Maroc

Régionalisation avancée : la nouvelle feuille de route tracée par le Roi Mohammed VI

Annoncé comme potentiellement réduit à neuf régions, le découpage régional restera finalement inchangé. C’est dans le cadre des deuxièmes Assises nationales de la régionalisation avancée, tenues cinq ans après la première édition, que ce statu quo a été confirmé, tandis que des chantiers structurants ont été lancés.

Les deuxièmes Assises nationales de la régionalisation avancée, tenues à Tanger les 20 et 21 décembre, marquent un tournant décisif pour ce chantier national. Cet événement, marqué par un message royal déterminant, a permis de dresser le bilan des neuf années de mise en œuvre de ce mécanisme, tout en annonçant une nouvelle feuille de route ambitieuse. Si le découpage régional reste inchangé, les réformes se concentreront sur des défis majeurs comme la gouvernance, l’autonomie financière et la convergence des politiques publiques.

Un message royal porteur de directives stratégiques
Dans son message adressé aux participants de la deuxième édition des Assises nationales de la régionalisation avancée, le Roi Mohammed VI a réaffirmé l’importance de ce projet pour renforcer la gouvernance territoriale et réduire les disparités socioéconomiques. Il a appelé à un engagement collectif pour faire de la régionalisation avancée un levier de développement durable.

Pour le Souverain, cette étape doit permettre de mesurer les progrès accomplis depuis les premières Assises en 2019. Il s’agit d’évaluer la mise en œuvre des recommandations et d’accélérer les réformes nécessaires pour concrétiser pleinement ce chantier structurant.

En premier lieu, le Roi Mohammed VI a insisté sur la nécessité de renforcer les compétences des régions à travers l’adoption de mécanismes clairs d’articulation entre les lois organiques et les réalités locales. Cette clarification vise à établir une base juridique solide, évitant les conflits de compétence et permettant aux régions de jouer pleinement leur rôle.

Le deuxième point abordé concerne l’autonomisation financière des régions, condition essentielle pour leur permettre d’agir comme de véritables moteurs de développement.

En troisième lieu, le Souverain a mis en avant l’importance de la convergence et de l’intégration des politiques publiques, notamment à travers une meilleure coordination entre les niveaux national et régional. Cette intégration doit aller de pair avec une vision stratégique partagée, garantissant une cohérence entre les actions locales et les objectifs nationaux. Quatrième axe fondamental, l’amélioration de la gouvernance.

Le message royal a souligné l’impératif d’une gestion transparente et efficace, où la reddition des comptes, la lutte contre la corruption et l’évaluation régulière des performances occupent une place centrale. Le cinquième point porte sur la nécessité d’impliquer pleinement les citoyens et les acteurs locaux dans les processus décisionnels. Ce cadre participatif doit être renforcé par une sixième priorité, qui est le développement des compétences et des ressources humaines.

À cet égard, le Souverain a insisté sur la formation continue, le renforcement des capacités des cadres régionaux et l’intégration de nouvelles expertises pour répondre aux besoins spécifiques de chaque région. Le septième et dernier axe souligné dans le message royal concerne l’importance d’évaluer régulièrement les avancées réalisées. Une culture de l’évaluation et du suivi doit être instaurée pour mesurer l’impact des politiques publiques régionales et pour ajuster les stratégies en fonction des résultats obtenus.

Quatre conventions pour accélérer le développement régional
En effet, en prélude à deux journées de débats intenses et riches, la deuxième édition des Assises nationales de la régionalisation avancée a été le théâtre d’une avancée significative pour la gouvernance territoriale au Maroc. Quatre conventions-cadres d’envergure ont été signées, traduisant la volonté d’accélérer la mise en œuvre de la régionalisation avancée tout en répondant aux défis stratégiques dans les domaines de l’eau, de la mobilité, et de la gestion durable des ressources environnementales.

La première convention-cadre, véritable pilier de cette initiative, porte sur l’accélération de la mise en œuvre du chantier de la régionalisation avancée. Elle ambitionne de consolider les fondements juridiques et administratifs nécessaires à une gouvernance territoriale efficace. Signée par les ministres de l’Intérieur, de l’Économie et des Finances, et plusieurs autres départements clés, ainsi que par les présidents des douze Conseils régionaux, elle prévoit un cadre clair pour l’exercice des prérogatives des régions, notamment à travers le transfert progressif des compétences aux services déconcentrés. Cette convention s’inscrit dans la continuité des engagements pris lors du cadre d’orientation de la régionalisation avancée en 2019.

Dans un contexte où la gestion de l’eau et la préservation de l’environnement figurent parmi les priorités nationales, la deuxième convention-cadre s’attache à répondre aux besoins pressants dans ces secteurs. Signée par les ministres de l’Intérieur, de l’Équipement et de l’Eau, et les présidents des régions, cette convention instaure un nouveau cadre de partenariat. Celui-ci repose sur une approche participative pour harmoniser les politiques publiques dans la gestion durable des ressources hydriques et environnementales.

Des réponses concrètes
«Cet accord vise à apporter des réponses concrètes face aux répercussions de la pénurie d’eau sur les régions», nous explique Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, tout en précisant que «les interventions se déclineront à plusieurs niveaux».

Le premier niveau concernera le financement de projets liés à l’eau, «qu’il s’agisse de la construction de barrages, de barrages collinaires pour lutter contre les inondations, ou encore du financement d’analyses et du traitement des eaux usées», poursuit le ministre. Le deuxième niveau portera sur la nécessité d’économiser l’eau.

«Il est crucial de réduire les pertes existantes en optimisant les pratiques, notamment dans le domaine agricole, afin de mieux utiliser l’eau de pluie», explique-t-il.

Enfin, des initiatives seront déployées pour améliorer les infrastructures et méthodes modernes liées à l’eau.

«Les collectivités territoriales joueront un rôle fondamental en facilitant les connexions hydrauliques et en aménageant des routes stratégiques, comme celle du col de Sayar, pour renforcer la coopération régionale», souligne le ministre.

«La préservation des ressources en eau de surface demeure également une priorité», conclut Nizar Baraka, ajoutant que «cela passe par une gestion intégrée pour garantir l’approvisionnement en eau des générations futures».

Par ailleurs, la mobilité urbaine et intercommunale a également été au centre des préoccupations. Une troisième convention-cadre, paraphée par le ministre de l’Intérieur, le ministre du Transport et de la Logistique, et les représentants des régions, vise à révolutionner le secteur des transports publics grâce à un modèle économique innovant.

Avec une enveloppe budgétaire de 11 milliards de dirhams étalée sur la période 2025-2029, ce programme ambitionne d’améliorer l’offre et la qualité du transport par autobus, tout en garantissant la durabilité et l’équilibre financier des contrats de gestion déléguée.

En outre, la gestion des déchets ménagers et assimilés a fait l’objet d’une quatrième convention, qui s’étend sur une décennie, de 2025 à 2034. Cette initiative engage les départements de l’Intérieur et de la Transition énergétique aux côtés des conseils régionaux pour renforcer les capacités de collecte, de traitement et de valorisation des déchets. Cette démarche s’inscrit dans une logique de développement durable et de partenariat renforcé entre les acteurs institutionnels.

Des régions au rôle de catalyseurs
Mbarka Bouaida, présidente de l’Association des régions du Maroc, a souligné l’importance de cette deuxième édition des Assises pour la régionalisation, placée sous le patronage royal, qui permet de dresser un bilan des neuf années de régionalisation avancée.

«L’objectif est de faire un point d’étape, de mesurer ce qui a été accompli et ce qui reste à faire», explique-t-elle.

Elle a notamment évoqué les défis soulevés par la lettre royale, comme la question de la déconcentration et de l’implication des départements ministériels dans sa mise en œuvre, un enjeu central pour une meilleure gouvernance territoriale. L’accent a également été mis sur le rôle des régions dans l’attractivité territoriale et l’investissement. «Les régions doivent être capables d’attirer des investissements pour créer de la valeur ajoutée et des emplois», ajoute-t-elle.

Elle a aussi évoqué les défis financiers auxquels font face les régions, soulignant la nécessité d’adapter les modes de financement pour garantir un développement équilibré du territoire.

«Le financement constitue le nerf de la guerre, et nous devons diversifier nos sources pour répondre aux besoins croissants», insiste-t-elle.

Des engagements financiers concrets ont été pris avec la signature de conventions, notamment pour l’eau, les déchets et le transport, avec des contributions substantielles des régions.

«Ces engagements vont permettre de transformer nos régions et d’assurer un développement harmonieux et durable», a-t-elle conclu, soulignant le rôle central des régions comme catalyseurs de la modernisation du pays.

Abdellatif Mâzouz
Président du Conseil de la région Casablanca –Settat

«Le message royal a tracé une véritable feuille de route, revenant sur tout ce qui a été entamé, mais qui n’a pas connu d’avancement suffisant selon les orientations royales, et plus particulièrement tout ce qui concerne l’approfondissement, la précision des compétences et des régions, et la déconcentration. C’est donc un message très fort de Sa Majesté pour que nous allions plus vite dans ce domaine. C’était également l’occasion pour nous d’accélérer un ensemble de chantiers qui sont vitaux pour les territoires du Royaume».

Rachid El Abdi
Président du Conseil régional de Rabat-Salé-Kénitra

«Il sera essentiel de prendre des risques mesurés pour mener à bien les projets voulus par Sa Majesté. Les progrès n’ont pas été à la hauteur des attentes. Il était nécessaire d’identifier les causes de ces retards. Aujourd’hui, nous discutons des obstacles rencontrés et des recommandations à formuler pour y remédier. Je suis convaincu que ces recommandations nous permettront de repartir avec un nouvel élan. Chaque région qui réussit son modèle ne doit pas le garder pour elle seule, mais le partager avec les autres. Les Assises offrent un cadre propice à cet échange, tout comme d’autres plateformes de collaboration».

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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