Maroc

Sécurité alimentaire : l’urgence est à la création d’un groupement interarabe

La sécurité alimentaire ou autosuffisance alimentaire est l’un des aspects de la stabilité, de la bonne gouvernance, de la réussite, voire de la souveraineté d’un pays, d’une région ou d’un continent. Garantir la sécurité alimentaire équivaut notamment à garantir le bien-être collectif et surtout éviter des troubles sociaux et économiques. 

Les participants à la Conférence arabe sur la sécurité alimentaire, tenue à Marrakech, les 2 et 3 octobre, se sont tous accordés sur la concrétisation de l’autosuffisance alimentaire arabe qui reste tributaire de la création d’un groupement efficace et à même de garantir une complémentarité multi-sectorielle. Organisé par la fédération des Chambres de commerce, de l’industrie et des services du Maroc et la Ligue des Chambres arabes, ce forum, dont le thème s’articule autour des industries agro-alimentaires et leur rôle dans la réalisation de la sécurité alimentaire, a permis de décortiquer les enjeux vitaux liés à la sécurité alimentaire dans les pays arabes.

Des réformes nécessaires
Le Maroc reste un pays qui présente une certaine vulnérabilité sur le plan de la sécurité alimentaire. Selon une étude de l’Institut royal des études stratégiques (IRES), le Royaume est «sévèrement exposé aux impacts du changement climatique» et ses capacités d’adaptation (financière, technique, gouvernance …) sont limitées. Force est de constater que le pays est fortement dépendant des ressources naturelles et des services écosystémiques en raison de la prédominance des activités d’agriculture, d’élevage, de pêche, d’exploitation forestière, d’agroalimentaire et de tourisme.

Toujours selon l’étude de l’IRES, il est impératif de «s’ouvrir sur des modes de gouvernance adaptés et efficaces qui s’avèrent de plus en plus utiles pour gérer les risques induits par le changement climatique».

De fait, l’Institut royal suggère «l’intégration des politiques, la cohérence et la compatibilité des cadres d’action ainsi que la gouvernance multiniveau» comme fondements essentiels de toute stratégie susceptible de gérer les défis et les risques éventuels. Il est, dans ces conditions, nécessaire d’adopter des mesures immédiates, à court, moyen et long terme.

A court terme
Il s’agira tout d’abord de «répondre d’urgence aux demandes d’assistance pour faire face à des crises dues à la faim et à la malnutrition, en renforçant les programmes de secours et les filets de sécurité (protection sociale)». Il est ensuite question de fournir un appui budgétaire ou un appui à la balance des paiements, puis de réexaminer le service de la dette et simplifier les procédures d’éligibilité aux mécanismes financiers existants à l’appui de l’agriculture de l’environnement. Il s’agira aussi de faciliter l’accès des petits producteurs aux semences, aux engrais, aux aliments pour animaux, à l’assistance technique et aux autres intrants appropriés. Cela passera par l’amélioration de l’infrastructure commerciale. Last but not least, il faudra s’assurer que les politiques alimentaires, agricoles et commerciales connexes soient de nature à favoriser la sécurité alimentaire pour tous, en menant rapidement à son terme le cycle de négociations commerciales de Doha et en limitant le plus possible les mesures restrictives qui pourraient accroître la volatilité des cours internationaux.

Les mesures à long terme
Sur un horizon plus lointain, il est essentiel de «préserver la biodiversité et renforcer la résilience des systèmes de production vivrière face au changement climatique». Le net accroissement des investissements dans la science et la technologie pour l’alimentation et l’agriculture est aussi fortement préconisé. L’intensification de la coopération orientée vers la recherche, la mise au point, l’application, le transfert et la diffusion de technologies améliorées et d’approches en matière de politiques, le sont aussi. Sans parler de l’instauration des conditions nécessaires à la gouvernance et les politiques propres à faciliter l’investissement dans des technologies agricoles améliorées.

Enfin, il serait judicieux de poursuivre les efforts de libéralisation des échanges internationaux de produits agricoles en réduisant les obstacles au commerce et les politiques qui créent des distorsions sur les marchés. C’est d’ailleurs la préconisation de Mohammed Bajeddi, ingénieur et agro-économiste. Il estime qu’il est primordial d’opérer une «réorganisation profonde des filières agricoles, agroalimentaires et de l’élevage». Il soutient notamment que «l’action doit se recentrer pour accroître la productivité et le développement du commerce grâce à l’alignement sur la conformité avec les standards de qualité, tant sur le marché national qu’à l’exportation».

Monde arabe : promotion des agricultures nationales
La situation de la sécurité alimentaire dans le monde arabe démontre une forte «dépendance à l’égard des importations et qui va progresser de près de 64 % au cours des vingt prochaines années». C’est le constat d’une étude réalisée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Elle repose sur trois stratégies afin d’étayer les politiques de résistance à la vulnérabilité future aux chocs liés aux prix.

A commencer par le renforcement des filets de protection sociale, l’amélioration de l’accès aux services de planning familial et la promotion de l’éducation. Il y a aussi la promotion de l’approvisionnement en denrées alimentaires produites par les agricultures nationales et l’amélioration des conditions de vie en milieu rural en s’attaquant au retard de la croissance de la productivité par des investissements accrus en recherche-développement. Autre axe, l’exposition à la volatilité du marché par l’amélioration de l’efficience de la chaîne d’approvisionnement et par une utilisation plus efficace des instruments financiers de couverture des risques.

Par ailleurs, l’étude onusienne plaide pour un renforcement de la sécurité alimentaire dans les pays arabes via l’éducation. De fait, elle préconise la réduction de la demande de céréales par les gouvernements arabes en formant les familles aux questions de nutrition, tout en facilitant l’accès aux services de planning familial. Elle justifie cette suggestion en mettant en exergue le fait que le blé représente à lui seul près de 35 % des calories consommées quotidiennement dans les pays arabes, ce qui explique la «terrible» dépendance à l’égard des importations de céréales. Par conséquent, des programmes d’éducation portant sur la santé auront pour vocation de sensibiliser et d’encourager les familles à opter de plus en plus pour un régime alimentaire plus équilibré, et surtout moins basé sur les céréales.

Génération Green 2020-2030

Comme son nom l’indique, «Génération Green 2020-2030» place l’élément humain au cœur de ses préoccupations. Il vise, au titre de ce premier fondement, à contribuer à l’émergence d’une classe moyenne agricole, à dynamiser la jeunesse rurale, à développer le capital humain et à structurer davantage les agriculteurs autour d’organisations agricoles performantes. L’essor de l’élément humain est en effet une condition sine qua non de la poursuite de la modernisation du secteur et de la consolidation des acquis.

 

Sami Nemli / Les Inspirations ÉCO



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