Défaillances d’entreprises : l’impact sera amplifié en 2023 selon le HCP
L’impact sur l’emploi, l’investissement et les impôts sera perceptible avec plus d’acuité à partir de 2023 en raison de l’accentuation des défaillances d’entreprises selon les conclusions de la publication «Les Brefs du Plan» du Haut-commissariat au plan (HCP). Les entreprises sont actuellement confrontées à des contraintes d’approvisionnement et d’insuffisance de la demande.
«Plusieurs facteurs économiques et financiers conduisent à anticiper une faible croissance de l’investissement des entreprises en 2023». C’est la conclusion faite par le numéro 20 de la publication «Les Brefs du Plan» du HCP qui a traité les perspectives pour 2022-2023 de l’investissement des entreprises au Maroc.
Selon les conclusions de ladite publication qui s’inscrit dans la contribution aux travaux préparatoires du Budget économique prévisionnel 2023, cette faible croissance renforcera d’emblée le déficit de l’accumulation de capital physique enregistré pendant la période 2016-2020 et pèsera de facto sur la dynamique de la croissance économique sur le moyen terme. «Si la crise inflationniste s’accentue et fait perdurer la récession, les défaillances des entreprises seront encore plus fortes. L’impact sur l’emploi, l’investissement et les impôts sera perceptible avec plus d’acuité à partir de 2023», note la publication. Il va sans dire que selon les enquêtes de conjoncture réalisées par le HCP, les entreprises sont confrontées depuis le deuxième semestre 2021 à des difficultés d’approvisionnement.
Dans l’industrie manufacturière, 65% des entreprises ont déclaré à la mi-2022 que les problèmes d’approvisionnement constituent un frein à l’augmentation de leur production, au lieu de 15 % à fin 2019. Quant aux industries métalliques, mécaniques, électriques, électroniques et les industries des matériaux de construction, elles sont les plus affectées. La structure des facteurs limitatifs au développement de l’activité montre également une montée progressive de l’obstacle de l’insuffisance de la «demande», notamment dans les industries manufacturières, où la proportion des entreprises confrontées à ce frein est passée de 27% en 2019 à 45,7% à la mi-2022.
Les effets du choc inflationniste
Dans ce sens, les perspectives d’un basculement vers une nouvelle récession mondiale en 2023 pèseraient sur les débouchés extérieurs et amortiraient la reprise de l’activité selon la publication. Les entreprises seraient donc plus prudentes en matière d’investissement, de façon à redresser leur situation financière interne afin d’être moins dépendantes des financements bancaires au moment où elles sont appelées à rembourser leurs dettes contractées dans le cadre des programmes de prêts garantis et de relance mis en place en période post-Covid. A cela s’ajoutent les effets du resserrement de la politique monétaire de nature à pousser les banques à durcir leurs conditions d’octroi des crédits.
Parallèlement, les entreprises seraient de nouveau confrontées au frein de financement pour le développement de leurs activités, sur fond d’un retournement à la hausse des taux d’intérêt en plus d’un choc inflationniste plus durable. Partant de ce constat, les entreprises subissent également les effets d’un choc inflationniste sur leurs coûts de production dans le sillage de l’augmentation des prix des matières premières importées amorcée à la mi-2021.
Sur l’ensemble de l’année 2021, leurs inputs intermédiaires se sont renchéris de 6,7%, en variation annuelle, au lieu d’une baisse de 0,6%, en moyenne, par an au cours de la période 2014-2020. Cette ascension avait marqué l’ensemble des branches d’activité. Toutefois, les entreprises étaient moins nombreuses à répercuter totalement ce choc inflationniste sur les prix de vente en 2021, sauf dans l’industrie chimique et les activités commerciales.
Une faible croissance de l’investissement des entreprises
En décomposant par catégorie, le choc des prix pénalise davantage les structures vulnérables dans les industries manufacturières, notamment les très petites entreprises, confrontées à une hausse des prix de leurs intrants de près de 7 %, au lieu de 3,2 % seulement pour les grandes entreprises. L’impact du renchérissement des inputs sur la rentabilité des entreprises sera différencié en 2022 et dépendra de leur capacité à imposer une hausse de leurs prix de vente par branche d’activité, dans un contexte de faible dynamique de la demande intérieure. Si les entreprises répercutent 25% de leurs charges financières, liées à la hausse des prix de leurs inputs, les branches des industries du textile et de la fabrication du bois seraient les seules qui verraient le taux de leurs marges s’améliorer de 1 à 2 points en 2022.
Les autres branches seraient marquées par une baisse de leurs marges par rapport à 2021. En contrepartie, une transmission totale du choc inflationniste sur les inputs aux prix de vente permettrait d’améliorer la rentabilité des branches industrielles et limiterait la baisse des marges pour les services. L’application des augmentations salariales dans le cadre du dialogue social prévu en cours de 2022 renforcerait encore la réduction des marges comparativement à 2021. Par ailleurs, plusieurs facteurs économiques et financiers conduisent ainsi à anticiper une faible croissance de l’investissement des entreprises en 2023. Cette situation pèsera sur la dynamique de la croissance économique sur le moyen terme.
Fortes tensions durant ces trois dernières années
Pour rappel, les entreprises ont subi de fortes tensions au cours des trois dernières années, avec une réduction brutale de leur chiffre d’affaires en 2020, une cessation d’activité pour 2,2 % d’entre elles et une conversion en statut inférieur pour plus de 20.000 entreprises. Les dispositifs publics mis en place pour préserver l’emploi et le tissu productif ont permis d’absorber une partie du choc de la crise Covid-19 sur les entreprises, mais leurs investissements ont chuté de 18,5%. Les reports de paiement d’impôts et de cotisations sociales et les prêts garantis par l’État leur ont permis d’avoir accès à la trésorerie pour se financer à court terme et faire face aux pertes enregistrées.
Pour l’année 2021, elle a été porteuse de la reprise économique, avec un redressement de l’activité dans des branches industrielles et un rétablissement partiel des services. La situation financière des entreprises s’est améliorée, et en conséquence les impôts collectés, basés sur l’exercice 2021, ont bondi. L’investissement des entreprises non financières s’est également redressé en 2021, bien qu’étant inférieur de 11% à celui réalisé en 2019 pour les produits industriels. La question centrale serait de savoir si la reprise de la FBCF est durable ou si de nouveaux facteurs empêchent une poursuite du redressement de l’investissement, notamment celui des entreprises.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO