Maroc

Cours de la viande rouge : la folie des prix va-t-elle (enfin) s’apaiser ?

Les prix des viandes rouges échappent à tout contrôle, malgré l’adoption de multiples mesures gouvernementales visant à enrayer cette dérive. Les incitations à l’importation de bétail et de lait en poudre tardent à produire les résultats escomptés. Le secteur de l’élevage, déstabilisé par une gestion dispersée, subit de plein fouet les effets de cette crise. Face à cette situation, les pouvoirs publics sont sur le pied de guerre.

Depuis plus de deux ans, le prix des viandes rouges échappe au contrôle des autorités publiques. Pourtant, nombre de mesures ont été prises pour tenter de stabiliser les cours en vue d’éviter un affolement des prix, sans beaucoup de résultats apparents. Le fait est qu’en 2022, le gouvernement avait mis en place des incitations pour importer des têtes de bétail prêtes à l’abattage, dans l’objectif d’alléger la pression sur la production locale, laquelle avait subi de plein fouet les effets de la sécheresse.

Certes, l’opération avait donné des résultats dans un premier temps, mais depuis quelque temps, les prix se sont envolés. En effet, l’indice des prix à la consommation du mois d’août a été impacté par la hausse des prix des produits alimentaires et principalement par ceux des viandes, avec une augmentation estimée à 6,8%.

Une question de gouvernance
Rappelons que le Maroc avait autorisé l’importation du lait en poudre par les industriels de la filière lait sans limiter la quantité ni la période d’utilisation, en parallèle d’autres mesures destinées à la reproduction du cheptel. Mais face à une situation devenue incontrôlable, ces dispositions sont-elles toujours appropriées ?
Les professionnels du secteur s’accordent à dire que les conséquences de la mesure relative à l’importation de lait en poudre sur l’amont de la filière sont innombrables, surtout que le prix de revient du lait en poudre est de 2,20 dirhams/litre contre 4,30 chez l’éleveur.

«C’est une incitation pour les industriels laitiers à cesser de collecter le lait naturel chez les éleveurs nationaux. Les experts de la filière pensent à l’unanimité que le fait d’autoriser l’utilisation sans limite du lait en poudre importé au détriment du lait local aggrave les problèmes de la filière lait. Pourtant, celle-ci était considérée, avant la dernière sècheresse, comme un modèle d’organisation et d’intégration», se désole Mohamed Bajeddi, agro-économiste et consultant international.

La filière de la viande rouge ne déroge pas à la règle. Cette subvention en faveur des importations n’a pas eu, à l’amont, d’effet bénéfique pour la reconstitution du cheptel de bovins à lait ou à viande. En conséquence, la vache laitière assure toujours deux fonctions de production de lait et de veaux destinés à l’engraissement. Pour remédier à cette crise et permettre une reconstitution du cheptel, les professionnels mettent l’accent sur l’élevage.

En effet, toutes les analyses indépendantes réalisées convergent vers la conclusion que l’éclatement de la Direction de l’élevage relevant du ministère de l’Agriculture a porté un coup de massue à toute l’organisation et à l’intégration des différentes étapes de l’élevage. Ainsi, pour gagner en cohérence, coordination et complémentarité, il est essentiel de centraliser toutes les actions de l’élevage au niveau d’une institution dédiée.

Par ailleurs, il s’avère également prioritaire de concentrer les incitations financières, directement au niveau des exploitations agricoles familiales, pour l’achat de brebis, de génisses de viande ou de lait et la dotation en aliments de bétail, et ce, pendant au moins trois ans. Parallèlement, il est urgent de recadrer l’importation de la poudre de lait en donnant la priorité au lait naturel des éleveurs.

Perspectives
Aujourd’hui, les difficultés persistent et les pouvoirs publics sont résolus à s’y attaquer en vue de faire baisser les prix.

«Actuellement, de nombreuses réunions ont été tenues avec le Chef du gouvernement et le ministère de tutelle qui accordent une importance capitale au sujet. Nous autres, professionnels du secteur, restons cependant dubitatifs quant aux incitations octroyées sans pour autant avoir l’effet escompté. En tout cas, le travail est mené pour trouver des solutions concrètes aux problématiques relatives à l’engraissement pour l’abattage», a précisé un professionnel du secteur qui requiert l’anonymat.

En outre, selon nos sources, depuis quelques temps, un travail est mené pour déceler l’origine des dysfonctionnements qui ont contribué à la hausse des prix. Et ce, alors que des mesures appropriées ont été instaurées pour maintenir les prix au même niveau. Il semble que tous les dispositifs et les chaînes de valeur sont passés au peigne fin dans la perspective d’apporter les solutions adéquates, ainsi que le suivi et le contrôle nécessaire afin d’éviter tout dépassement.

Selon nos informations, une réunion décisive est prévue incessamment avec le Chef du gouvernement, durant laquelle des annonces importances seront faites. Par ailleurs, les professionnels du secteur affirment que quoi qu’il en soit, la tendance sera forcément à la baisse.

Mohamed Bajeddi
Agro-économiste et consultant international

«C’est une incitation pour les industriels laitiers à cesser de collecter le lait naturel chez les éleveurs nationaux. Les experts de la filière pensent à l’unanimité que le fait d’autoriser l’utilisation sans limite du lait en poudre importé au détriment du lait local aggrave les problèmes de la filière lait. Pourtant, celle-ci était considérée, avant la dernière sécheresse, comme un modèle d’organisation et d’intégration».

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO

 


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