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Pétrole : malgré un baril à 60 dollars, l’OPEP+ prête à lâcher encore du lest

Alors que les cours du brut peinent à retrouver leur niveau d’avant-crise, l’OPEP+ se prépare à une semaine décisive. Deux réunions successives pourraient sceller un changement stratégique majeur pour les huit pays ayant le plus réduit leur production ces dernières années.

Deux rendez-vous attendent le groupe : les 22 pays se réunissent mercredi virtuellement pour discuter de leur stratégie commune, puis dimanche se retrouvent ceux qui, parmi eux, ont procédé aux coupes les plus importantes ces dernières années, pour tenter de doper les cours.

«Le plus intéressant» concerne justement l’annonce attendue le 1er juin sur la production de ces huit pays pour le mois de juillet, plutôt que la rencontre des ministres de mercredi, qui n’est «pas un événement majeur», commente pour l’AFP Giovanni Staunovo, analyste chez UBS. Avec, à la clé, une possible nouvelle augmentation à hauteur de 411.000 barils par jour, contre 137.000 initialement prévus, pronostiquent les analystes. De quoi plomber davantage encore des prix déjà au plus bas depuis la sortie de la pandémie de covid-19.

Début avril, Riyad, Moscou et les six autres membres ayant réduit leur production de 2,2 millions de barils par jour ont décidé d’accélérer le rythme de réintroduction de ces volumes sur le marché. Une décision bien éloignée de la stratégie prudente annoncée en début d’année. Un revirement étonnant, car il va à l’encontre de la politique de raréfaction de l’offre menée par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (OPEP+) depuis fin 2022, afin de lutter contre l’érosion des prix, en conservant une importante capacité inexploitée.

Un virage stratégique qui suscite le scepticisme
Officiellement, le groupe justifie son changement de cap par des «fondamentaux de marché sains, comme en témoignent les faibles réserves de pétrole» à travers le monde. Mais cette explication suscite le scepticisme des observateurs, compte tenu des inquiétudes sur la demande dans un contexte de guerre commerciale relancée par le président américain.

En ouvrant les vannes, l’Arabie Saoudite — dont la voix est la plus influente au sein du cartel — exercerait en réalité une pression sur les membres dépassant leurs objectifs de production, en réduisant mécaniquement leurs profits. Derrière ces transgressions des quotas se cachent «des personnes qui ont fait des investissements et veulent les monétiser», rappelle à l’AFP Lawrence Haar, professeur à l’université de Brighton.

Pour le Kazakhstan, principal contrevenant du groupe, «l’augmentation de la production récente est liée au projet Tengiz», dont le principal opérateur est le groupe américain Chevron, précise Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). D’autres pays, comme l’Irak ou les Émirats arabes unis, ont également augmenté leurs capacités, mais Astana est particulièrement visé par Riyad. Malgré de nombreux rappels à l’ordre et une injonction à compenser sa surproduction, le pays continue d’enfreindre les limites imposées.

Dans ces conditions, «l’Arabie Saoudite ne peut pas revenir sur ses menaces de punir les tricheurs sans perdre sa crédibilité, ce qui ne lui laisse pas le choix» que de continuer sur la lancée actuelle, estiment les analystes de DNB Carnegie.

Dans l’attente d’un nouvel équilibre
Au-delà des dissensions internes, «il est absolument impossible d’interpréter le changement de position de ces huit membres de l’OPEP+ sans se référer aux pressions de Donald Trump», estime Francis Perrin. Le milliardaire, soucieux de faire chuter les prix pour enrayer l’inflation, avait déclaré fin janvier qu’il allait «demander à l’Arabie Saoudite et à l’OPEP de baisser le coût du pétrole».

Durant sa récente tournée diplomatique dans les pays du Golfe, «rien de tout cela n’a été mentionné», souligne Carole Nakhle, économiste au Surrey Energy Economics Centre, suggérant que le candidat républicain est «satisfait des actions prises par l’OPEP+».

Pour ces raisons, et aussi dans l’objectif de gagner des parts de marché dans un contexte marqué par les incertitudes géopolitiques — notamment les discussions sur le nucléaire iranien entre Téhéran et Washington —, l’OPEP+ pourrait de nouveau accélérer sa production.

Néanmoins, «l’économie saoudienne dépend entièrement de la rente pétrolière», rappelle l’experte, et des prix trop bas seraient problématiques, notamment pour le financement de son ambitieux programme de réformes Vision 2030.

Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO



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