toute sa diversité…
Dotée d’une sensibilité rare, Leïla Alaoui faisait partie de ses êtres qui pensent trop à l’humain et à ceux qui souffrent. Elle avait trouvé un moyen de figer les instants rares, les instants pleins de sens pour changer les choses. Les camps des réfugiés étaient son refuge, elle n’hésitait pas à suivre les Subsahariens dans les forêts de Tanger, habitait à Beyrouth dans ce qu’elle appelait un «tombeau ouvert où une catastrophe peut survenir à tout moment». Une artiste engagée, parfois même enragée, une écorchée vive qui travaillait avec son cœur et son âme. D’après Mahi Binebine, qui lui a fait un vibrant hommage sur la toile, elle était fatiguée et pensait à se retirer pour fonder une famille.
À 33 ans, elle était déjà une photographe reconnue dans le monde entier. D’ailleurs, elle préparait un reportage pour Amnesty International sur les femmes violées… On se souviendra de son travail sur les Marocains «Moroccans», on se souviendra de «No Pasara», son travail sur les «harraga» qui rêvent d’un avenir meilleur en Europe, on se souviendra de «Crossings», des travaux aussi profonds et imprégnés qui avaient pour vocation de bousculer les mentalités. Elle a créé, avec son compagnon, Nabil Canaan, un espace artistique qu’ils ont baptisé «La Station».
Et ce n’est pas fini puisque son œuvre n’a jamais été aussi utile, elle sera présente à Marrakech le 28 février prochain. «Nous sommes fiers et émus d’accueillir cette année, en ultime requiem, son exposition «L’île au Diable». Cette installation vidéo mettra en lumière l’ancienne usine automobile Renault Billancourt à Paris et ses milliers d’ouvriers issus des anciennes colonies françaises. À travers l’hommage qu’elle rend à ces âmes oubliées et déracinées, c’est son esprit solaire et audacieux que nous serons heureux de saluer à la Biennale de Marrakech». Ses funérailles, mercredi dernier à Marrakech, avaient un goût d’amour et de rapprochement.
Au-delà de la douleur de la perte, tout le monde a pu constater que Leïla avait réussi à rassembler toutes les religions, toutes les cultures alors qu’elle allait rejoindre sa dernière demeure. Une belle façon de venger sa mort, de dire non à l’obscurantisme …Encore une belle leçon d’humanité pour tirer sa révérence.