Notation souveraine : le Maroc met à l’épreuve sa crédibilité budgétaire

Le 26 septembre, S&P livrera son verdict sur la qualité de la signature souveraine du Maroc. Au-delà de l’appréciation des marchés, l’échéance déterminera si l’économie s’abrite, ou non, sous le parapluie des perspectives du Mondial 2030.
L’agence de notation S&P se prononcera prochainement (le 26 septembre) sur la qualité de la dette nationale, une échéance qui pèsera sur l’examen des équilibres budgétaires. Mais, à vrai dire, c’est aussi une mise à l’épreuve pour déterminer si l’économie s’abrite, ou non, sous le parapluie des perspectives du Mondial 2030.
«La Coupe du monde répond à des objectifs, entre autres, diplomatiques et symboliques. Mais l’expérience internationale montre que l’organisation de tels événements ne garantit pas une performance économique durable. Le Maroc demeure confronté à des déficits persistants dans l’éducation et la santé, et c’est là que devraient se concentrer les efforts lorsqu’il s’agit de répondre aux attentes de la population», observe l’économiste Mohamed Harakat.
Au-delà du constat largement partagé dans le cercle des économistes, le verdict attendu ne portera pas seulement sur l’état des comptes publics. Il évaluera la capacité du tissu économique à inscrire ses engagements dans le temps et à préserver la confiance des investisseurs.
«Nous sommes face à un problème de gouvernance. Tant que l’économie reste dominée par des positions de rente et un accès inégal au financement, la notation traduira ces fragilités», analyse Harakat.
Mais c’est sans occulter la particularité de la dette nationale dont la structure interne contribue à asseoir une «certaine crédibilité budgétaire», au-delà de l’appréciation des marchés.
Selon le dernier rapport annuel de Bank Al-Maghrib, «la dette publique directe du Trésor s’est établie à 67,7% du PIB en 2024, soit 1.081,6 milliards de dirhams. L’essentiel de l’encours est porté par le marché intérieur, à hauteur de 50,8% du PIB, contre 16,9% pour la dette extérieure».
Stabilité apparente
Cette répartition limite l’exposition aux aléas de change et assure une diversification des créanciers, qu’il s’agisse des banques, assureurs ou organismes de prévoyance. Le caractère singulier de l’endettement national se manifeste également dans la gestion de la dette. Force est de constater que les échéances de remboursement s’allongent, ce qui réduit le risque de refinancement et offre au Trésor une visibilité accrue à moyen terme.
Le coût moyen de la dette demeure pour sa part contenu, en dépit de la remontée des taux internationaux. L’apparente stabilité ne saurait masquer certaines fragilités. Rappelons que la dette extérieure représente 16,9% du PIB, soit près de 270 milliards de dirhams, avec un coût qui s’alourdit avec la remontée des taux internationaux. «Notre modèle de développement repose encore largement sur l’endettement extérieur. La question n’est pas de savoir si nous devons emprunter, mais comment ces crédits répondent réellement aux attentes de la population.»
Dans ce contexte, la soutenabilité ne dépend pas seulement des volumes levés sur les marchés mais aussi de la capacité à préserver un matelas de sécurité en devises. Les réserves de change couvrent environ cinq mois d’importations, un niveau jugé correct par l’institution dirigée par Abdellatif Jouahri mais qui pourrait se révéler insuffisant en cas de choc prolongé sur la facture énergétique ou sur les échanges commerciaux. «La notation ne se résume pas à un ratio d’endettement, elle tient aussi à la capacité du pays à absorber un choc externe sans voir ses équilibres se dégrader», tempère, pour sa part, un analyste.
Exposition aux aléas extérieurs
En cela, le verdict de S&P viendra apprécier une économie qui présente des comptes plus équilibrés tout en demeurant exposée aux aléas extérieurs. Le Maroc se situe aujourd’hui au seuil haut du non-investment grade, avec une note BB+ assortie d’une perspective positive, après avoir réduit son déficit, stabilisé sa dette et ramené l’inflation à un niveau modéré. Des avancées qui devront désormais s’inscrire dans la durée pour convaincre les investisseurs. Mais derrière ces ajustements, la soutenabilité de la dette demeure l’objet de nombreuses interrogations.
«La dette ampute déjà près de quatre points de croissance. Jusqu’à quand le pays pourra-t-il en supporter le service sans compromettre ses marges de développement ?», interroge Oussama Ouassini, spécialiste en intelligence économique.
L’enjeu ne se réduit plus aux ratios budgétaires. Il porte désormais sur la nature des investissements, qui devront démontrer leur capacité à s’autofinancer, ainsi que sur la rationalisation d’un appareil public dont la masse salariale continue de peser lourdement sur les finances.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO