Maroc

Taxation des plus-values immobilières : la jurisprudence de la DGI nécessite des clarifications

Il y a quelques jours, la Direction générale des impôts (DGI) a publié une Note de jurisprudence relative à la déclaration des profits de cession d’actions ou de parts sociales émises par les sociétés à prépondérance immobilière et les sociétés immobilières transparentes. Loin d’être un simple éclaircissement technique, cette note de jurisprudence soulève, selon des analystes, des enjeux fondamentaux liés à l’équité fiscale, à la lisibilité des procédures et à la confiance des contribuables envers  le système. Détails.

La récente note de la DGI sur la taxation des profits immobiliers soulève des interrogations. Un expert pointe du doigt des zones d’ombre procédurales concernant les déclarations rectificatives et la distinction entre profits fonciers et mobiliers, sources d’insécurité juridique pour les contribuables.

La récente Note de jurisprudence publiée par la Direction générale des impôts (DGI) concernant la déclaration des profits de cession d’actions ou de parts sociales émises par les sociétés à prépondérance immobilière et les sociétés immobilières transparentes soulève des questions complexes sur la cohérence du système fiscal marocain et la procédure de taxation.

Rahib El Mostafa, ancien responsable des impôts et conseiller fiscal, met en lumière plusieurs zones d’ombre dans des commentaires éclairants.

El Mostafa souligne d’emblée une «inadéquation entre une obligation de dépôt d’une déclaration relative à un impôt correspondant et la procédure déclenchée par l’administration fiscale». Cette divergence potentielle entre la nature de l’impôt et sa procédure associée pourrait s’étendre au-delà du cas spécifique traité par la Note, touchant notamment les particuliers soumis à l’impôt sur le revenu professionnel en tant que promoteurs immobiliers.

Plusieurs zones grises sources d’insécurité juridique
Un cas concret concerne les particuliers soumis à l’impôt sur le revenu professionnel (IR) en tant que promoteurs immobiliers. En effet, ces particuliers exerçant une activité de promotion immobilière sont dans une situation analogue à celle traitée par la Note. Ils réalisent des opérations immobilières générant des plus-values qui doivent être déclarées et imposées.

Cependant, une confusion peut survenir entre l’impôt sur le revenu professionnel (IR) auquel ils sont soumis et l’impôt sur le profit foncier (PF) normalement applicable aux plus-values immobilières. Cette confusion pourrait entraîner les mêmes incohérences procédurales pointées par El Mostafa. Un promoteur immobilier particulier pourrait déposer une déclaration IR alors que l’administration fiscale estimerait que les plus-values doivent être taxées au titre de l’IR sur profit foncier. Dès lors, les mêmes interrogations sur la pertinence de la déclaration rectificative et la procédure adéquate à suivre se poseraient.

Cette situation illustre que le flou juridique dénoncé par l’expert ne se cantonne pas au cas précis des sociétés immobilières, mais pourrait concerner plus largement la taxation des opérations et plus-values immobilières réalisées par des particuliers exerçant une activité de promotion. Cet exemple témoigne de la complexité du système fiscal immobilier et de la nécessité d’une clarification des règles, qu’il s’agisse de sociétés ou de particuliers opérant dans ce secteur. Une réforme visant à mieux distinguer les régimes applicables et à harmoniser les procédures déclaratives et de redressement fiscal permettrait d’éviter ces zones grises sources d’insécurité juridique.

Deux scénarios
Le cœur du problème réside dans le flou entourant la déclaration rectificative, prévue à l’article 224 du Code général des impôts (CGI). El Mostafa estime qu’il existe «un vide juridique sur cette question», ce qui pourrait entraîner des conflits d’interprétation et des litiges. Face à ce vide juridique, l’expert propose deux scénarios possibles.

Premièrement, si le contribuable réagit à la taxation d’office en déposant une déclaration des profits fonciers et en payant l’impôt correspondant, «il pourra réclamer par voie contentieuse l’impôt déjà payé relatif à l’impôt sur les profits mobiliers, objet de sa déclaration initiale».

Deuxièmement, si le contribuable ne réagit pas aux lettres de relance, El Mostafa estime que «l’administration fiscale doit réagir par l’établissement d’un procès-verbal et procédera à l’émission de l’impôt sur le profit foncier complémentaire sous déduction de l’impôt déjà payé sur le profit mobilier».

Revenons aux deux scénarios. Pour ce qui est du premier scénario proposé par El Mostafa, dans le cas où le contribuable réagit à la taxation d’office en déposant une déclaration des profits fonciers et en payant l’impôt correspondant, l’ancien responsable des impôts estime qu’il pourra alors «réclamer par voie contentieuse l’impôt déjà payé relatif à l’impôt sur les profits mobiliers, objet de sa déclaration initiale». Cette situation illustre les conséquences concrètes du flou juridique entourant la procédure de régularisation fiscale. Confronté à une taxation d’office de l’administration, le contribuable peut se retrouver dans une situation délicate.

D’un côté, en déposant une déclaration des profits fonciers et en payant cet impôt, il se conforme aux exigences de l’administration. Cependant, cette démarche intervient alors qu’il avait initialement déclaré et payé l’impôt sur les profits mobiliers, jugé désormais non approprié par les services fiscaux. Se pose alors la question du sort de ce premier impôt payé. El Mostafa considère que, dans ce cas, le contribuable pourra engager «une voie contentieuse» pour réclamer la restitution de ces sommes indûment réglées au titre des profits mobiliers.

Cette issue contentieuse soulève cependant des interrogations. Outre les délais et les frais associés à une procédure judiciaire, le contribuable se retrouve dans une situation d’insécurité juridique et financière prolongée. Il aura dans un premier temps dû s’acquitter de deux impôts distincts sur la même opération, avant d’engager des démarches pour obtenir le remboursement de l’un d’entre eux.

Ce scénario met en lumière les effets concrets du manque de clarté procédurale sur la situation des contribuables. Ceux-ci peuvent se retrouver contraints de payer deux fois avant de pouvoir faire valoir leurs droits, avec les aléas inhérents à toute procédure judiciaire. Une clarification des règles en amont permettrait d’éviter ce genre de situations sources d’insécurité fiscale et juridique préjudiciables aux contribuables de bonne foi. Une réforme visant à mieux encadrer les procédures de rectification et de régularisation fiscale dans le secteur immobilier apparaît nécessaire pour restaurer la confiance et la sérénité des opérateurs économiques.

Deuxième scénario : dans le cas où le contribuable n’apporte aucune réaction suite aux lettres de relance de l’administration fiscale, l’expert propose une marche à suivre différente. Selon lui, «l’administration fiscale doit réagir par l’établissement d’un procès-verbal et procédera à l’émission de l’impôt sur le profit foncier complémentaire sous déduction de l’impôt déjà payé sur le profit mobilier».

Cette procédure vise à régulariser la situation du contribuable qui n’a pas régularisé spontanément sa situation suite au redressement fiscal initial. L’administration doit alors dresser un procès-verbal constatant le manquement et émettre un nouvel impôt, cette fois au titre des profits fonciers, considéré comme le régime adéquat.

Cependant, El Mostafa souligne la nécessité de prendre en compte l’impôt déjà acquitté par le contribuable, bien qu’initialement déclaré à tort au titre des profits mobiliers.

Ainsi, ce nouvel impôt sur les profits fonciers devra être calculé «sous déduction de l’impôt déjà payé sur le profit mobilier». Cette démarche permettrait une forme de compensation et éviterait au contribuable d’être doublement imposé sur la même opération immobilière. Bien que n’ayant pas régularisé sa situation, il bénéficierait d’un crédit d’impôt correspondant aux sommes déjà réglées. Ce scénario présente l’avantage d’une régularisation administrative simplifiée, sans recours immédiat à la voie contentieuse.

Néanmoins, des interrogations demeurent sur les modalités pratiques de mise en œuvre de cette «déduction» de l’impôt antérieurement payé. Des précisions seront nécessaires sur les délais et procédures applicables, afin d’assurer une parfaite transparence pour le contribuable.

Ce dernier doit pouvoir disposer de garanties suffisantes pour s’assurer du juste calcul de cette «déduction» tenant compte de ses régularisations antérieures. In fine, que le contribuable régularise spontanément ou non sa situation, les propositions d’El Mostafa visent à permettre une régularisation fiscale respectant au mieux l’équité, évitant la double imposition, tout en rétablissant le paiement du bon impôt. Une clarification et une harmonisation des procédures applicables permettraient de sécuriser davantage ce processus complexe de mise en conformité.

Des questions sur la légalité de ladite procédure

Bien que l’utilisation de la déclaration rectificative soit recommandée par la Note, l’expert met en garde contre les éventuelles «questions sur la légalité de ladite procédure». Au cœur de cette analyse se trouve une préoccupation fondamentale : assurer la cohérence et la clarté du système fiscal, tout en garantissant l’équité pour les contribuables. Les propos de l’expert mettent en évidence les défis complexes auxquels sont confrontées les autorités fiscales et les contribuables, notamment dans le secteur immobilier en pleine expansion.

Dans un contexte économique en constante évolution, marqué par une dynamique immobilière soutenue, il est crucial de disposer d’un cadre fiscal clair et harmonisé. Les interrogations soulevées par El Mostafa appellent à une réflexion approfondie sur les moyens d’améliorer la cohérence du système fiscal et de renforcer la sécurité juridique pour tous les acteurs concernés.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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