Grève des étudiants en médecine : la situation se complique
Après trois mois de protestations et de boycott, la tension ne semble pas s’atténuer au sein des facultés de médecine et de pharmacie du Royaume. Les présidents des universités de Casablanca et Rabat ont annoncé la dissolution des bureaux des étudiants en médecine et pharmacie et l’interdiction de toutes leurs activités sur les campus.
Estimant avoir été lésés suite à la décision de supprimer la 7e année de leurs cursus universitaire, les étudiants en médecine et pharmacie ont entamé depuis près de trois mois une série de sit-in au sein de leurs facultés respectives et ont boycotté les cours, les examens, les stages hospitaliers, et ce, afin de pousser les autorités concernées à revenir sur leur décision. Niet ! Les présidents des universités de Casablanca et de Rabat ont tout simplement fermé la porte du dialogue et ont même procédé à la dissolution des bureaux des étudiants en leur interdisant notamment toutes activités au sein des facultés concernées.
L’année de la discorde
Tout a commencé lorsque les étudiants ont appris, en mars 2023, que l’un des points phares de la réforme des cursus consistait à réduire la durée de la formation de sept à six ans. Raison évoquée par la tutelle : améliorer la qualité de l’offre pédagogique et neutraliser les défaillances de l’ancien système. Or, les étudiants ne l’entendent pas du tout de cette oreille, estimant que six années ne sont pas suffisantes pour former de bons médecins.
«On a le droit d’avoir des études complètes, le droit d’avoir une formation de qualité, afin que nous puissions assurer une bonne qualité de soins et une bonne offre de soins», indique Nouamane Cherkaoui, étudiant à la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat.
«Six ans permettent juste d’avoir un diplôme et ne qualifient pas pour exercer directement. Les pays qui optent pour les six ans prévoient notamment un an de formation pratique en santé publique. Aux États-Unis, les étudiants font quatre années d’études pré-médicales plus une année de stage avec la médecine générale ou la médecine de famille comme spécialité», explique, pour sa part, Narjisse El Hilali, étudiante en médecine.
Paralysie
Les accusations d’incitation à la grève formulées par les responsables universitaires à l’encontre des bureaux des étudiants (BDE) n’ont rien arrangé à un climat déjà tendu. Or, ces derniers revendiquent haut et fort leur droit à manifester tout en indiquant que la décision du boycott a été votée à la majorité des étudiants il y a trois mois dans l’ensemble des facultés de médecine et de pharmacie du Royaume.
«De toute façon nous comptons poursuivre le boycott tant que les ministres de tutelle ne se décident pas à renouer le dialogue avec nous», insiste Narjisse El Hilali.
Pour sa part, Nouamane Cherkaoui indique que les étudiants de la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat vont «regagner les amphis tout en poursuivant le boycott». «Durant les trois mois de notre boycott, nous avons subi des pressions psychologiques afin de nous dissuader de nos revendications. Si nous protestons, aujourd’hui, c’est parce que nous aimons notre pays et nos patients. On ne veut pas quitter notre pays mais nous voulons avoir de bonnes conditions de formation», a indiqué Sara Aït Addi, étudiante à Casablanca.
«On espère bien trouver une solution avant la fin de Ramadan», a déclaré, pour sa part, Nouamane Cherkaoui.
Lettre ouverte
Devant le désarroi des étudiants, le bureau central de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a publié une lettre ouverte adressée aux ministres de l’Enseignement supérieur, et de la Santé. Dans son courrier l’ONG réclame l’arrêt de l’escalade contre les étudiants et appelle à ouvrir le dialogue.
L’AMDH condamne par ailleurs toutes les décisions improvisées et de représailles prises à l’encontre des étudiants, redoutant qu’elle n’engendrent que davantage de tensions dans le milieu universitaire. L’AMDH met aussi en garde l’État contre toutes les conséquences désastreuses qui pourraient s’ensuivre.
Cahier des charges pédagogiques
Initiée dans le cadre de la réforme des études médicales, la réduction de la durée de formation en médecine a été officialisée en mars 2023. Le nouveau cahier des charges pédagogiques relatifs aux études en médecine fixe désormais la durée de formation au diplôme de docteur en médecine à six ans. Seuls les étudiants inscrits en 5e, 6e et 7e année, au titre de l’année universitaire 2022-2023, resteront soumis à l’ancien régime.
Le nouveau doctorat de médecine de 6 ans devrait avoir la même valeur morale, scientifique et juridique que celui obtenu en 7 ans. En outre, il présente les mêmes avantages financiers puisque les indemnisations de la nouvelle 6e année seront égales à celles de la dernière année de l’ancien système.
À l’issue de sa formation de six ans, le lauréat aura la possibilité d’être recruté par l’État immédiatement après sa soutenance, et ce, avec la possibilité de passer le concours de résidanat à tout moment et de quitter le poste de généraliste sans condition.
Ahmed Ibn Abdeljalil / Les Inspirations ÉCO