Connectivité : ces immenses défis qui attendent nos stades

Bien que les stades marocains soient en bonne voie pour devenir des plateformes intelligentes et connectées, plusieurs défis demeurent : garantir une infrastructure numérique homogène et performante, gérer les pics de fréquentation tout en assurant une expérience fluide, et convaincre le public d’adopter pleinement les innovations technologiques afin d’optimiser à la fois l’expérience spectateur et la sécurité.
À l’aube de la révolution numérique que le Maroc s’apprête à vivre, les enceintes sportives se préparent à offrir des expériences immersives, mais des défis majeurs subsistent : de l’optimisation des infrastructures télécoms à l’intégration de technologies avancées telles que l’intelligence artificielle ou les systèmes de paiement sans contact, de nombreux obstacles techniques, humains et logistiques restent à surmonter pour faire de ces lieux des modèles de performance et de sécurité.
«L’expérience spectateur repose désormais sur des standards technologiques très élevés», affirme Mohamed Bennis, directeur B2B chez Orange Maroc.
Il insiste sur un élément central mais souvent invisible : la latence. Dans un stade, un délai de quelques millisecondes peut compromettre un scan de billet, un paiement sans contact ou l’accès à une plateforme de diffusion, de streaming, de partage ou de réalité augmentée.
La 5G, les clouds de proximité (edge computing), ou encore les réseaux privés deviennent ainsi des briques indispensables pour répondre à la demande croissante en services instantanés : applications enrichies, replays en direct, statistiques interactives, ou encore expériences immersives en réalité mixte. Tout doit fonctionner sans délai, sans interruption, quel que soit le nombre de personnes connectées simultanément.
Les experts convergent vers une même vision : les stades du futur ne seront pas seulement des lieux de spectacle, mais de véritables plateformes intelligentes. Ils doivent offrir un environnement numérique aussi performant que le spectacle sur la pelouse. L’exigence ne vient plus uniquement des organisateurs ou des sponsors, mais aussi d’un public devenu acteur, créateur et diffuseur de contenu.
Des «smart stadiums» à la marocaine
Le défi marocain est de taille : garantir une infrastructure numérique homogène, performante et évolutive, capable d’absorber des pics de fréquentation tout en maintenant un haut niveau de service. Ce défi s’inscrit dans une dynamique nationale d’investissement dans les infrastructures télécoms, qui pourrait faire des enceintes sportives marocaines des modèles régionaux en matière de connectivité événementielle.
L’intelligence artificielle (IA) prend une place croissante dans notre quotidien, et son usage dans le domaine sportif, notamment lors des grands événements, est en plein essor.
Selon Taoufik Radi Benjelloun, fondateur et CEO de Play Management Group, l’IA peut transformer la gestion des stades, en particulier dans les domaines du merchandising et de la consommation. Elle permet de fluidifier l’expérience d’achat : buvettes sans file d’attente, merchandising avec paiement en un clic, accès rapide via ticketing mobile. Tout cela concourt à augmenter le panier moyen par spectateur, tout en renforçant la fidélisation.
Radi Benjelloun explique : «Demain, vous avez envie d’optimiser ce que vous achetez en termes de stock, ce que vous mettez en termes de produits, pour arriver à un niveau optimum par rapport à ce qui est consommé». Autrement dit, l’IA peut prédire les produits les plus populaires lors d’un événement, réduisant ainsi les pertes dues aux invendus. Il souligne aussi que la gestion actuelle des stocks est encore traditionnelle et manuelle, sans outils avancés de prévision de la demande.
Pourtant, les outils numériques d’aujourd’hui permettent d’analyser les données passées, les habitudes de consommation et les tendances pour ajuster les stocks de manière proactive. Parmi les innovations majeures encore à installer, figure le système de paiement «cashless», qui permet aux spectateurs, par exemple, de payer avec leur carte d’accès au stade. Ce système, en apparence simple, prend une tout autre dimension lorsqu’il est couplé à l’IA pour croiser ces données avec des algorithmes d’optimisation.
Plus de technologie pour plus de sécurité
Sur le plan sécuritaire, les enjeux sont tout aussi cruciaux. Taoufik Radi Benjelloun rappelle que «plus la connectivité est efficace, plus les processus de contrôle sont fluides et fiables». Cela se traduit par des dispositifs de filtrage intelligent à l’entrée des stades : contrôle de billets via QR code, systèmes de surveillance en temps réel, voire reconnaissance faciale pour certaines zones sensibles. La rapidité d’exécution devient essentielle.
En cas de foule dense ou de situation critique, l’accès instantané aux données peut permettre de désamorcer des incidents. Si le Maroc dispose déjà de solutions technologiques solides, leur adoption reste encore inégale. La technologie est prête, mais l’adhésion du public — encore réticent face à certaines innovations — reste à construire.
Mehdi Sekkouri Alaoui, président de la Fédération des professionnels du sport et directeur général de Stadia, va plus loin. Pour lui, la connectivité est un véritable outil de création de valeur. Grâce à la collecte de données comportementales (parcours dans le stade, achats, préférences), organisateurs comme partenaires peuvent affiner leur offre : ciblage publicitaire, recommandations personnalisées, offres en temps réel, etc. Toute une économie est ainsi à créer.
Événements sportifs : Orange, une expertise éprouvée
Orange, fort de son expérience internationale, entend jouer un rôle clé dans la réussite des grands événements sportifs au Maroc.
«Nous avons une expérience dans tous les pays où nous opérons, notamment en Europe. Nous avons cette tradition d’accompagner les manifestations sportives et les grands événements», rappelle Mohamed Bennis, directeur B2B chez Orange Maroc.
Une expertise déjà éprouvée lors des Jeux Olympiques de Paris, où «l’opérateur télécoms qui a opéré l’ensemble des manifestations sportives des Jeux Olympiques, c’était Orange». Derrière la connectivité, ce sont des enjeux bien plus complexes que l’opérateur maîtrise : couverture, capacité, résilience et qualité d’expérience numérique pour les utilisateurs.
«On parle de contrôle d’accès, de billetterie, de l’ensemble de ces usages qui sont au-dessus de la connectivité», indique Bennis.
Ce savoir-faire s’étend à l’anticipation des pics de consommation de données, grâce à l’intelligence artificielle et aux systèmes d’analyse prédictive.
«Nous avons la capacité à l’international, qu’on est capable de dupliquer au Maroc, avec l’ensemble des acteurs pour pouvoir mettre la connectivité, faire la prédiction avec des systèmes data IA pour dire quel sera le débit demandé à l’instant T par rapport à tel point», explique-t-il.
Sur le terrain, Orange excelle aussi dans la densification des réseaux, comme l’illustre l’exemple du Stade Vélodrome de Marseille.
«Orange a pu mettre en place à la fois une infrastructure mobile très dense, à travers des antennes disséminées sur l’ensemble du périmètre du stade, d’avoir réussi à installer un wifi dense, également accessible». Avec son siège régional Afrique et Moyen-Orient basé à Casablanca, Orange dispose d’un ancrage stratégique pour piloter des projets à l’échelle continentale.
CAN, Mondial… Un enjeu écologique majeur
À l’heure où la durabilité s’impose comme un impératif mondial, les grands acteurs technologiques conjuguent ambition numérique et responsabilité écologique. Mohamed Bennis, directeur des ventes B2B chez Orange Maroc, insiste sur cette volonté d’agir concrètement : «Nous avons le défi additionnel de pouvoir développer les infrastructures avec l’empreinte carbone la plus basse possible et en utilisant les technologies les plus indiquées par rapport à chaque cas», explique-t-il.
Parmi les leviers d’action, l’énergie solaire s’impose comme une priorité. Antennes et sites mobiles, notamment dans les zones rurales et enclavées, sont de plus en plus alimentés par cette ressource renouvelable. «Quand c’est possible de le faire, on le fait et on en développe de plus en plus», souligne Bennis.
Au-delà de la technologie, c’est une véritable philosophie de l’équilibre qui émerge.
«C’est une manière de prendre en compte, je dirais, le besoin écologique et de consommer moins d’énergie. Donc tout le monde y gagne», résume-t-il.
Pour garantir l’efficacité de cette transition, une organisation interne surveille en continu l’impact environnemental des infrastructures.
«Nous avons une organisation dédiée à monitorer, à superviser et on calcule l’empreinte carbone», précise-t-il.
Des objectifs sont fixés à court, moyen et long terme – trimestriels, semestriels, annuels – afin de piloter avec rigueur cette transformation durable.
Ilyas Bellarb / Les Inspirations ÉCO