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Métavers : fin de la hype ?

Annoncé comme une révolution universelle, le métavers a vite perdu de son attrait après l’effervescence des années 2021-2022. Que reste-t-il aujourd’hui de cet univers parallèle, jadis présenté par ses promoteurs comme l’avenir du numérique ? Peut-il encore s’imposer en tant que marché de niche ?

Le 10 septembre dernier, Oracle, géant américain des logiciels et des services informatiques, a connu à New York une séance boursière hors norme. En une seule journée, sa capitalisation a bondi de 234 milliards de dollars, soit presque l’équivalent du produit intérieur brut de la Grèce. Les investisseurs ont été séduits par la vigueur de son carnet de commandes et, surtout, par son virage confirmé vers le cloud.

L’attrait pour le cloud ne date pourtant pas d’hier. Le concept, qui a suscité un engouement massif au cours des années 2010, n’a réellement pris corps qu’à partir de 2018, dopé par la pandémie, l’essor du télétravail et l’impératif de flexibilité pour les entreprises. Il aura fallu plus d’une décennie pour que cette technologie franchisse le cap de l’adoption généralisée et s’impose désormais comme une condition sine qua non de la compétitivité.

Aujourd’hui, le parallèle s’impose avec le métavers, un concept qui a enflammé les imaginaires avant de disparaître des radars. Présentée comme une révolution en 2021, cette innovation de rupture ne court-elle pas le risque de s’ajouter à la longue liste des bulles technologiques avortées ?

Chronique d’une énième bulle numérique
L’engouement autour du métavers trouve son origine dans le changement de nom de Facebook en Meta, en octobre 2021. Son fondateur, Mark Zuckerberg, y voyait le «successeur de l’internet mobile», érigeant le métavers en horizon stratégique de son groupe. L’annonce a déclenché une vague d’investissements estimée à plus de 120 milliards de dollars en 2022, selon le cabinet McKinsey.

Dans la foulée, la Silicon Valley comme les médias présentent cette promesse comme une révolution inéluctable. Il faut noter également qu’entre 2021 et 2022, le développement du métavers fut également étroitement lié à celui des NFT. À en croire certains spécialistes, les deux concepts avançaient presque de concert.

«Nike a racheté le studio RTFKT pour lancer des collections numériques via sa plateforme Swoosh. Gucci a expérimenté la vente d’objets virtuels dans Roblox, dont un sac numérique s’est échangé plus cher que son équivalent physique. Adidas a proposé une collection NFT «Into the Metaverse» en partenariat avec des artistes web3. Carrefour, Hyundai, entre autres, ont également testé des espaces virtuels», se souvient Zineb Kamal, spécialiste du numérique.

Mais, dès 2023, l’effondrement du marché crypto et la chute de la spéculation ont entraîné un ralentissement brutal. Cette interdépendance a condamné le métavers à subir de plein fouet le contrecoup de la débâcle. Plusieurs projets ont été abandonnés ou intégrés à des initiatives plus larges autour de la mode digitale ou du gaming.

«Aujourd’hui, les NFT subsistent sous des formes plus discrètes, qu’il s’agisse de jetons d’accès, de badges de fidélité ou d’objets numériques intégrés à des jeux. Le phénomène spéculatif s’est évaporé mais l’expérimentation se poursuit à petite échelle suivant des logiques plus pragmatiques», précise Zineb Kamal.

Révolution avortée ?
Faut-il, dès lors, considérer le métavers comme une révolution ratée ? Certes, la contraction de la demande a eu pour conséquences de limiter les débouchés mais sans pour autant mettre fin à la conquête de l’univers virtuel. Après l’effervescence qu’a connue ce marché naissant, des initiatives cherchent à donner au métavers un usage plus concret.

En Corée du Sud, la ville de Séoul a lancé «Metaverse Seoul», une plateforme qui permet aux citoyens d’accéder à des services municipaux, d’assister à des réunions publiques ou de visiter en 3D des lieux emblématiques. L’accès est possible depuis un ordinateur ou, pour une expérience plus immersive, avec un casque de réalité virtuelle.

«La question reste celle de l’utilité. Sans simplification, inclusion renforcée ou gain de temps réel, ces dispositifs risquent de n’apparaître qu’au mieux comme un simple divertissement», souligne la spécialiste des enjeux numériques.

Dans les milieux académiques comme chez les industriels, l’évolution technique suit pourtant son cours. Les casques gagnent en ergonomie, les téléphones intègrent toujours plus de puissance de calcul, tandis que les hologrammes s’imposent déjà dans l’événementiel et la communication.

Cette évolution est d’ailleurs propre à tout progrès technologique. Ce qui semblait hier encore relever de la science-fiction finit par s’imposer dans le quotidien, jusqu’à en paraître banal. Le métavers pourrait connaître le même sort, au point que la génération suivante n’en perçoive guère l’émergence.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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