Zineb Kamal : “Le métavers ne disparaît pas, mais perd son statut de révolution universelle”

Zineb Kamal
spécialiste des stratégies numériques
Annoncé comme une révolution universelle, le métavers a vite perdu de son attrait après l’effervescence des années 2021-2022. Que reste-t-il aujourd’hui de cet univers parallèle, jadis présenté par ses promoteurs comme l’avenir du numérique ? Peut-il encore s’imposer en tant que marché de niche ?
Le métavers a été présenté comme une révolution, avant de se heurter à un essoufflement visible. Quels facteurs expliquent, selon vous, cette désillusion ?
Le métavers a connu un engouement exceptionnel à partir de 2021, mais cet enthousiasme s’est rapidement heurté aux limites techniques et aux excès d’attentes d’autonomie. S’y ajoute l’absence d’usages indispensable au quotidien de tout un chacun. Mis à part les jeu vidéos, il n’existe pas encore de «killer app» capable de convaincre le grand public.
Plusieurs études soulignent également que l’expérience utilisateur reste trop complexe et peu fluide pour un usage quotidien. Il serait donc simpliste de parler d’échec. Nous sommes davantage face à une technologie qui progresse par étapes, dont la promesse initiale était sans doute prématurée par rapport à la maturité des usages.
Du coup, on assiste à l’échec d’un modèle économique qui n’a pas trouvé son marché ?
Il s’agit surtout d’un réajustement des attentes. Le métavers ne disparaît pas, mais il perd son statut de «révolution universelle» annoncée en 2021. Les usages grand public se révèlent plus difficiles à mettre en oeuvre que prévu, tandis que les investissements massifs consentis par Meta ou d’autres acteurs ont mis en évidence le coût considérable du pari.
Pour autant, il n’y a pas d’échec structurel. Les applications dans l’industrie (jumeaux numériques, simulation), la formation professionnelle ou encore certaines plateformes de jeu démontrent que le modèle fonctionne lorsqu’il répond à un besoin concret. A vrai dire, le hic n’est pas la technologie en elle-même, mais la décorrélation entre le récit médiatique et la réalité des usages.
Dans un contexte où l’intelligence artificielle a capté l’attention mondiale, le métavers peut-il espérer une seconde vie ?
Meta qui est, de facto, l’entreprise qui a le plus investi dans le métavers, au point d’en devenir l’acteur central, n’a jamais annoncé l’abandon du métavers. La division Reality Labs continue de développer les casques Quest et de financer des projets VR/AR, même si elle a accumulé plus de 69 milliards de dollars de pertes cumulées à fin 2024.
En 2025, Meta a cependant réorienté sa communication publique vers l’intelligence artificielle, beaucoup plus porteuse en termes d’image et de marché. Mais le groupe poursuit, ceci dit, ses efforts dans l’informatique immersive – spatial computing-, tout en déplaçant le centre du récit vers l’IA générative. Il s’agit d’un recentrage stratégique, pas d’un retrait.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO