Investissements directs étrangers : la vraie facture en devises

Le poids des investissements directs étrangers est un marqueur de l’attractivité d’un pays ou d’un territoire. Au Maroc, le stock des IDE, évalué au 31 décembre 2024, s’élève à 633,3 milliards de dirhams, en hausse de 44,3 milliards en un an. Au-delà des effets d’entraînement sur l’économie, ces investissements ont, en retour, un coût financier sous forme de transferts en devises. Entre dividendes, assistance technique et diverses redevances, le Maroc a réglé 25,96 MMDH en 2024, selon les données que vient de publier l’Office des changes.
Les investissements directs étrangers (IDE) sont un formidable levier de développement et de structuration de l’économie, mais ils ont aussi un coût financier moins apparent. Aux dégrèvements d’impôts et de subventions que concède l’État, il faut ajouter les transferts permanents en devises à l’étranger qu’ils génèrent. Ceux-ci peuvent prendre plusieurs formes, mais les dividendes sont la rémunération la plus courante et de loin, la plus importante.
Les bénéfices rapatriés par les actionnaires des entreprises sous contrôle étranger ou des filiales des multinationales relèvent de la rubrique «dépenses de revenus d’investissements directs» dans la nomenclature de l’Office des changes. Les plus gros émetteurs de transferts de dividendes à l’étranger sont principalement les sociétés installées dans les zones d’accélération industrielle, les chaînes hôtelières internationales et les opérateurs télécoms.
Près de 26 MMDH en devises transférés en 2024
En 2024, 17,5 milliards de dirhams (MMDH) ont été transférés au titre de dividendes à l’étranger contre 14,6 MMDH l’année précédente. Mais le coût financier des IDE, ce ne sont pas que des dividendes. À la rémunération des actionnaires, il faut ajouter toute une galaxie de frais directs et indirects, et in fine, les retraits (cessions des participations) dont les transferts sont autorisés sur preuves documentaires des virements à l’entrée.
En 2024, les dépenses au titre de la rémunération des IDE se sont élevés à 25,95 milliards de dirhams. En plus des dividendes, ce montant comprend diverses redevances et une ribambelle de rémunérations au titre de droits de licence, brevets, participation aux frais de siège, marketing, développement de nouveaux produits, systèmes d’information, assistance technique, etc.
Cette dernière rubrique (assistance technique) peut prendre plusieurs formes, entre autres, le détachement de cadres des groupes auprès de leurs filiales implantées au Maroc. Elle est particulièrement surveillée par l’administration fiscale et l’Office des changes car les entreprises auraient tendance à la considérer comme un fourre-tout. Ces dépenses sont d’ailleurs un des générateurs de contentieux avec le fisc et l’Office des changes.
Par pays émetteur, la France tient sa place de premier investisseur étranger au Maroc en termes de stock d’IDE avec une part de 28% et un encours de 137,7 milliards DH. Deuxième investisseur étranger dans le Royaume, les Émirats Arabes Unis détiennent 95,8 milliards de stock d’IDE (en prises de participation). L’Espagne se place à la troisième position avec un encours d’IDE de 44,7 milliards et une part de 9%. Ces trois pays détiennent 56% de l’encours total des IDE dans le Royaume.
Les dépenses d’assistance technique sous surveillance
Dans certains cas, les frais d’assistance adossés aux IDE peuvent cacher une remontée des bénéfices d’une filiale marocaine auprès de sa maison-mère à l’étranger. C’est pour cette raison que cette rubrique cristallise l’attention des inspecteurs des impôts et de l’Office des changes.
Pour certains secteurs, la DGI ouvre aux opérateurs la possibilité d’un rescrit (ndlr : une validation préalable de la déductibilité de la dépense) afin de prévenir un éventuel contentieux. Depuis 2017, la DGI et l’Office des changes coordonnent leur action pour traquer des irrégularités en s’appuyant sur une convention bilatérale.
Le résultat de cette coordination est que le rejet de la déductibilité d’une dépense liée aux prestations d’assistance technique, à la suite d’un contrôle fiscal, peut parfois déboucher sur un redressement de la part de l’Office des changes, assorti des pénalités.
Cette double peine est contestée par les conseils qui assistent les entreprises, la jugeant contreproductive. Mais ni la DGI, ni l’Office des changes n’entendent se priver de cette arme de dissuasion.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO