Stations-service : le marché parallèle mine l’activité
Le secteur des stations-service au Maroc est en crise, mis à mal par la prolifération d’un marché parallèle des hydrocarbures, ce qui engendre un recul des ventes chez ces opérateurs. Et c’est principalement le marché B to B qui pose problème. La situation est d’autant plus critique que les marges sur le marché parallèle s’avèrent conséquentes.
La situation est critique au niveau des stations-service. La cause en est la montée en puissance du marché parallèle des hydrocarbures qui atteint des proportions démesurées, à en croire la Fédération nationale des propriétaires, commerçants et gérants de stations-service au Maroc (FNPCGS).
En effet, l’ascension de ce marché parallèle est telle que les ventes au niveau des stations-service ont connu une baisse notable. Un état de fait qui met à mal les propriétaires.
«Les stations opèrent désormais en dehors du système de distribution légal, qui nécessite des procédures et autorisations réglementaires. Leur rôle s’est limité à la vente de quantités très restreintes aux particuliers et petites entreprises. Ce qui les prive de parts importantes du marché et se répercute par ricochet sur les revenus. Il est ainsi difficile de couvrir les frais élevés de gestion des stations», déclare-t-on auprès de la fédération professionnelle.
Une pratique ancienne
Mais en tâtant le pouls de certains professionnels du secteur, il s’avère que ces pratiques ne datent pas d’hier. Cette situation préoccupante résulte de l’absence de réglementation des ventes en B to B. Un constat qui fait l’unanimité. Cependant, bien que la pratique ne soit pas nouvelle, les marges bénéficiaires engrangées atteignent des niveaux sans précédent.
Pour Houcine El Yamani, secrétaire général de l’union nationale du pétrole et du gaz, la manne financière des hydrocarbures est plus importante.
Selon El Yamani, «les calculs montrent que la marge sur le gasoil est de trois dirhams, ce qui laisse une marge de manœuvre. De plus, une concurrence féroce est observée sur le marché parallèle. Plus le volume vendu est important, plus la marge est conséquente de part et d’autre. Certains acheteurs B to B se constituent en groupe pour s’approvisionner auprès des sociétés de distribution. Ainsi, le prix pratiqué sur le marché noir peut se voir appliquer une baisse allant jusqu’à 1,20 DH».
Pire encore, certaines stations s’approvisionnent également sur ce marché et se retrouvent à revendre le carburant de la société distributrice.
À cet égard, il est important de signaler qu’il existe trois types de gérance de stations-service. Il y a celles dont le propriétaire dispose d’un contrat d’approvisionnement avec une société distributrice. Côté bénéfices, ces propriétaires ne se font pas beaucoup de marge. Un second modèle de gérance, dit DoDo (Dealer owned, Dealer operated) regroupe des stations qui ne sont pas détenues par la société de distribution. Elles sont exploitées sous la marque de la société pétrolière mais le propriétaire s’engage à vendre exclusivement les produits de la société en question.
Par ailleurs, c’est ce type de propriétaires de stations-service qui subissent de plein fouet les conséquences du marché parallèle. Il y a également le modèle de gestion CoCo (Company owned, Company operated), dans lequel une entreprise possède et exploite directement ses propres stations ou points de vente.
Le contrôle est de mise
Toutefois, bien que le canal B to B ne représente que 25% des ventes globales, les propriétaires de stations-service pointent du doigt ces acheteurs qui s’approvisionnent à des prix préférentiels et revendent sur le marché à des prix plus compétitifs que ceux des stations-service. Une option qui n’est pas disponible pour les stations en raison de contrats imposés par les distributeurs. En conséquence, plusieurs entreprises et particuliers se tournent de plus en plus vers l’achat et la revente de cette ressource vitale, parfois en dehors des normes et réglementations.
Dans ce sens, la fédération fait état de l’apparition de stations d’essence ambulantes ainsi que de dépôts de vente en gros et au détail. De nombreux dépôts clandestins, où le diesel et l’essence sont vendus illégalement au détail, auraient même été recensés.
Aujourd’hui, les propriétaires de stations-service sollicitent l’intervention de l’État pour réglementer ces transactions qui mettent en péril le marché, surtout que la qualité des produits peut être compromise. Le contrôle et suivi est également requis.
Selon certains professionnels du secteur, le contrôle n’est pas une mince affaire, notamment avec l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché. En effet, actuellement, ce sont 35 sociétés de distribution qui opèrent et certaines d’entre-elles sont localisées en milieu rural.
Néanmoins, le Projet de Loi de finances 2025 pourrait apporter une solution à cette problématique, notamment sur le volet relatif à la traçabilité.
En effet, il est prévu de mettre en place un système de marquage des produits pétroliers. Cette mesure vise à mieux tracer les hydrocarbures à travers un code chimique spécifique à chaque produit. Pour détecter les produits additionnels et endiguer ainsi les pratiques frauduleuses, il est prévu de créer des laboratoires d’analyse qui feront l’objet d’appel d’offres.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO