Maroc

Carburants : le marché navigue à vue

Après un répit en septembre, les automobilistes marocains pourraient voir les prix des carburants repartir légèrement à la hausse. Sur fond d’excédent mondial de production et de tensions géopolitiques, le marché reste fragile. À cette équation internationale s’ajoute un désordre local, marqué par la persistance du commerce informel et une réforme de traçabilité contestée par les distributeurs.

Après une rentrée marquée par une accalmie bienvenue pour les automobilistes, les prix à la pompe pourraient renouer avec une légère hausse en ce début octobre. Une augmentation envisagée par certaines sociétés d’hydrocarbures, mais qui ne devrait pas peser lourd sur le pouvoir d’achat.

«Depuis la baisse opérée début septembre, le marché international connaît une certaine stabilité. Le climat économique mondial reste toujours incertain. Malgré une offre abondante, les cours se maintiennent à des niveaux quasi identiques. En conséquence, le prix du carburant au Maroc pourrait rester stable ou n’enregistrer qu’une hausse infime, selon les distributeurs», explique Mostafa Labrak, directeur général d’Energysium Consulting.

Une incertitude persistante
Lors d’une réunion récente, huit pays producteurs de pétrole, parmi lesquels l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et la Russie, ont annoncé l’injection de 137.000 barils supplémentaires par jour dès octobre. Si cette cadence est maintenue, l’offre mondiale pourrait croître de 1,65 million de barils quotidiens en un an, s’ajoutant aux 2,2 millions déjà mis sur le marché depuis le printemps.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit ainsi une production d’or noir, en hausse de 2,7 millions de barils par jour (mb/j) cette année, pour atteindre un volume de 105,8 mb/j, alors que la demande ne progresserait que de 700.000 barils, pour une consommation moyenne de 103,87 mb/j. Derrière cette stratégie, les intentions sont, d’un côté, de financer les colossaux projets d’infrastructures de Riyad et de l’autre, de soutenir l’effort de guerre russe. Mais elle alimente surtout la perspective d’une offre excédentaire persistante.

Dans son dernier rapport, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) note que les prix sont toujours freinés par la montée en puissance de producteurs hors OPEP+, notamment les États-Unis, le Brésil, le Canada ou encore la Guyane. Les risques géopolitiques s’ajoutent à ces déséquilibres. Les tensions au Moyen-Orient, tout comme les sanctions occidentales contre Moscou, pèsent sur le marché.

Pour l’heure, leur effet reste contenu, Washington cherchant à prévenir toute flambée des cours qui pénaliserait le consommateur américain, enjeu crucial pour Donald Trump à l’approche des élections. Mais la donne pourrait changer rapidement si de nouvelles mesures venaient cibler plus directement les exportations russes. Malgré les ajustements opérés par l’OPEP+ pour réguler ses approvisionnements, l’AIE alerte. Un excédent record pourrait frapper le marché d’ici 2026, à mesure que les membres du cartel relanceront leur production et que les producteurs concurrents augmenteront encore leurs volumes.

Pour l’heure, les cours du pétrole restent confinés dans une fourchette étroite depuis août, les investisseurs pesant entre abondance de l’offre et risques géopolitiques. Plusieurs prévisionnistes, dont l’AIE, tablent sur un excédent au cours de l’année en raison de la montée en puissance simultanée de l’OPEP+, de ses partenaires et des producteurs extérieurs, notamment en Amérique.

Fin de l’anarchie ?
Au Maroc, ces fluctuations mondiales s’accompagnent d’un désordre local persistant. En dépit des mesures réglementaires, la vente informelle de carburant en vrac continue de prospérer. Face à ce constat, le ministère de la Transition énergétique veut instaurer, dès janvier 2026, un système de traçabilité des produits pétroliers, activé dès leur entrée par la douane.

Chaque distributeur se verrait attribuer un marqueur chimique, permettant de remonter à l’origine du produit et de détecter les ventes illicites. Un dispositif qui provoque déjà la colère des propriétaires de stations-service. Ceux-ci redoutent un outil pouvant constituer une preuve matérielle en cas de fraude.

D’ailleurs, vendredi dernier, ils ont boycotté une réunion organisée par le Secrétariat général du ministère. Bien que les tensions se soient ensuite quelque peu apaisées, une nouvelle rencontre est prévue cette semaine. Car le traçage mettrait en lumière certaines pratiques, consistant à s’approvisionner auprès d’un distributeur autre que celui lié par contrat d’exclusivité, afin d’élargir les marges.

Selon des spécialistes, la vente en vrac provient largement du marché B to B. Des entreprises achètent du carburant en gros pour le revendre, parfois à des stations mobiles, et même à des stations fixes. Une part de cette revente illégale concerne aussi du carburant exonéré de TVA et de TIC, destiné à des usages spécifiques. Les marges peuvent atteindre 40%, une manne difficile à abandonner pour certains pompistes. Mais en même temps, une manne fiscale qui échappe au contrôle.

Le ministère semble toutefois déterminé à aller au bout de sa réforme. Deux sociétés, dont une basée en Suisse, se disputent déjà le marché de la traçabilité chimique. L’objectif affiché est de mettre fin à des pratiques frauduleuses profondément ancrées.

Mostafa Labrak
Expert en énergie

«Depuis la baisse opérée début septembre, le marché international connaît une certaine stabilité. Le climat économique mondial reste toujours incertain. Malgré un excès d’offre, les cours se maintiennent à des niveaux quasi identiques. En conséquence, le prix du carburant au Maroc pourrait rester stable ou n’enregistrer qu’une hausse infime, selon les distributeurs.»

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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