Lutte contre le travail des enfants : quelles avancées dans le Royaume ?
Privés d’éducation et de santé, les enfants qui sont contraints de travailler sont exposés à des risques physiques, émotionnels et psychologiques. Les chiffres livrés par le Haut-commissariat au plan (HCP) inquiètent.
En dépit des efforts déployés pour lutter contre le travail des enfants, la situation ne s’améliore guère et il reste encore beaucoup à faire. Plusieurs facteurs entrent en jeu. Entre la pauvreté, l’accès limité à l’éducation, et les lacunes dans l’application des lois et des politiques, la complexité du problème rend sa résolution difficile.
127.000 enfants impliqués dans une activité économique
Les chiffres de la situation au Maroc, en 2022, suscitent de sérieuses inquiétudes. Sur une population de 7.690.000 enfants âgés de 7 à 17 ans, environ 127.000 étaient impliqués dans une activité économique, ce qui représente environ 1,6% de cette tranche d’âge, dévoile le HCP. La situation est particulièrement préoccupante en milieu rural, où la proportion atteint 3,3% avec 104.000 enfants concernés. En revanche, en milieu urbain, la proportion n’est que de 0,5%, avec 23.000 enfants. Le travail des enfants affecte principalement les garçons et il est souvent lié à la déscolarisation. Les données statistiques révèlent que 81,5% des enfants engagés dans le travail sont de sexe masculin, tandis que 91% d’entre eux se situent dans la tranche d’âge de 15 à 17 ans. De plus, on observe que 82% vivent en milieu rural.
En ce qui concerne l’accès à l’éducation, seulement 12,2% des enfants au travail sont encore scolarisés, 85,3% ont abandonné l’école et 2,5% n’ont jamais eu l’opportunité de la fréquenter. Cela dit, et bien que l’évolution soit minime, le nombre des enfants au travail diminue progressivement. En effet, cette proportion a baissé de 14% par rapport à 2021, et de 48,6% par rapport à 2017. Les enfants au travail sont souvent concentrés dans le secteur de l’agriculture. Celui-ci représente en effet une grande part des activités économiques, en particulier dans les zones rurales.
Dans les faits, ils sont 76,5% à travailler dans l’agriculture, forêt et pêche. En zones urbaines, les services, avec 56,3%, et l’industrie, avec 24,7%, sont les principaux secteurs employeurs d’enfants. Près de trois quarts des enfants au travail dans le monde rural sont des aides familiaux (71,6%). En milieu urbain, 49,2% des enfants au travail sont des salariés, 30,6% des apprentis et 16% des aides familiaux.
Livrés au danger
Parmi les raisons qui poussent de nombreux enfants, en particulier ceux vivant en milieu rural, à se livrer à des travaux dangereux, on peut citer en premier lieu la précarité. Dans ces régions défavorisées, les conditions socio-économiques précaires, la pauvreté et le manque d’opportunités peuvent contraindre les familles à envoyer leurs enfants travailler pour contribuer aux revenus familiaux.
Les chiffres livrés par le HCP dévoilent que six enfants au travail sur 10 (60,5%) accomplissent des travaux dangereux (77.000). Parmi ceux exerçant des formes de travail dangereux, 75,2% sont des ruraux, 89,6% de sexe masculin et 86,3% âgés de 15 à 17 ans. Les enfants exerçant dans le secteur de l’industrie (88,6%) restent les plus exposés aux dangers. Cette proportion est de 87% dans le secteur des BTP, de 77,4% dans les services, et de 48,4% dans l’agriculture,
Le cadre familial peut jouer un rôle déterminant
Les données mettent en évidence l’importance des facteurs socio-économiques et professionnels dans la prévalence du travail des enfants au sein des ménages. Ce phénomène touche 89.000 d’entre eux, soit environ 1% des ménages marocains avec une concentration dans les zones rurales (69.000 contre 21.000 dans les zones urbaines).
De plus, près de 8,3% de ces ménages sont dirigés par des femmes. Les ménages de grande taille sont les plus touchés par le travail des enfants. La proportion de ceux ayant au moins un enfant au travail est de 0,4% pour les ménages de trois personnes, et elle augmente progressivement avec la taille pour atteindre 3,2% parmi les ménages de six personnes ou plus.
En termes de secteurs d’activité, 48,4% des enfants au travail proviennent de ménages dirigés par des exploitants agricoles, 17,1% de ménages dirigés par des manœuvres, 20,7% de ménages dirigés par des cadres moyens, des employés, des commerçants, des conducteurs d’installations ou des artisans, et 13,4% proviennent de ménages dirigés par des inactifs. Sans surprise, le phénomène du travail des enfants est quasiment inexistant au sein des ménages dirigés par des cadres supérieurs.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO