Maroc

Crédits bancaires : l’immobilier détrône les avances de trésorerie !

C’est un basculement intervenu en silence. Avec 311 milliards de dirhams en 2024, les crédits à l’immobilier (habitat et promotion) évincent les financements de trésorerie à la première place de la production bancaire. Au retour de forme de l’immobilier, il faut ajouter l’effet de dissuasion exercé par le durcissement réglementaire des délais de paiement inter-entreprises.

Pour la première fois depuis près de dix ans, les crédits et avances de trésorerie ne représentent plus le premier poste de vente du crédit bancaire. En 2024, ils se sont établis à 258,37 milliards de dirhams (MMDH) contre 311 milliards au secteur immobilier, répartis pour 80% aux prêts à l’habitat et 20% à la promotion immobilière. Pour la même année, les crédits à l’équipement culminent à 242,66 MMDH.

Ce retournement, opéré à bas bruit, s’explique par trois principaux facteurs. Le premier, et sans doute le plus décisif, est la reprise de l’activité dans le secteur immobilier, auquel il faut ajouter l’effet d’accélérateur des OPCI. Une partie des investissements dans les murs des hôtels, qui ouvrent un peu partout au Maroc, est logée dans les véhicules de type OPCI.

Les majors du secteur, qui peuvent s’appuyer sur de grosses réserves foncières, ont surfé sur la reprise de la demande émanant de la mobilité sociale des classes moyennes urbaines pour accélérer la mise sur le marché des logements à rentabilité élevée. Ils n’ont plus de problème de trésorerie car la rotation de leurs stocks est redevenue «normale». Cela se lit dans leurs états de synthèse. Rien d’étonnant que ces opérateurs retrouvent la cote auprès des banquiers.

Le deuxième facteur à l’origine du «boom» du crédit immobilier est l’envolée des investissements directs étrangers (IDE) dont une partie est financée localement. Le secteur capte, sans discontinuer, le plus de flux des IDE depuis quinze ans.

Entre 2008 et 2023, l’immobilier a drainé, en moyenne annuelle, huit MMDH d’IDE avec une régularité qui détonne. Et cette dynamique se poursuit. Avec 5,9 milliards en 2023, soit 53% de flux nets des IDE, l’immobilier est passé à la plus haute marche du podium, selon l’Office des changes. Les deux places suivantes reviennent au secteur des transports et entreposage (18%) et aux activités financières, en deuxième et troisième position, respectivement.

Pour les opérateurs, l’explication du «boom» actuel des IDE dans l’immobilier est imputable aussi à la «magie» retrouvée de Marrakech. En plus des enseignes de luxe de l’hôtellerie mondiale, la ville a réussi à attirer des fortunes étrangères et des peoples qui y investissent, et pas que dans les résidences secondaires.

La troisième explication du «déclassement» des crédits de trésorerie et des découverts dans la production du crédit bancaire est à lier avec la peur du fisc. Les entreprises doivent désormais joindre une liste de clients débiteurs assortie des détails sur les délais de paiement contractuels. Cela fait réfléchir celles qui seraient tentées de régler leurs fournisseurs au-delà du délai réglementaire. Les pénalités de retard ne sont plus dues au fournisseur, mais à l’administration fiscale.

Par ailleurs, passer pour un mauvais payeur peut s’ajouter à un faisceau d’indices qui conduit à un contrôle fiscal. Mais ni la peur du fisc, ni le durcissement réglementaire ne peuvent entraîner une révolution de la pratique des affaires. Se faire payer à temps reste un cauchemar pour beaucoup de PME. Moins les entreprises encaissent leurs factures dans les délais, plus elles sollicitent des facilités de caisse et des avances de trésorerie auprès des banques.

Malgré une amélioration du comportement relevé par l’Observatoire des délais de paiement, la plupart des TPME sont souvent sous perfusion de leurs banques.

Selon les données de Bank Al-Maghrib, l’année 2024 a battu tous les records avec un montant de crédits de trésorerie de 258,34 MMDH. C’est presque le double du montant octroyé en 2010. Résultat, dans les PME, les échéances de fin de mois, notamment le paiement des cotisations CNSS et du décaissement de la TVA collectée au Trésor, voire le paiement des salaires, tournent à une crise d’angoisse pour le management. Sans les avances de trésorerie du banquier, il est parfois impossible de survivre dans un environnement encore pollué par les retards de paiement. Tous ces clients constamment dans le rouge, surtout avec des dépassements de découvert, génèrent de substantiels revenus pour les banques (agios).

Depuis 2010, leur montant a grossi de plus 114,4 MMDH. Et cette progression ne tient pas qu’à l’effet de la «croissance naturelle», ni à la gestion active des entrées et des sorties d’argent de l’entreprise. Toutes les enquêtes le confirment : le chiffre d’affaires en souffrance à l’extérieur est une des principales causes de la mortalité des petites entreprises.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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