Aérospatiale : une mission américaine privée en route pour la Lune
Le premier appareil américain devant tenter de se poser sur la Lune depuis plus de 50 ans, développé cette fois par une entreprise privée, a décollé lundi avec succès à bord d’une toute nouvelle fusée.
La fusée Vulcan Centaur du groupe industriel ULA, qui regroupe Boeing et Lockheed Martin, a réalisé son premier vol depuis Cap Canaveral, en s’arrachant du sol à 02H18 locales lundi (07H18 GMT). Un lancement «impeccable» pour Eric Monda, le directeur de la planification stratégique d’ULA. «C’était tellement bien, je me suis précipité dehors pour regarder», a-t-il raconté.
Une mission à 108 millions de dollars
L’alunisseur à bord, nommé Peregrine, a lui été développé par la start-up Astrobotic, avec le soutien de la Nasa, qui a chargé cette entreprise de transporter jusqu’à la Lune du matériel scientifique – un contrat à 108 millions de dollars. Après environ 50 minutes de vol, le personnel a poussé des cris de joie à l’annonce de la séparation de la fusée et de l’engin lunaire, qui poursuit désormais seul sa route vers notre satellite naturel. Astrobotic a confirmé avoir réussi à mettre l’alunisseur sous tension et à établir la communication. Si Astrobotic parvient à se poser sur la Lune comme prévu le 23 février, elle pourrait devenir la première entreprise à réussir cet exploit. Ces dernières années, des compagnies israélienne et japonaise ont tenté d’alunir, mais ces missions se sont soldées par des crashs.
«Mener le retour de l’Amérique sur la surface de la Lune, pour la première fois depuis Apollo, est un immense honneur», avait déclaré lors d’une conférence de presse vendredi le patron d’Astrobotic, John Thornton.
Il s’est toutefois dit conscient des risques d’échec. Le lancement inaugure une série de missions soutenues par l’agence spatiale américaine, qui souhaite se reposer en partie sur le secteur privé pour ses ambitions lunaires. Ces missions «soutiennent une économie spatiale privée en pleine croissance, en montrant la force de la technologie et de l’innovation américaines», s’est félicité dans un communiqué Bill Nelson, le patron de la Nasa.
Un nouveau pas pour la science
Une fois en orbite lunaire, la sonde y attendra que les conditions d’éclairage soient réunies pour tenter de se poser. Le lieu d’atterrissage visé est situé sur la face visible de la Lune, près de mystérieux dômes formés par de la lave mais que les scientifiques peinent à expliquer. Grâce aux instruments expédiés, la Nasa doit y étudier la composition de la surface, ainsi que les radiations.
La mission a également provoqué la controverse, car parmi les cargaisons de clients privés transportées se trouvent les cendres ou l’ADN de dizaines de personnes, dont celles du créateur de la célèbre série télévisée de science-fiction Star Trek, Gene Roddenberry. Un partenariat avec l’entreprise Celestis, spécialisée dans les «vols spatiaux commémoratifs». L’envoi de ces cendres sur la Lune a suscité la colère de la tribu amérindienne Navajo, qui a fustigé la «profanation d’un lieu sacré» pour «beaucoup de cultures amérindiennes», sans toutefois obtenir le report du lancement. Vulcan Centaur, en développement depuis environ 10 ans, permettra «de répondre aux besoins toujours croissants» en matière de décollages, a déclaré Tory Bruno, le patron de ULA. La fusée, qui mesure environ 60 mètres de haut, doit permettre au groupe de remplacer ses lanceurs Atlas V et Delta IV, et de concurrencer SpaceX avec des décollages plus abordables. ULA, qui prévoit six lancements de Vulcan Centaur cette année, souhaite à l’avenir récupérer ses moteurs après chaque vol pour augmenter encore la rentabilité de ses activités.
Vers une économie lunaire
Cette mission représente aussi une étape majeure pour la Nasa, qui cherche à encourager le développement d’une économie lunaire. Elle a ainsi passé contrat avec plusieurs entreprises, dont Astrobotic, pour l’envoi de matériel scientifique sur la Lune. Le programme, baptisé CLPS, fournit aux compagnies un financement crucial. Une autre entreprise sélectionnée, Intuitive Machines, doit également décoller pour la Lune mi-février avec une fusée de SpaceX.
Cette nouvelle stratégie doit permettre à la Nasa «de faire le voyage plus souvent, plus rapidement et pour moins cher», a expliqué Joel Kearns, haut responsable au sein de l’agence spatiale.
Ces missions étudiant l’environnement lunaire doivent permettre de préparer le retour d’astronautes sur la Lune, que la Nasa prévoit avec son programme Artémis. À ce jour, seuls les États-Unis, l’Union soviétique, la Chine et l’Inde ont réussi à faire atterrir un appareil sur la Lune. Une mission de l’agence spatiale japonaise (Jaxa) doit également tenter d’alunir dans environ deux semaines. La Russie a pour sa part spectaculairement raté un alunissage cet été.
Sami Nemli Avec Agence / Les Inspirations ÉCO