Éco-Business

Omar Kettani : “L’illusion monétaire persiste”

Omar Kettani
Professeur d’économie à l’université Mohammed V

L’inflation semble marquer un ralentissement, durant le mois d’octobre, après un pic en août, avec une baisse modeste de 0,3% de l’Indice des prix à la consommation. Toutefois, cette décélération ne signifie pas une véritable baisse des prix, mais plutôt un ralentissement de leur hausse.

Quelle interprétation faites-vous de ces données ?
On constate un recul des produits alimentaires, ce qui reflète une légère évolution positive. Par contre, sur une année, il y a eu une évolution de +0,7% pour les produits alimentaires et +1,3% pour les produits non alimentaires. Je dirais ainsi que les produits non alimentaires ont eu un impact inflationniste beaucoup plus durable et plus important, quelle que soit l’évolution. Ce qui amène à déduire qu’il y a une rigidité pour les produits non alimentaires, en matière de déflation.

En effet, il faut noter que le marché marocain est plus sensible pour les produits alimentaires que pour les autres produits. Nous sommes dans une société où le produit alimentaire joue un rôle plus important, puisqu’il y a un maintien de la consommation de ces produits, mais les produits non alimentaires donnent lieu à une réticence de l’évolution de la consommation.

On observe également que la baisse est plus forte concernant la consommation des produits non alimentaires. Ce qui s’explique par le fait que ce qu’on gagne en baisse des prix sur les produits alimentaires, on le perd en rigidité sur les produits non alimentaires.

Quid de la consommation ?
C’est ce que les statistiques ne disent pas. Alors qu’il y a eu certainement un impact sur la baisse de la consommation des ménages de par la cherté des prix. En effet, les produits non alimentaires ont été les plus affectés par la hausse des prix sur une année et ceux qui ont bénéficié le moins de la dernière baisse.

Par ailleurs, il y a un paradoxe qui est constatée sur le marché lorsqu’on observe, à titre d’exemple, le nombre de nouvelles voitures qui circulent. Ce qui signifie que les banques continuent à consacrer beaucoup de crédits aux produits de luxe au Maroc. Malgré une hausse permanente des prix, les produits de luxe ne sont nullement affectés.

Des mesures ont été prises par le gouvernement pour tenter de juguler les prix des produits alimentaires tels que la viande et pensez-vous que l’inflation a tendance à reculer ?
Je dirais qu’en parallèle, il y a eu un ensemble de mesures d’augmentation des prix pour élargir l’assiette fiscale en vue de maintenir les équilibres financiers. Mais dans le même temps, l’impôt sur le revenu des hauts salaires et des hauts revenus n’a pas été affecté par la fiscalité.

Dans ces conditions, une répercussion pourrait toucher davantage les produits non alimentaires, encore une fois dans l’objectif d’équilibrer les finances. Toutefois, la pression inflationniste devrait persister car les conséquences de l’inflation précédente s’est traduite par la baisse de la consommation des ménages. Et donc, si on considère que la baisse de la consommation des ménages est une mesure déflationniste, je peux vous assurer qu’elle a un coût.

Il faut noter que lorsque la consommation des ménages baisse, cela veut dire que les ménages souffrent moins de la hausse des prix, non pas parce qu’il y a eu baisse des prix, mais parce qu’il y a eu baisse de la consommation. C’est ce qu’on appelle l’illusion monétaire, que le système continue à maintenir.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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