Échange de renseignements sur demande : comment le Maroc se démarque

Le Maroc s’impose comme un acteur clé de la transparence fiscale en Afrique, combinant conformité aux normes OCDE, leadership dans les évaluations par les pairs et architecture de solutions régionales. Découvrez comment son statut de hub francophone et sa participation aux initiatives mondiales renforcent son influence multilatérale.
Alors que le G20 salue les avancées mondiales en matière de transparence fiscale, le Maroc s’impose comme un acteur dynamique et crédible sur la scène africaine et internationale. Un récent rapport-bilan de l’OCDE et du Forum mondial souligne l’impact transformateur des normes d’échange de renseignements (ER) depuis 15 ans. Dans ce paysage, l’engagement marocain révèle une stratégie alliant conformité, coopération régionale et exportation d’expertise.
Un «bon élève» aux réalisations concrètes
Le Maroc consolide son statut de «bon élève» en matière de transparence fiscale, évalué positivement parmi 39 membres du Forum mondial et de l’Initiative Afrique. Cette reconnaissance s’appuie sur des réalisations opérationnelles concrètes, notamment son leadership dans les évaluations par les pairs. En 2024, le Royaume a participé à quatre évaluations (Côte d’Ivoire, Djibouti, Madagascar et Sénégal), démontrant son expertise technique et son engagement multilatéral.
Comme le souligne la Direction générale des Impôts (DGI), dans son rapport d’activité 2024, cette implication reflète «l’expertise accumulée par la DGI en matière de transparence fiscale et la confiance dont jouit le Maroc sur la scène internationale».
Parallèlement, le Maroc a été désigné par le Forum mondial pour siéger au panel stratégique du «suivi renforcé» couvrant 90 juridictions, aux côtés de dix experts internationaux en échange de renseignements sur demande (ERD). Ce rôle confirme son influence dans le dispositif mondial de contrôle des normes fiscales.
Architecte de solutions régionales
Le Maroc dépasse désormais le statut d’implémenteur pour endosser un rôle d’architecte de solutions régionales. Dans le cadre de l’Initiative Afrique du Forum mondial, la DGI a co-élaboré un modèle stratégique visant à maximiser l’utilisation de l’échange de renseignements sur demande (ERD) à l’échelle continentale. Un cadre qui définit des actions structurantes pour lutter contre «la fraude et l’évasion fiscales transfrontalières et d’autres formes de flux financiers illicites», positionnant le Maroc comme contributeur clé des outils normatifs africains.
Cette dynamique s’est renforcée avec la signature récente, lors de la 6e édition de la Masterclass des chefs des administrations fiscales africaines, organisée par le Forum sur l’administration fiscale Africaine (ATAF) du 22 au 24 juillet 2025, à Rabat, d’une lettre d’intention avec l’African Tax Administration Forum (ATAF).
Ce partenariat stratégique transforme le Maroc en hub de formation francophone, en facilitant «l’organisation des programmes de formation et des activités de renforcement des capacités de l’ATAF dans le centre de formation de la DGI au Maroc», comblant ainsi un déficit d’accès à l’expertise fiscale pour les pays francophones d’Afrique.
Engagement opérationnel sur les normes globales
Le Maroc déploie un engagement opérationnel rigoureux pour aligner son cadre fiscal sur les standards internationaux de l’OCDE et du G20. Après son adhésion au Cadre inclusif BEPS en 2019, le pays marque des «progrès significatifs» dans la mise en œuvre des normes minimales, particulièrement sur l’Action 13 relative à la Déclaration pays par pays. Ces avancées, saluées par l’OCDE dans son rapport d’examen par les pairs de 2024, traduisent une conformité accrue en matière de documentation des prix de transfert et de confidentialité des échanges.
Parallèlement, le Maroc participe activement aux travaux techniques sur la taxation de l’économie numérique, notamment les Piliers 1 et 2 de la solution internationale, s’impliquant dans les groupes dédiés aux conventions fiscales, aux prix de transfert et à l’économie numérique.
Dans cette dynamique, la visite d’étude auprès de l’administration fiscale mauricienne en septembre 2024 – pionnière africaine de la Norme commune de déclaration (NCD) – révèle une stratégie proactive d’appropriation des «meilleures pratiques» pour préparer l’échange automatique de renseignements financiers, étape clé pour renforcer la transparence et lutter contre l’évasion fiscale transnationale.
Rayonnement par le partage d’expertise
Le rayonnement international du Maroc s’affirme à travers une diplomatie fiscale active et structurée. Le pays exporte désormais son expertise au-delà du continent, comme en témoigne l’animation par la DGI d’un atelier virtuel en octobre 2024 pour l’administration fiscale des Philippines.
Organisé avec la Banque asiatique de développement, cet atelier a ciblé «l’utilisation efficace de l’échange de renseignements dans les contrôles fiscaux», permettant de partager les méthodologies marocaines pour optimiser les enquêtes fiscales transfrontalières. Sur le plan continental, le Maroc consolide son rôle de plateforme stratégique du dialogue fiscal africain.
Lors de la 6e Master Class des chefs des administrations fiscales africaines, le directeur général des Impôts a souligné l’impérieuse nécessité de «la réflexion, du partage d’expériences et de la coopération entre pairs». Cette déclaration, cadrant avec le programme RADA de l’ATAF visant à doubler les recettes fiscales africaines d’ici 2030, positionne Rabat comme carrefour opérationnel de la coopération fiscale panafricaine, renforçant ainsi l’interconnectivité des administrations du continent.
Perspectives : les nouveaux défis
Le Maroc prépare activement sa réponse aux défis émergents de la transparence fiscale, anticipant les nouvelles frontières normatives identifiées par l’OCDE. Sa participation à la réunion plénière du Forum mondial de novembre 2024, centrée sur le «cadre de déclaration des crypto-actifs» (CDC), démontre une vigilance stratégique face à l’essor des actifs numériques.
Cette démarche s’inscrit dans un contexte global où 69 juridictions se sont engagées à mettre en œuvre cette norme d’ici 2027-2028, visant à soumettre les crypto-marchés à un niveau de transparence équivalent à celui des marchés financiers traditionnels.
Parallèlement, le Maroc surveille les travaux précurseurs de l’OCDE sur l’échange automatique de renseignements relatifs aux biens immobiliers. L’élaboration d’un cadre volontaire pour faciliter la circulation transfrontalière des données sur la propriété, les acquisitions et les revenus fonciers pourrait impacter significativement son économie, où l’immobilier constitue un secteur clé. Autant d’initiatives qui reflètent une adaptation proactive aux évolutions technologiques et aux exigences renforcées de coopération fiscale internationale.
Un modèle de «soft power» fiscal
Le parcours marocain illustre une stratégie gagnante : rigueur dans la mise en œuvre des normes, couplée à une diplomatie fiscale active. Comme l’on peut le noter, le Maroc ne se contente pas de suivre les règles du jeu internationales; il contribue à les enseigner et à les adapter au contexte africain.
Cette approche renforce sa crédibilité auprès des instances comme le G20 et l’OCDE, tout en consolidant son leadership régional. La prochaine étape sera cruciale : traduire cet engagement multilatéral en gains concrets de recettes domestiques grâce à l’exploitation systématique des données échangées, notamment via la future plateforme africaine d’échange de renseignements de l’ATAF.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO