Zone euro : une croissance plombée par le couple franco-allemand en fin d’année
La croissance de la zone euro a calé en fin d’année dernière, à cause de mauvaises performances en Allemagne et en France, les deux premières économies du bloc, freinées par l’instabilité politique et des défis structurels.
Le produit intérieur brut des 20 pays partageant la monnaie unique a fait du surplace au quatrième trimestre 2024, inchangé par rapport au trimestre précédent, selon des chiffres publiés jeudi par Eurostat. Cela marque un net ralentissement par rapport à la hausse de 0,4% du troisième trimestre qui avait alors positivement surpris les analystes.
Cette fois, les experts de Bloomberg et Factset ont été déçus. Ils attendaient une croissance de 0,1% pour la zone euro au dernier trimestre. La contreperformance devrait conforter la nouvelle baisse de taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) attendue à la mi-journée.
Sur l’année 2024, le Produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a augmenté de seulement 0,7% comparé à 2023, après +0,4% l’année précédente, confirmant l’enlisement dans la stagnation d’une Europe déclassée par rapport à la Chine et aux États-Unis.
Pour l’ensemble de l’UE, la performance est à peine meilleure avec une croissance sur l’année 2024 de 0,8%, soit 0,1 point de moins que ce qu’anticipait la Commission européenne dans ses dernières prévisions publiées en novembre.
«La stagnation au quatrième trimestre soutient notre avis que les perspectives économiques de la zone euro sont pires que ce que beaucoup pensent», a commenté Jack Allen-Reynolds pour Capital Economics. Selon lui, cela devrait «inciter la BCE à réduire davantage ses taux d’intérêt cette année que ce qui est anticipé par le marché».
L’Europe, tout particulièrement l’Allemagne, subit de plein fouet la hausse du prix de l’énergie, en particulier du gaz, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. La chimie, la sidérurgie et l’automobile délocalisent et suppriment des emplois. Les industriels dénoncent un excès de réglementations environnementales qui freinent l’investissement.
Différences très marquées
L’Exécutif européen a promis mercredi un virage pro-business avec notamment un allègement du fardeau administratif pour les entreprises, dans une feuille de route sur cinq ans présentée par la présidente de la Commission. Les mesures proposées sont largement inspirées des recommandations formulées par l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi.
«Mais la grande question reste de savoir dans quelle mesure Ursula von der Leyen réussira à les mettre en oeuvre», souligne l’économiste Bert Colijn, de la banque ING.
«Si elle y parvient, cela ne pourra que renforcer les perspectives économiques à moyen terme», selon lui. Au sein de l’Europe, les divergences nationales sont très marquées. Si elles subsistent, cela pourrait constituer à terme un casse-tête pour la BCE, engagée dans un mouvement de baisse des taux alors que l’inflation est en train de revenir sous l’objectif de 2% par an.
L’institution doit en effet définir une politique monétaire adaptée à l’ensemble de la zone euro. Un gouffre sépare la performance spectaculaire de l’Espagne, dont le PIB a progressé de 3,2% l’an dernier, et l’Allemagne (-0,2%) en récession pour la deuxième année consécutive. Entre les deux, la France, aidée par les Jeux olympiques durant l’été, a enregistré 1,1% de croissance en 2024, faisant un peu mieux que l’Italie (+0,5%).
Questions de conjoncture
Sur le seul dernier trimestre, le PIB français a cependant reculé de 0,1% en rythme trimestriel, rejoignant l’Allemagne en territoire négatif. Cette contreperformance s’ajoute à celle de l’Italie qui a aligné deux trimestres consécutifs de croissance nulle.
La France, sans majorité claire au Parlement, peine à adopter un budget pour 2025 et reste sous la menace d’une nouvelle censure du gouvernement. L’Allemagne, en campagne pour des législatives anticipées le 23 février, subit une poussée de l’extrême droite et devra probablement attendre jusqu’à l’été pour l’arrivée d’un nouvel Exécutif.
«Pour l’instant, l’économie européenne semble être dans une phase de ralentissement et nous ne nous attendons pas à ce qu’elle en sorte cet hiver», poursuit l’analyste d’ING.
«Les premières indications pour le premier trimestre montrent que l’économie devrait rester proche de la stagnation encore un moment», estime Bert Colijn.
Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO