Maroc

Maroc-UE. Annulation de l’accord de pêche : et après ?

La Cour de justice de l’Union européenne a confirmé l’invalidation des accords de pêche et d’agriculture conclus en 2019 entre le Maroc et les Vingt-sept. Cette décision a suscité une réaction rapide et tranchante du Maroc. Le Royaume a déclaré ne pas se sentir concerné par cette sentence, car il n’a participé à aucune des étapes de la procédure. Mais quelles sont les conséquences réelles de cette décision, et quelles options s’offrent désormais ?

Arrivé à expiration en juillet 2023, l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne vient d’être invalidé par la Cour de justice de l’Union européenne. La réaction de Rabat ne s’est pas faite attendre.
Le Maroc a clairement exprimé son indifférence face à la décision de la Cour européenne, rappelant n’avoir jamais été impliqué dans le processus y ayant mené.

«Le Maroc n’a participé à aucune des phases de cette procédure et, par conséquent, ne se considère aucunement concerné par la décision», peut-on lire dans la déclaration officielle.

Selon le gouvernement, la Cour s’est trompée à plusieurs égards, en se fondant sur des éléments erronés et en adoptant une posture qui relève davantage de considérations politiques que juridiques.

Une décision sans portée juridique pour le Maroc
Le Royaume va plus loin en dénonçant un parti pris évident et une méconnaissance totale des réalités du dossier. Il souligne que cette décision entre en contradiction avec d’autres jugements rendus dans des affaires similaires, notamment par la Haute Cour britannique, qui avait fait preuve d’un discernement plus rigoureux. Ce rejet catégorique démontre la volonté du Maroc de ne pas se laisser entraver par ce qu’il considère comme des décisions injustifiées, motivées par des pressions extérieures.

Pour Ali Oukacha, président de la Fédération des pêches maritimes (FPM), cette décision est perçue comme un affront à la souveraineté marocaine et une attaque contre les intérêts économiques et territoriaux du pays.

«Cette décision, selon la FPM, est davantage politique que juridique», estime l’expert, rappelant que plusieurs grandes nations soutiennent la position du Maroc sur le Sahara.

«Nous ne pouvons occulter le fait qu’aujourd’hui, le Maroc est un pays stable, avec son Sahara, qui voit l’ouverture de consulats et bénéficie d’une reconnaissance internationale accrue. Tout cela ne peut être ignoré, malgré les manœuvres des ennemis de l’intégrité territoriale du Maroc, qui cherchent à noyer le poisson dans l’eau», poursuit-il.

Un accord déséquilibré pour le Maroc
En réaction à cette décision, le Maroc a exigé de l’Union européenne, de ses institutions et de ses États membres qu’ils prennent des mesures pour garantir la sécurité juridique des engagements pris dans le cadre de leurs accords bilatéraux.

«Les liens économiques et stratégiques entre le Maroc et l’Union européenne sont solides», affirme Ali Oukacha.

Il est d’avis que la décision de la CJUE pourrait même encourager le Maroc à explorer de nouvelles pistes de coopération, tout en négociant avec «intelligence et prudence».

«Nous avons déjà des accords de pêche avec des pays comme la Russie», précise-t-il, et d’autres États, comme la Turquie, montrent un grand intérêt pour nos ressources maritimes.

Historiquement, l’Espagne a toujours été le plus grand bénéficiaire de l’accord de pêche avec 128 de ses bateaux concernés entre 2019 et 2023 et se retrouve donc en première ligne parmi les victimes de cette annulation. Mais pour le Maroc, cet accord ne représentait pas un bénéfice économique significatif. La valeur totale des opportunités de pêche, fixée dans le protocole annexé à l’accord, atteignait 208,7 millions d’euros pour quatre ans, avec une répartition progressive des paiements, tandis que Bruxelles versait 52 millions d’euros par an au Maroc dans le cadre de cet accord.

Selon Ali Oukacha, «la question des redevances doit être revue à la hausse», bien que le principal enjeu demeure géopolitique. Ces fonds doivent permettre de développer les infrastructures maritimes du Maroc, comme les criées et les zones de pêche, tout en garantissant la présence d’inspecteurs à bord des navires.

«Ces négociations doivent aboutir à une meilleure gestion des ressources tout en préservant notre souveraineté», ajoute-t-il.

Le Maroc dispose certes de deux façades maritimes longues de 3.500 km, mais «la zone de pêche la plus riche du Maroc se trouve au sud, dans la région de Dakhla», souligne Oukacha.

À l’inverse, la Méditerranée connaît une raréfaction des ressources maritimes, ce qui renforce la valeur stratégique des eaux sahariennes dans les futures négociations.

«Cette spécificité géographique confère au Maroc un atout majeur dans ses discussions avec l’UE et d’autres puissances intéressées», ajoute Oukacha.

En effet, rien qu’en 2022, 203.000 tonnes de produits originaires des provinces du sud du Royaume ont été exportées vers l’UE contre environ 100.000 tonnes avant l’application de l’accord. La valeur des exportations originaires des provinces du sud vers l’UE s’est élevée à 590 millions d’euros (6,410 milliards de DH).

Maintenir le cap malgré l’adversité
Cette fermeté marocaine s’inscrit dans une stratégie plus large, visant à consolider son rôle de partenaire clé au sein de la région. Le Royaume peut s’appuyer sur des alliances solides avec plusieurs États membres de l’UE, qui ont immédiatement réagi en faveur du maintien des relations avec Rabat.

La France, les Pays-Bas, la Hongrie, le Portugal ou encore la Belgique ont tous exprimé leur soutien à la relation stratégique qui les lie au Maroc, affirmant leur volonté de renforcer cette coopération dans l’intérêt mutuel. Les accords bilatéraux conclus avec des pays comme la France et le Portugal sont, pour le président de la FPM, des modèles à suivre. La France a récemment réitéré son «attachement indéfectible» à son partenariat avec le Maroc, soulignant l’importance de projets communs dans les régions du Sahara marocain.

Le Portugal, qui célèbre cette année le 250e anniversaire de son traité de paix avec le Maroc, a également mis en avant l’importance de ce partenariat historique.

«Ces relations bilatérales solides renforcent la position du Maroc en tant qu’acteur central dans la région», ajoute Oukacha. En dépit de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, le Maroc continue de jouir d’un large soutien de la part de ses partenaires européens. Le Royaume, déterminé à préserver ses intérêts économiques et territoriaux, se tourne également vers de nouvelles alliances potentielles hors du cadre européen.

Comme le souligne Ali Oukacha, «le Maroc n’est pas seulement un acteur régional, mais aussi un partenaire stratégique pour de nombreux pays, tant en Europe qu’ailleurs».

Vers une gouvernance plus efficace

Dans une déclaration conjointe publiée vendredi, émanant de la présidente Von Der Leyen et du haut-représentant/vice-président Borell, l’UE a réitéré «la grande importance qu’elle attache à son partenariat stratégique avec le Maroc, qui est de longue durée, vaste et approfondi. Au fil des années, nous avons noué une amitié profonde et une coopération solide et multiforme, que nous entendons porter à un niveau supérieur dans les semaines et les mois à venir».

La déclaration conjointe indique que l’UE prend note des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne C-778/21 P, C-798/21 P, C-779/21 P, C-799/21 concernant les recours contre le jugement du Tribunal de première instance du 29 septembre 2021, ainsi que la réponse à la demande de la décision préjudicielle dans l’affaire C-399/22.

«La Commission européenne analyse actuellement les arrêts en détail. Dans ce contexte, nous notons que la Cour de justice européenne préserve la validité de l’accord sur les produits agricoles pendant 12 mois supplémentaires», est-il indiqué.

Les deux hauts responsables affirment ainsi qu’en «étroite collaboration avec le Maroc, nous avons la ferme intention de préserver et de continuer de renforcer nos relations étroites avec le Maroc dans tous les domaines du partenariat UE-Maroc, conformément au principe pacta sunt servanda»
(NDLR : «Les conventions doivent être respectées»).

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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