COP27 : l’Afrique a réussi à imposer les pertes et dommages
Le lundi, deuxième jour de la COP27, qui se déroule actuellement à Charm el-Cheikh en Egypte, l’Afrique est parvenue à imposer la question des pertes et dommages dans l’agenda de la Conférence. Selon les dirigeants du continent et ceux du Groupe des 77 en général, en plus de l’adaptation et de l’atténuation, les pertes et dommages doivent être érigés comme troisième pilier de la lutte contre le changement climatique, ce qui installera plus d’équité.
Une vieille revendication qui remonte à 1992
En effet, la question des pertes et dommages remonte aux origines de l’élaboration de la Convention-Cadre de l’ONU sur les changements climatiques (le texte créateur des COP, né à Rio en 1992, auquel adhèrent les 198 États-parties), soit 30 ans en arrière. Reste à se mettre d’accord sur une définition du mécanisme de dédommagement, sa date de mise en œuvre et à faire accepter aux pays riches de le financer sous forme de don et non de prêt.
Qu’entend-t-on par pertes et dommages ? Que recouvre au juste cette très vieille revendication des pays en voie de développement? Les pertes et dommages (ou pertes et préjudices) désignent une réalité tragique pour ceux qui les vivent : ce sont les dégâts causés par le changement climatique et ceux qui surviendront inéluctablement (même en cas de maintien du réchauffement à 1,5°C, objectif phare de l’Accord de Paris), et que les populations d’un pays, d’un village ne sont pas en mesure d’affronter ni de surmonter après coup. Les pertes et dommages sont donc étroitement liées aux réparations (humaines, morales, matérielles, financières…) qui en découlent.
Si les effets du changement climatique affectent l’ensemble de la planète et n’épargnent pas les pays riches (inondations en Allemagne, feux en Europe et aux États-Unis…), les pays pauvres ou en voie de développement sont d’autant plus affectés qu’ils sont plus exposés au changement climatique, moins bien préparés et dépourvus des capacités financières pour se relever seuls.
Ils sont de surcroît beaucoup moins contributeurs, historiquement et actuellement, du réchauffement qui les menace : 80% des émissions proviennent des vingt pays les plus développés, alors que l’Afrique, par exemple, qui représente 17% de la population mondiale, n’émet que 3% des émissions mondiales de gaz à effets de serre.
Pas de moyens pour faire face aux catastrophes naturelles
Les pays vulnérables demandent donc que les pertes et dommages soient considérés comme le troisième pilier de la lutte mondiale contre le réchauffement climatique, après l’atténuation (la réduction des gaz à effets de serre) et l’adaptation (la prévention de la menace).
«Quand on parle de pertes et dommages, cela veut dire qu’on ne peut plus s’adapter. Il est fondamental de considérer la question des pertes et dommages comme un troisième élément, en plus de l’adaptation et de l’atténuation, pour terminer le puzzle nécessaire à la lutte contre le changement climatique», souligne la négociatrice sénégalaise Aïssatou Diouf.
Ces pertes et dommages sont d’abord économiques et la conséquence de phénomènes extrêmes et soudains. Ce sont les cas, dernièrement, du super-typhon Noru aux Philippines et des inondations dévastatrices au Pakistan où 1700 personnes sont mortes et 33 millions affectées. L’État pakistanais a réévalué à 40 milliards de dollars le coût des destructions : 13.000 km de routes, plus de 400 ponts et 2 millions de maisons ont été endommagés. Malgré ses 220 millions d’habitants, ce pays est responsable de moins de 1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
«Il est donc raisonnable d’attendre au moins un semblant de justice pour ces pertes et ces dommages», a plaidé dernièrement à la tribune de l’ONU le premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif.
Un pilier en plus dans la lutte contre le changement climatique
Les pertes et dommages sont également la traduction, plus lente et insidieuse, du changement climatique : la montée du niveau de la mer, la salinisation et la perte des terres arables, la destruction progressive des écosystèmes (mangroves, lacs…), des sécheresses à répétition, les effets à long terme sur la santé, le bouleversement d’activités économiques locales qui engendrent le déracinement de populations, etc.
Ces dégâts matériels s’accompagnent souvent de pertes et dommages non économiques : exil forcé, détresse psychologique, disparition du patrimoine culturel et immatériel comme les traditions, les savoir-faire, voire les langues après la séparation de populations.
Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO