Opinions

Chatbots et avatars intelligents : la nouvelle voix des marques au Maroc

Par Omar Benjelloun Andaloussi
Professeur-chercheur en marketing – Euromed Business School – Université Euro- méditerranéenne de Fès.

Les entreprises marocaines déploient massivement des assistants virtuels pour améliorer leur relation client. Selon un expert Infobip, «presque toutes les entreprises disposent aujourd’hui d’un chatbot qui répond aux questions des clients instantanément 24h/24».

Ces robots conversationnels permettent de supprimer les temps d’attente, de réduire les coûts et de soulager les conseillers humains. L’intégration de l’intelligence artificielle conversationnelle dans les dispositifs de relation client permet une personnalisation poussée, une accessibilité continue, et une expérience utilisateur plus fluide et réactive.

Cette mutation technologique, en pleine accélération au Maroc, transforme en profondeur les usages, les attentes des consommateurs et les stratégies des marques, qui cherchent désormais à conjuguer efficacité opérationnelle, proximité relationnelle et innovation digitale.

Cas marocains concrets
Dans le secteur bancaire, Attijariwafa bank a inauguré dès 2020 le premier chatbot marocain accessible sur son site web. Cet assistant virtuel IA, disponible 24/7, répond aux questions clients via un dialogue interactif en français (initialement centré sur les mesures Covid) et permet déjà des opérations simples (p. ex. réinitialiser un mot de passe). La banque annonce d’ores et déjà l’enrichissement de son chatbot en plusieurs langues et son déploiement sur d’autres canaux.

De son côté, Maroc Telecom a frappé les esprits au GITEX Africa 2025 en présentant un avatar holographique IA humanoïde. Conçu à l’effigie de l’actrice Ibtissam Laaroussi, cet avatar ultra-réaliste communique en arabe, français et anglais pour accueillir les visiteurs, répondre à leurs questions en temps réel et les guider dans les services du groupe.

Ce dispositif novateur illustre la volonté du leader des télécoms de marier high-tech et proximité culturelle. Au-delà de ces exemples, d’autres marques marocaines misent sur le digital : Volkswagen Maroc a en parallèle lancé son assistant Aïda en octobre 2024, couvrant tout le parcours client automobile.

Personnalisation, accessibilité et confiance
L’intelligence artificielle conversationnelle ouvre la voie à des services très personnalisés et accessibles partout. Les chatbots peuvent adapter leurs réponses au profil de l’utilisateur, à son historique et à ses besoins spécifiques. Par exemple, Aïda suggère au client le modèle et la finition les mieux adaptés à son budget et à son usage. Cette personnalisation s’appuie sur la disponibilité 24/7 de l’IA, permettant aux consommateurs d’obtenir immédiatement de l’aide quand ils le souhaitent.

Par ailleurs, la maîtrise des langues locales est cruciale pour atteindre tous les segments de clientèle. Un chatbot ne s’adresse pas de la même façon à un utilisateur parlant le darija, l’arabe classique ou le français. Les grandes plateformes vocales (Alexa, Siri, etc.) peinent encore à comprendre les dialectes locaux, ce qui souligne l’intérêt pour les marques d’entraîner leurs assistants à reconnaître le darija et même le tamazight. La confiance des consommateurs dépend aussi de l’usage des données personnelles.

Au Maroc, 85% des internautes se déclarent préoccupés par la sécurité de leurs données lorsqu’ils interagissent avec des services en ligne. Les marques doivent donc garantir la protection et la souveraineté des informations récoltées. Le cadre réglementaire local (loi 09-08) et l’autorité CNDP veillent à encadrer le traitement des données au Maroc.

Par ailleurs, l’État promeut une «approche conciliante» entre souveraineté et interopérabilité : le pays construit de nombreux datacenters (comme celui de Benguérir, le plus puissant en Afrique) pour héberger ses infrastructures critiques tout en collaborant avec l’écosystème mondial de l’IA. L’objectif affiché est de combiner la puissance des grandes solutions d’IA internationales avec le développement de capacités locales sûres et éthiques.

Enjeux techniques et organisationnels
Le déploiement des chatbots intelligents pose des défis techniques importants. La reconnaissance des dialectes, l’intégration multicanale (sites web, apps, réseaux sociaux, messagerie instantanée), et la maintenance des bases de connaissance exigent des compétences rares en IA et en NLP. Les modèles doivent passer outre les spécificités du français et de l’arabe marocain parlé, un défi soulevé par de nombreux experts.

Du point de vue organisationnel, l’IA bouleverse les entreprises marocaines. Selon une analyse récente, des grands groupes impliquent directement leur direction générale dans les stratégies IA pour maximiser la personnalisation des services.

D’autres adoptent un modèle hybride où la stratégie vient de la direction, mais l’implémentation est portée par des départements dédiés à l’innovation ou à la transformation digitale. Ce rééquilibrage structurel nécessite de former les équipes aux nouveaux outils et de redéfinir certains processus : le «chatbot» ne doit pas remplacer le contact humain, mais compléter l’expérience client en automatisant les requêtes simples et en orientant vers un conseiller humain quand c’est nécessaire.

Perspectives à court, moyen et long terme
Les perspectives pour les secteurs bancaire, télécoms, automobile et services publics sont ambitieuses. À court terme, on assistera à une généralisation des assistants virtuels multilingues. Les banques marocaines, encouragées par le succès d’Attijariwafa, étendront ces outils à de nouveaux cas d’usage (simulation de prêt, conseils patrimoniaux, gestion de comptes) et sur davantage de canaux (applications mobiles, WhatsApp, centres d’appels).

Dans les télécoms, après l’avatar IA de Maroc Telecom, d’autres opérateurs pourraient développer leur propre concierge digital. Orange Maroc propose déjà un service client automatisé 24/7 sur WhatsApp et la tendance s’accélère vers les services vocaux intelligents pour la maison et la voiture.

Dans l’automobile, au-delà de Volkswagen, d’autres constructeurs locaux (via leurs réseaux) intègreront l’IA pour la découverte produit et l’après-vente. Enfin, du côté des services publics et de l’administration, on peut envisager des chatbots pour l’aide aux démarches administratives en ligne (impôts, sécurité sociale, etc.). À long terme, ces technologies contribueront à faire du Maroc un hub régional du numérique, comme le souhaite la ministre déléguée à la Transition numérique. L’essor de l’IA conversationnelle ouvre la voie à une relation client «augmentée», où proximité et technologie se rejoignent.

Cependant, le succès dépendra de la capacité des marques marocaines à intégrer les spécificités culturelles et linguistiques du Royaume, à rassurer sur la gestion des données et à former les équipes en interne. Si ces conditions sont remplies, chatbots, voicebots et avatars IA deviendront véritablement la nouvelle voix des marques, attentive, disponible et personnalisée, au service de la satisfaction et de la fidélisation des consommateurs marocains.



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