Investissements directs étrangers : le Maroc dans le top 10 africain

Le Maroc consolide sa position de pôle d’attraction majeur des investissements étrangers en Afrique. Il confirme également la solidité de son modèle économique et la confiance des marchés internationaux. En 2024-2025, le Royaume figure parmi les destinations les plus prisées du continent pour les flux de capitaux étrangers. Le pays est porté par une politique proactive en matière d’infrastructures, d’énergie et d’industrie. À l’échelle africaine, cette dynamique s’inscrit dans une compétition accrue entre économies émergentes pour capter les financements internationaux et stimuler la croissance durable.
Le Maroc refait surface dans le cercle restreint des dix pays africains ayant attiré le plus de capitaux étrangers en 2024-2025. Selon The African Exponent, qui cite les dernières données de la CNUCED, le Royaume a enregistré 1,64 milliard de dollars d’investissements directs étrangers (IDE), en hausse de près de 55% par rapport à 2023. Une progression notable, fruit d’une politique d’attractivité réajustée et d’une stabilité macroéconomique qui continue de séduire les investisseurs internationaux.
Cette embellie tient d’abord à la diversification du tissu industriel national. L’automobile, l’électronique, l’aéronautique et les composants affichent une dynamique continue, soutenue par des zones industrielles intégrées et un maillage logistique performant. À cela s’ajoutent des réformes administratives visant à fluidifier les procédures d’investissement et à garantir un meilleur accompagnement des porteurs de projets. La position géographique du Royaume reste un atout majeur : carrefour entre l’Europe, l’Afrique et le monde arabe, le Maroc consolide son rôle de plateforme régionale d’exportation et de réexportation.
Les accords de libre-échange signés avec l’Union européenne, les États-Unis et plusieurs partenaires africains renforcent cette vocation de hub économique. Autre pilier de cette remontée : la stratégie énergétique nationale. Leader continental en matière de solaire et d’éolien, le Maroc attire de nouveaux fonds dans les projets d’hydrogène vert et de stockage. Les perspectives dans les énergies propres positionnent le pays comme une destination de choix pour les capitaux liés à la transition énergétique.
Des défis persistants
Malgré cette remontée, le Maroc reste encore loin des niveaux record atteints au début de la décennie 2010, lorsque les IDE frôlaient les 3 milliards de dollars. La performance de 2024, bien qu’encourageante, traduit davantage un rattrapage qu’un nouveau cycle de croissance soutenue. Parmi les freins identifiés, figure la disparité territoriale : la concentration des investissements sur l’axe Casablanca–Tanger–Kénitra laisse en marge plusieurs régions à fort potentiel.
Le renforcement des infrastructures dans les zones intérieures demeure un levier essentiel pour une répartition plus équilibrée des flux. Les investisseurs internationaux pointent également la nécessité d’une plus grande visibilité réglementaire. L’enjeu réside dans la consolidation d’un environnement juridique stable, garantissant la sécurité des contrats, la transparence des appels d’offres et la protection effective des droits de propriété.
Enfin, la montée en puissance de l’innovation et du numérique reste encore timide. Pour attirer les nouveaux capitaux mondiaux, le Maroc devra accélérer la formation de compétences digitales et renforcer la recherche appliquée, notamment dans les filières technologiques émergentes.
L’Afrique, nouveau pôle d’attraction mondiale
À l’échelle continentale, l’année 2024 marque un tournant. L’Afrique a enregistré un flux total d’environ 97 milliards de dollars d’IDE, soit une hausse de 75% en un an. Une progression largement portée par quelques projets d’envergure, notamment en Égypte, en Côte d’Ivoire et au Mozambique. En tête du classement, l’Égypte domine très largement, avec près de 46,6 milliards de dollars d’investissements, tirés par le gigantesque projet urbain Ras El-Hekma financé par le fonds souverain émirati ADQ.
Derrière elle, la Côte d’Ivoire s’impose comme la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest, avec 3,8 milliards de dollars, attirés principalement par l’agro-industrie, les infrastructures et l’énergie. Le Mozambique complète le trio de tête avec 3,6 milliards, dopés par les mégaprojets gaziers et les infrastructures énergétiques.
L’Ouganda et la République démocratique du Congo confirment également leur attractivité grâce à leurs ressources naturelles : pétrole et gaz pour l’un, minerais critiques (cuivre, cobalt, lithium) pour l’autre. Viennent ensuite l’Afrique du Sud (2,5 milliards) et la Namibie (2,1 milliards), cette dernière bénéficiant d’un afflux d’investissements dans l’hydrogène vert et les énergies renouvelables.
Le Sénégal (2 milliards) et le Ghana (1,7 milliard) poursuivent leur montée en puissance, portés par le dynamisme du secteur pétrolier et des services. Enfin, le Maroc, avec ses 1,64 milliard, ferme ce top 10, confirmant son retour progressif dans la cour des destinations africaines attractives pour les capitaux étrangers.
Une dynamique contrastée mais prometteuse
Derrière ces chiffres impressionnants se dessine une Afrique à deux vitesses. D’un côté, les économies dotées de ressources naturelles abondantes ou de grands projets d’État ; de l’autre, celles misant sur l’innovation, l’énergie verte et les réformes structurelles. La Namibie, le Sénégal et le Maroc se démarquent dans cette seconde catégorie, en attirant des capitaux sur des segments liés à la durabilité et à la transition énergétique. Mais l’attractivité ne se mesure pas seulement à la taille des investissements.
La capacité à transformer ces flux en retombées locales durables devient l’enjeu central. Sans industrialisation, transfert de technologie et montée en compétence, les IDE risquent de se limiter à des bulles économiques isolées, sans effet d’entraînement réel sur l’emploi ou la productivité. Dans ce contexte, la position du Maroc reste stratégique. Fort d’une économie diversifiée et d’une stabilité politique rare dans la région, le pays dispose des atouts nécessaires pour rejoindre le peloton de tête.
Pour y parvenir, il devra consolider son cadre réglementaire, accélérer l’inclusion régionale et approfondir son intégration dans les chaînes de valeur africaines. L’Afrique est en train de redéfinir les contours de son attractivité mondiale. Et dans cette recomposition, le Maroc a tout intérêt à jouer la carte de la compétitivité durable : innovation, énergie verte, industrie locale et capital humain. C’est à ce prix qu’il pourra convertir la reprise de 2024 en trajectoire ascendante et pérenne.
Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO