Maroc

Industrie de pointe. Ryad Mezzour : «Notre ambition est de passer du Fabriqué au Maroc au Conçu et innové au Maroc»

Ryad Mezzour
Ministre de l’Industrie et du Commerce

Dans cet entretien exclusif, le ministre de l’Industrie et du Commerce dévoile la stratégie déployée pour faire du Royaume une plateforme technologique de référence. Des batteries électriques aux puces électroniques, en passant par les biotechnologies et l’intelligence artificielle, l’ambition est de capter des investissements à haute valeur ajoutée, renforcer l’intégration locale et former un capital humain en phase avec les exigences de l’industrie 4.0.

Le Maroc affiche l’ambition d’intégrer les segments les plus avancés des chaînes de valeur mondiales. Quelles sont aujourd’hui les filières prioritaires identifiées par le ministère pour porter cette montée en gamme industrielle ?
Notre priorité aujourd’hui est effectivement d’accélérer la montée en gamme de l’industrie nationale. Cela signifie renforcer le positionnement du Royaume en tant qu’acteur industriel à haute valeur ajoutée, capable de rivaliser sur les segments les plus avancés des chaînes de valeur mondiales. Pour y parvenir, nous misons sur la diversification de nos filières industrielles, l’investissement dans les technologies de pointe et la formation de compétences adaptées aux métiers d’avenir.

Plusieurs filières stratégiques se distinguent par leur rôle moteur dans cette ambition. Nous avons d’abord l’automobile, un pilier de notre base industrielle, qui poursuit son ascension grâce à l’intégration croissante de technologies liées à la mobilité électrique.

Le Maroc œuvre aujourd’hui au développement d’un écosystème intégré de mobilité électrique, englobant la fabrication de composants de batteries et de matières premières chimiques stratégiques. Il y a quelques jours, vous avez pu assister à l’inauguration à Jorf Lasfar de la première unité marocaine dédiée à la production de matériaux électriques de Cobco, un projet qui mobilise 20 milliards de dirhams et marque une étape capitale de la stratégie industrielle du Royaume en matière d’intégration locale de la chaîne de valeur. Nous avons également l’aéronautique, un autre fleuron stratégique.

Le Maroc a su y développer une base solide, intégrant des métiers à haute valeur ajoutée comme l’usinage de pièces moteurs, les composites, le câblage ou encore l’assemblage de sous-ensembles complexes. Cela nous place aujourd’hui parmi les 20 premières nations capables de produire des composants de toute nature pour l’aviation.

Quid du secteur de l’énergie ?
Nous structurons de nouvelles filières à fort potentiel. Les énergies vertes, notamment l’hydrogène vert qui représente un chantier prioritaire. En mars 2024, notre pays a lancé une offre nationale dans ce domaine avec l’ambition de produire un million de tonnes à l’horizon 2027 et trois millions de tonnes d’ici 2032.

Le projet suscite un intérêt international significatif. Nous investissons également dans des filières technologiques d’avenir telles que les biotechnologies industrielles et l’intelligence artificielle.

Le Maroc mise également sur le développement local des puces électroniques à travers la création d’un groupement industriel dédié d’une valeur de 555 millions de dirhams, tout en attirant des partenariats internationaux avec plus de 50 millions de dollars d’investissements engagés pour la production de composants électroniques de précision. Donc, la montée en gamme dont nous parlons repose sur une approche équilibrée. C’est-à-dire le renforcement des filières industrielles matures à travers leur transformation technologique et durable, et le développement de secteurs innovants à fort potentiel de création d’emplois, d’exportations et de souveraineté industrielle.

Dans un contexte de relocalisation industrielle mondiale, quels arguments le Maroc met-il en avant pour attirer des investissements dans des secteurs à forte intensité technologique comme les biotechnologies, les composants électroniques ou l’IA appliquée à l’industrie ?
Le Maroc s’inscrit pleinement dans la dynamique mondiale de relocalisation industrielle en offrant une plateforme structurée, compétitive et axée sur l’innovation technologique. Plus qu’un simple cadre d’accueil, notre stratégie industrielle place l’innovation au cœur de son développement, avec pour ambition de transformer le Royaume en une plateforme de production intelligente intégrant les technologies de l’industrie 4.0, telles que l’intelligence artificielle et l’automatisation.

Le tissu industriel national, notamment dans les secteurs exportateurs, a déjà intégré des outils digitaux pour répondre aux exigences mondiales de qualité et de performance, démontrant une maturité technologique qui constitue un atout majeur pour attirer les investisseurs.

Par ailleurs, le pays prépare activement le déploiement accéléré des technologies avancées, en particulier l’intelligence artificielle, qui offre de nouvelles opportunités économiques et la création d’emplois qualifiés à forte valeur ajoutée. Le ministère conduit à cet effet plusieurs programmes de montée en compétences, de formation et de reconversion professionnelle pour adapter le capital humain aux exigences de l’industrie 4.0.

Des projets innovants, comme l’usine pilote «Fez Smart Factory», lancé par l’Université Euro-méditerranéenne de Fès en partenariat avec ce ministère et l’ADD, illustrent cet engagement à accompagner les industriels dans l’adoption de l’IA et des technologies de pointe. De plus, le ministère soutient un large éventail d’initiatives industrielles innovantes dans les domaines de l’IA, de l’électronique et de l’automobile, renforçant ainsi la position du Maroc comme acteur de référence dans ces filières.

Le Maroc offre donc un écosystème favorable, une main-d’œuvre qualifiée en constante évolution, ainsi qu’une stratégie volontariste visant à intégrer des industries à haute valeur technologique. Ces atouts conjugués font du Royaume une destination de choix pour les investissements dans les biotechnologies, les composants électroniques et l’intelligence artificielle appliquée à l’industrie.

La montée en compétence du tissu productif passe aussi par des écosystèmes locaux performants. Quels dispositifs sont mis en place pour renforcer l’intégration locale, notamment à travers la sous-traitance technologique, l’ingénierie ou la co-innovation ?
C’est une dimension clé de notre stratégie industrielle. Le Maroc mise résolument sur le développement d’écosystèmes locaux performants pour renforcer l’intégration industrielle. Nous avons lancé plusieurs dispositifs structurants, comme la Banque de projets qui identifie des opportunités de substitution à l’import, en orientant les industriels vers des filières à fort potentiel technologique où une production locale est possible et compétitive.

Ce dispositif a déjà permis de capter un grand nombre de projets portés par des PME marocaines, dans des secteurs comme l’automobile, l’électronique ou la chimie. En parallèle, nous investissons dans le développement du capital humain en soutenant la montée en compétences des ingénieurs et des techniciens, à travers des programmes de formation ciblés sur les métiers de l’industrie 4.0, visant à former des professionnels capables de maîtriser les outils de production avancés et les procédés de fabrication du futur, avec un accent particulier sur la collaboration homme-machine et l’agilité industrielle.

Par ailleurs, nous attachons une grande importance à la co-innovation entre grands donneurs d’ordres, PME, startups industrielles, centres de recherche et universités aussi. C’est dans cette optique que nous avons mis en place un Fonds de soutien à l’innovation industrielle, qui accompagne les entreprises à chaque étape de leurs projets innovants, depuis la phase d’étude jusqu’à l’industrialisation.

À ce jour, 116 projets innovants ont été sélectionnés, pour un montant global de près de 645 millions de dirhams, dont 282 millions de dirhams en soutien direct de l’État. Ces différentes actions convergent vers un même objectif : faire émerger un tissu industriel national plus autonome, plus compétitif et mieux intégré dans les chaînes de valeur mondiales. Et c’est dans cette logique que nous portons l’ambition de passer du «Fabriqué au Maroc» au «Conçu et innové au Maroc», en particulier dans les secteurs à forte intensité technologique.

L’essor de l’industrie de pointe repose sur un capital humain hautement qualifié. Quelles actions sont menées en coordination avec les universités, écoles d’ingénieurs et centres techniques pour aligner les formations sur les nouveaux besoins industriels ?
Les universités et les grandes écoles constituent de véritables incubateurs de compétences, appelées à jouer un rôle central dans la construction de l’industrie du futur au Maroc. À ce titre, une coordination effective est mise en place entre le secteur industriel, les établissements universitaires et les centres de recherche, dans l’objectif de mieux aligner les résultats de la recherche scientifique sur les besoins du tissu industriel, renforçant ainsi les capacités de production et d’exportation du pays.

Dans ce cadre, trois établissements d’enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère contribuent activement à la formation de compétences en adéquation avec les besoins du tissu industriel national. Il s’agit de l’Institut Supérieur de Commerce et d’Administration des Entreprises (ISCAE), de l’École Centrale de Casablanca et de l’École des Arts et Métiers de Rabat. Ces institutions jouent un rôle clé dans le développement de profils qualifiés adaptés aux exigences actuelles et futures de l’industrie marocaine.

De même, il faut rappeler le succès de partenariats public-privé, tels que celui des IFMIA qui permet de mettre en place des formations spécifiques dans le secteur de l’industrie automobile, répondant ainsi aux besoins des industriels avec des formations non seulement destinées aux nouvelles recrues mais également aux employés en poste. Nous renforçons également les partenariats entre universités et entreprises, notamment à travers des initiatives comme le «Prix de la Compétitivité, Prix du Partenariat Université-Entreprise», organisé en partenariat avec le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation.

Ce prix valorise les projets innovants qui répondent aux besoins des entreprises et favorise le transfert des résultats de la recherche vers le secteur productif. Et nous appliquons un système de formation sectorielle adaptée, élaboré en concertation avec les acteurs privés, pour répondre aux besoins spécifiques de filières clés comme l’automobile et l’aéronautique.

Toutes ces actions témoignent de notre engagement à bâtir une industrie nationale compétitive et tournée vers l’avenir, portée par un capital humain formé et adapté aux exigences des secteurs industriels
de pointe.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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