Perspectives : pour le président de la BAD, “l’Afrique sera le continent pivot du monde”
Vendredi dernier, devant un parterre de diplomates, d’investisseurs, d’universitaires, d’hommes politiques et de journalistes, Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement, a tenu un discours dans lequel il a mis en avant le potentiel inexploité de l’Afrique et ses nombreuses opportunités économiques. Pour lui, «l’Afrique ne peut plus être ignorée».
Pour le patron de la Banque africaine de développement (BAD), l’Afrique, avec sa main-d’œuvre jeune et dynamique, ses ressources en énergies renouvelables et sa biodiversité abondante, offre d’énormes opportunités économiques. Akinwumi Adesina a fait remarquer que malgré les défis mondiaux, les économies africaines montrent une résilience remarquable, étant la deuxième région à la croissance la plus rapide après l’Asie.
Dans son rapport «Perspectives économiques en Afrique», la BAD estime la croissance économique du continent à 3,7% en 2024 et 4,3% en 2025. Par ailleurs, 15 pays enregistrant des taux de croissance réelle d’au moins 5% et la moitié des 20 économies à la croissance la plus rapide au monde sont situés en Afrique, d’après la même source.
Défis
Parmi les défis à surmonter pour réaliser ces perspectives prometteuses, figurent le changement climatique, l’augmentation de la dette, et la nécessité de réformes financières mondiales. Pour le patron de la BAD, il est crucial de réaliser un changement structurel des économies africaines, d’accroître la productivité agricole, de fournir de l’électricité, d’accélérer les investissements dans les infrastructures, de soutenir une numérisation plus rapide, de créer des débouchés économiques et des emplois pour les femmes et les jeunes, et de stimuler l’industrialisation grâce à une plus grande mobilisation du secteur privé.
Dans son discours, Adesina a dissipé la perception selon laquelle l’Afrique est une destination d’investissement risquée. Il a cité une étude de Moody’s Analytics montrant que le taux de défaut de paiement sur les prêts d’infrastructure en Afrique est de 1,9%, contre 4,6 à 12,4% dans d’autres régions du monde. Il a plaidé pour une agence de notation de crédit africaine indépendante pour contrebalancer les perceptions erronées qui mènent à un sous-investissement en raison de primes de risque excessives. Citant le Programme des Nations unies pour le développement, le président de la BAD a indiqué que des notations de crédit plus équitables pour les pays africains permettraient d’économiser au moins 75 milliards de dollars par an en paiements au titre du service de la dette.
Il a rappelé l’augmentation du capital exigible de la BAD de 117 MM$, portant le capital total autorisé de la Banque à 318 MM$, ce qui permettra à l’institution d’accroître sa capacité d’octroi de prêt. «Nous allons être plus ambitieux, plus audacieux et plus efficaces», a-t-il annoncé, prédisant que l’Afrique deviendra une région pivot au niveau mondial.
Ambition
Adesina a également évoqué des projets ambitieux de la Banque, tels que l’émission de capital hybride durable, la première de ce type par une banque multilatérale de développement, et l’Alliance pour l’infrastructure verte en Afrique (AGIA), soutenue par le G7 avec une contribution de 150 millions de dollars, visant à mobiliser trois milliards de dollars d’investissements du secteur privé pour des projets verts. Il a mentionné le projet «Desert to Power» de 20 milliards de dollars dans le Sahel, destiné à produire 10.000 mégawatts d’énergie solaire pour près de 250 millions de personnes dans 11 pays, qui deviendra la plus grande zone d’énergie solaire au monde une fois achevé.
En termes de collaboration, Adesina et le président du Groupe de la Banque mondiale, Ajay Banga, ont annoncé un effort conjoint pour raccorder 300 millions d’Africains à l’électricité d’ici à 2030. Adesina a également salué l’approbation récente par le Fonds monétaire international de la canalisation de 20 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) pour du capital hybride, conformément aux propositions de la Banque africaine de développement et de la Banque interaméricaine de développement.
Adesina a mis en avant les investissements du secteur privé soutenus par la Banque, comme le projet de gaz naturel liquéfié (GNL) de 24 milliards de dollars au Mozambique, qui générera plus de 66 MM$ de revenus pour le pays, et le complexe de raffinage Dangote de 19,5 MM$ au Nigeria, la plus grande raffinerie à train unique du monde et la plus grande usine d’ammoniac. Il a également mentionné le géant marocain du phosphate OCP Group, avec une usine d’engrais phosphatés de 13 MM$.
La BAD se concentre également sur l’éducation et le développement des compétences, ayant consacré 700 millions de dollars à ces domaines, soutenant 4.000 établissements d’enseignement supérieur et offrant à 1,7 million de jeunes Africains un accès à l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. Adesina a également mis l’accent sur l’initiative Affirmative Finance Action for Women in Africa (AFAWA), visant à réduire les risques pour les institutions financières afin qu’elles accordent des prêts aux femmes. Cette initiative a déjà approuvé 1,7 MM$ de financements pour 18.300 entreprises appartenant à des femmes, avec l’objectif de mobiliser cinq milliards de dollars pour les entreprises détenues par des femmes.
Sami Nemli avec Agence / Les Inspirations ÉCO