Sortie à l’international : la qualité de la signature du Trésor confirmée

Cette levée, concrétisée pour la première fois en euro, a fait l’objet d’une récente note de recherche élaborée par Attijari global research. Celle-ci a analysé l’impact de l’opération au niveau de la structure d’endettement du Trésor, du choix de la devise (euro) ainsi que des signaux émis en termes de politique de financement futur du Maroc et de la qualité de sa signature.
Le Maroc revient sur la scène internationale à travers une levée de 2 MM€. En mars 2025, le pays a concrétisé son 1er emprunt en euro face aux impératifs d’investissement depuis 2020 et sa 1re sortie à l’international après deux années d’absence.
Cette levée en devises, sursouscrite environ trois fois, a fait l’objet d’une récente note de recherche rédigée par Attijari global research (AGR). Celle-ci a analysé l’impact de l’opération au niveau de la structure d’endettement du Trésor, du choix de la devise (euro) ainsi que des signaux émis en termes de politique de financement futur du Maroc et de la qualité de sa signature.
Selon ladite étude, cette nouvelle émission positionne le Royaume parmi le top-10 des pays émergents ayant accès aux financements Eurobonds en 2025. Il s’agit du 8e rang, juste après la Croatie (5,3 MM€), la Roumanie (2,9 MM€) et l’Arabie Saoudite (2,4 MM€). Au-delà des aspects techniques de cette levée, l’analyse a mis l’accent sur plusieurs points.
À travers cette opération, le Maroc couvre 1/3 de ses financements extérieurs projetés dans la Loi de finances 2025 à 60 MMDH en 2025. Une orientation qui réduirait la dépendance du Trésor au marché domestique et, par conséquent, soutiendrait la tendance baissière des taux au Maroc en 2025.
Un timing de sortie qualifié d’opportun
Le timing de sortie du Maroc est qualifié d’opportun, selon ladite étude. En effet, il lui a permis d’éviter les périodes de tensions observées sur les marchés financiers internationaux et de tirer avantage de la baisse des taux débiteurs européens entamée depuis juin 2024 avec un assouplissement de la politique monétaire de la BCE : soit -150 pbs depuis le début du pivot monétaire, sous l’effet de la dissipation des pressions inflationnistes.
Une situation qui s’est traduit par une nette détente des taux d’intérêt des obligations souveraines libellées en euro. À titre indicatif, le taux de la ligne Maroc, arrivant à échéance en mars 2026, affiche actuellement un rendement de 3,2% en décalage de -100 pbs depuis juillet 2024. Outre l’environnement dans lequel cette sortie a été effectuée, le choix de la devise pour cette émission vise à s’aligner sur les besoins de financement de l’État en euro, face aux impératifs d’investissement liés à la Coupe du monde 2030.
De ce fait, cette levée du Trésor s’inscrit dans une logique claire de diversification des devises de financement. Après deux sorties successives sur le marché international en dollar (décembre 2020 et mars 2023), cette émission en euro témoigne de la capacité du Trésor de marquer sa présence comme un émetteur actif et crédible sur plusieurs marchés de référence.
Il s’agit aussi d’optimiser le profil risque de la dette publique, notamment face aux fluctuations du taux de change et aux évolutions divergentes des politiques monétaires des grandes banques centrales.
Optimiser le profil risque de la dette publique
L’intérêt est aussi d’optimiser le profil risque de la dette publique face à la volatilité des devises générée par les conséquences de la guerre commerciale. Selon l’étude, le Maroc a bénéficié de conditions de financement attractives à travers des spreads de liquidité en nette amélioration, à des niveaux très corrects.
Cette opération a été structurée en deux tranches : une tranche de 900 M€, de maturité 4 ans, à un taux d’intérêt de 3,875% et un spread de 155 pbs, et une tranche de 1,1 MM€, de maturité 10 ans à un taux d’intérêt de 4,75% et un spread de 215 pbs.
Le coût de financement, de 4,75%, est presque deux fois inférieur aux taux appliqués à certains pays africains en 2025, à l’image de l’Égypte, de la Côte d’Ivoire et du Kenya (plus de 8%). Parallèlement, la politique de financement du Trésor, prévue dans le cadre de la LF-25, devrait marquer son retour vers les financements extérieurs.
En effet, la LF-25 prévoit un financement à hauteur de 89% de son besoin estimé à 58,2 MMDH par des sources extérieures, contre 40% au cours des deux dernières années. Rappelons qu’en 2024, et en l’absence d’une sortie à l’international, le Trésor n’a réalisé que 58% de ses tirages prévus à 70 MMDH, soit 40,4 MMDH, contre 76% en 2023.
Renforcer la crédibilité financière du Royaume
«Cette opération permettrait à la fois de renforcer la crédibilité financière du Royaume, de soutenir ses réserves de change et de faciliter à l’avenir son accès au financement international afin d’accompagner son projet de développement économique à l’horizon 2030», selon les experts de AGR.
Pour les conditions de financement, l’analyse souligne que le Maroc tire profit de cette nouvelle dynamique du marché de la dette émergente, bénéficiant de conditions favorables en termes de spread de crédit. Cette nouvelle sortie en euro s’intègre parfaitement dans la stratégie plus large de financement du Trésor, initiée en 2023.
Par ailleurs, cette émission en euro ne devrait pas avoir un impact considérable sur le niveau global de la dette extérieure du Maroc. Celle-ci devrait atteindre, selon les estimations de l’analyse, 324 MMDH à fin 2025, en hausse de 18,9% par rapport à son niveau en 2024, soit un niveau maîtrisé à moins de 20% du PIB. La dette extérieure du Trésor devrait représenter 29% de la dette globale du Trésor à fin 2025, contre 25% en 2024.
Ce niveau reste en cohérence avec les orientations du Trésor visant à préserver la soutenabilité de sa dette et s’inscrit également dans l’intervalle du Benchmark de référence (25% – 30%). En comparaison avec l’émission précédente en euro, datant de septembre 2020, les conditions obtenues démontrent une amélioration relative du profil risque du Royaume.
Cette opération a un double avantage. Elle permet, d’une part, de diversifier les sources de financement du Trésor et, d’autre part, d’actualiser les référentiels sur des spreads en euro positifs à l’égard du Maroc.
levées à l’international durant la période 2012-2025
Le marché Eurobond des pays émergents affiche un net dynamisme en 2024, et ce, après deux années marquées par un manque de profondeur et une montée visible de l’aversion au risque à l’échelle internationale.
Ces émissions s’établissent à 47 MM€ en 2024 contre une moyenne de 31 MM€ sur la période 2022-2023. Plusieurs pays émergents, tels que l’Arabie Saoudite, la Turquie ou encore la Pologne, continuent de jouer un rôle actif sur ce marché, réalisant des levées significatives qui attestent du retour de la confiance des investisseurs internationaux.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO