Dumping sur le PVC égyptien : le Maroc prépare sa riposte

Au terme de son enquête préliminaire, le Maroc pointe sans détour l’impact déstabilisateur des importations de PVC égyptien sur son industrie locale. Hausse spectaculaire des volumes, effondrement des prix, recul des parts de marché, les conclusions du ministère de l’Industrie tracent un diagnostic clair et annoncent des mesures de riposte. Mais derrière ce rapport technique, c’est aussi un fragile équilibre commercial avec l’Égypte qui vacille à nouveau.
Dans le ballet feutré du commerce international, les chiffres s’échangent, les cargaisons défilent, et les matières premières franchissent les frontières sans bruit. Mais derrière cette mécanique fluide, se cachent parfois des tensions invisibles, prêtes à éclater au grand jour. C’est ce qui vient de se produire au Maroc.
Le ministère de l’Industrie et du Commerce a lancé, le 27 novembre dernier, une enquête antidumping qui pourrait bien rebattre les cartes d’un marché jusqu’ici discret : celui du PVC égyptien. Une décision aux apparences techniques, mais dont les implications dépassent largement les codes douaniers.
Dumping avéré
L’objet du litige n’est autre que la résine de PVC, issue de la polymérisation en suspension du monomère de vinyle. Derrière cette matière première se dessine une bataille économique. L’Égypte, unique pays visé, voit ses principaux exportateurs au cœur des préoccupations marocaines.
Pour l’enquête, l’Egyptian Petrochemicals Company (EPC) a coopéré, en fournissant des données précises, permettant de calculer la valeur normale sur la base des prix de vente domestiques sortie usine et les prix à l’export sur les montants facturés aux clients marocains.
En revanche, l’entreprise TCI Sanmar Chemicals a brillé par son silence. Les autorités ont dû s’appuyer sur les meilleurs renseignements disponibles pour établir les marges de dumping. Et ces marges frappent par leur ampleur. Les résultats provisoires à l’issue de la phase préliminaire de l’enquête révèlent que les marges de dumping sont de 74,87% pour EPC et 92,19% pour les autres producteurs égyptiens.
Derrière ces pourcentages, une réalité inquiétante. Il s’avère en effet que le volume des importations de PVC en provenance d’Égypte a connu, durant la période examinée, une augmentation spectaculaire, non seulement en chiffres absolus, mais aussi en proportion de la production et de la consommation nationales.
Cette montée en puissance a eu un effet corrosif sur les prix locaux. Les importations égyptiennes ont durablement sous-coté les tarifs marocains, empêchant toute hausse des prix domestiques. Résultat des courses, les indicateurs de santé du secteur local se sont dégradés de façon alarmante, entre recul des parts de marché, chute brutale du retour sur investissement et érosion continue de la rentabilité.
Néanmoins, au cœur de l’enquête, une question capitale s’est posée : ce dommage est-il directement lié aux importations en dumping, ou d’autres facteurs ont-ils joué un rôle ? Le ministère s’est attaché à analyser la coïncidence entre l’essor des importations égyptiennes et la détérioration des indicateurs de la Branche de production nationale (BPN), tout en vérifiant l’impact d’autres éléments exogènes.
La conclusion est sans appel, l’accroissement des importations en dumping constitue la cause majeure du préjudice observé, et aucun autre facteur externe n’a pesé de manière décisive sur la filière nationale. À titre préliminaire, le lien de causalité est ainsi solidement établi.
Contre-attaque
Face à ce constat, l’État marocain prépare sa riposte. Une mesure antidumping provisoire, calquée sur les marges identifiées, devrait être mise en place, après avis de la Commission de surveillance des importations réunie le 25 avril 2025. Mais l’histoire n’est pas close. Un délai de quinze jours, soit jusqu’au 22 mai prochain, est accordé aux parties concernées pour faire parvenir remarques, commentaires et informations complémentaires, en versions publique et confidentielle, accompagnées des coordonnées complètes des interlocuteurs.
Dans ce jeu d’équilibriste entre ouverture des marchés et défense des intérêts nationaux, les prochaines semaines s’annoncent décisives. Car derrière ce qui pourrait sembler n’être qu’une ligne dans un rapport administratif, c’est tout un secteur industriel qui joue sa survie. Et ce n’est pas la première fois que le Maroc se trouve à gérer ce type de tensions avec son partenaire égyptien.
Déjà, l’industrie marocaine du concentré de tomate avait tiré la sonnette d’alarme face à l’afflux massif de produits égyptiens à bas prix, entraînant une enquête antidumping retentissante.
À l’époque, comme aujourd’hui, les producteurs locaux dénonçaient des pratiques commerciales agressives, accusées de déstabiliser des filières entières. Déjà par le passé, plusieurs secteurs avaient fait les frais d’une concurrence jugée déloyale, donnant lieu à des crispations économiques.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO