Lait. Baisse sensible de la production nationale
Le Maroc se dirige-t-il vers une pénurie de lait? Alors que la production nationale connaît une baisse sensible, en cette période de basse lactation, les producteurs affichent leur pessimisme et parlent d’une filière mal en point.
La production laitière nationale n’est pas dans ses jours meilleurs. La quantité de lait brut produit localement est en chute libre en raison de nombreux facteurs. Rien de surprenant pour la première explication fournie par les producteurs. Elle est d’ordre structurel.
En effet, «nous sommes en pleine période de basse lactation où la production collectée cette année accuse une baisse sensible», nous explique un producteur. Pour Bouazza Kherrati, vétérinaire et président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs (FMDC), la basse lactation reste tributaire des aléas climatiques.
En période de sécheresse, elle est aggravée par le manque de fourrage et l’augmentation des prix des aliments concentrés. Les conséquences sont désastreuses aussi bien pour le petit et moyen éleveur que pour le consommateur (pénurie, augmentation des prix…).
De la haute à la basse lactation, en temps normal, la chute peut atteindre entre les 25 à 30%. Et s’il y a sécheresse, il faut s’attendre parfois à plus de 50%. D’où le recours à l’importation de lait en poudre pour combler le déficit, précise-t-il. Il faut dire que les conditions climatiques actuelles ne jouent pas en faveur des producteurs qui perdent entre 4 et 5 litres de lait par vache.
« Quand il fait chaud, les vaches se rétractent et produisent moins de lait. En général, pour chaque vache on perd entre 4 et 5 litres par jour », estime, pour sa part, Nacer Haddaioui, président de l’Association régionale des éleveurs de bovins de la région Casablanca-Settat, avant de dresser un tableau peu reluisant de la filière lait. Non seulement les vaches ne produisent plus de lait comme avant, mais l’aliment de bétail coûte encore très cher, selon lui.
Une production trop dépendante des importations
Aujourd’hui, soutient notre interlocuteur, le Maroc n’est pas un pays idéal pour produire du lait. « Nous importons quasiment tout pour produire du lait, que ce soit les vaches laitières ou les aliments de bétail alors que nous sommes confrontés à une crise de l’eau à l’échelle nationale », selon Nacer Haddaioui pour qui la ration journalière d’une bête qui produit 35 litres est passée de 90 DH avant la pandémie à près de 120 DH.
Pour ce qui est de l’importation des génisses, « elles coûtent également très cher ». Pour une génisse gestante, il faut débourser aujourd’hui 32.000 DH contre 26.000 DH auparavant. Résultat, « l’importation d’animaux a été suspendue à partir de certains pays comme l’Allemagne », poursuit Nacer Haddaioui.
Curieusement, regrette-t-il, des génisses sont quotidiennement abattues au Maroc. Or, en octobre dernier, le ministère de l’Agriculture avait annoncé l’interdiction de l’abattage des génisses productrices âgées de moins de 5 ans pour stopper l’hémorragie dans la filière laitière. Une situation qui risque de peser lourd sur la production laitière nationale.
S’agissant de la marge des producteurs, là encore, c’est la croix et la bannière pour les éleveurs semble-t-il. Le prix de revient d’un litre de lait est estimé à 5,50 DH. Pour se faire une petite marge, l’éleveur doit céder sa production à au moins 6 DH le litre. Or, aujourd’hui, pour vendre à ce prix, les producteurs sont obligés de se rabattre sur les fromageries.
Si les producteurs tiennent à préciser qu’on en n’est pas encore à une crise de lait au Maroc, tout semble indiquer que l’unique solution pour parer à une éventuelle pénurie c’est sans doute le recours à l’importation. On est encore très loin des 3,5 milliards de litres de lait attendus en 2026.
«Quand il fait chaud, les vaches se rétractent et produisent moins de lait. En général, pour chaque vache on perd entre 4 et 5 litres par jour»
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO