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E-sport. Tayeb Jebbouj : “Il est temps que ça décolle!”

Tayeb Jebbouj
Créateur et animateur d’une émission radio sur le «Gaming».

L’avènement des nouvelles technologies a permis l’apparition de nouvelles disciplines dans le sport. Aujourd’hui, l’industrie de l’e-sport se chiffre en millions de dollars, ce qui devrait bien pousser le royaume à s’orienter vers ce domaine. Tayeb Jebbouj, créateur et animateur d’une émission radio sur le «Gaming», partage sa vision de l’e-sport au Maroc. 

Quelle lecture faites-vous de la scène de l’e-sport au Maroc ?

Nous sommes encore à nos débuts en la matière. La scène de l’e-sport au Maroc n’existait pas auparavant. Les initiatives à l’époque se faisaient à un niveau « underground », loin des circuits traditionnels. L’e-sport n’a jamais eu sa réelle valeur au Maroc. Il a été dévalorisé pendant longtemps par une bonne partie de la population. C’est un terrain sur lequel toutes les marques devraient commencer à investir. On se doit de l’exploiter dans le sens où il fait partie des disciplines sportives de l’avenir. Si on parle de technologie et d’avancées techniques, l’on se doit bien de porter notre attention sur l’e-sport. Il faut couper à un moment avec la perception traditionnelle de la chose. Ce n’est pas simplement une manette ou un jeu banal. Certains jeux aujourd’hui demandent d’établir une stratégie, avoir de bons réflexes, disposer d’une tactique, etc.

Il y a des professionnels qui s’entraînent cinq, six ou plusieurs heures par jour sur consoles ou PC pour maîtriser différents aspects de leurs disciplines. Ce qui est bien aujourd’hui, c’est que le ministre de la Jeunesse, Mohamed Mehdi Bensaid, a ouvert la porte à ce domaine pour évoluer. Étant lui-même un jeune, il sait de quoi il s’agit. Il avait décidé d’en parler dès sa première apparition au Parlement et a joué un rôle clé dans la création de la Fédération Royale Marocaine des Jeux Électroniques (FRMJE). Je peux dire que le Maroc commence vraiment à s’intéresser à l’e-sport maintenant, à en juger par les compétitions nationales qui sont organisées, sans parler de l’encouragement de nos jeunes talents à prendre part à des championnats dans le monde.

Comment pourrait-on encourager la pratique ?
On ne peut ni le nier ni le cacher. Il est surtout question de moyens financiers. Une bonne partie des personnes qui s’adonnent à l’e-sport ont le talent, mais pas les moyens pour développer leurs compétences en la matière. Aujourd’hui, je pense qu’il est temps pour que les banques, les marques qui proposent des consoles de jeux, PC, smartphones et même les opérateurs téléphoniques proposent des solutions en ce sens. On a besoin de sponsoring et d’accompagnement dans ce domaine. Il y a aussi besoin de créer des centres de formation pour les e-sportifs. Créer des compétitions intéressantes au niveau national serait un plus. L’État devrait accorder plus d’importance à la discipline, de façon à ce que la FRMJE dispose d’un budget annuel propre, ou qu’elle ait la possibilité de piocher dans le budget de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF), voire les autres fédérations de sport au Maroc.

Peut-on espérer que le Maroc s’aligne sur ce qui se passe au niveau international dans le futur ?
Le Maroc dispose du plein potentiel en ce sens. Nous sommes un pays avec une grande communauté de gamers. Nous avons une histoire riche en la matière, surtout que nous suivons depuis toujours l’actualité technologique et des jeux vidéo dans le monde. Il n’est donc que chose normale que le royaume s’intéresse à l’émergence et au développement de l’e-sport. Nous avons les moyens techniques, humains et financiers pour organiser des événements d’e-sport qui n’ont rien à envier à ce qui se fait au niveau mondial aujourd’hui.

On a de très bons joueurs qui ne demandent qu’à être accompagnés, des organisateurs d’événements sportifs de renom, à l’image de la dernière CAN féminine, mais aussi des festivals qui attirent le monde entier. Si on arrive à tenir des manifestations similaires, on ne peut plus nier que nous disposons de la capacité à nous imposer dans l’e-sport sur le continent, voire dans le monde.

Qu’est-ce qui nous manque aujourd’hui pour que le Gaming ait vraiment sa place au Maroc ?
Le royaume compte une grande communauté de gamers, mais reste pourtant à la traîne. Le Gaming a été pendant longtemps marginalisé, surtout à cause de la perception de la chose par les générations précédentes. Nos parents ont toujours eu l’idée que jouer à des jeux vidéo est une perte de temps, sans réel apport à notre développement intellectuel. Les parents des générations 50, 60 et 70 au Maroc se partagent tous l’idée que les jeux vidéo ne servent à rien. Ils n’ont pas cette culture des jeux vidéo et ne cherchent même pas à l’avoir. Nous n’avons pas eu les grandes salles d’arcades comme aux États-Unis, au Japon et même en Europe dans les années 80. Cette absence a fait que cette génération n’a jamais eu contact avec le Gaming et ne cherche pas s’y intéresser.

Maintenant, il serait intéressant d’organiser des événements à l’image du Salon du jeu vidéo E3, voire l’accueillir. Le Maroc est une terre d’accueil pour toutes les conférences et événements d’envergure mondiale. Si l’on arrive à attirer ce salon, ce serait une très bonne chose pour notre image, et cela pourrait même ouvrir la porte à d’autres domaines, notamment le tourisme et le commerce. Par ailleurs, nous devons faire en sorte d’impliquer plus nos gamers et e-sportifs dans les tournois et événements d’e-sport. Il faut leur faire confiance et croire en leur potentiel. La communauté de gamers et d’e-sportifs au Maroc compte des journalistes, des animateurs, des managers, et d’autres profils intéressants, loin de l’idée que cela est réservé à des personnes qui n’ont rien de mieux à faire de leur temps.

Avec des tournois comme la Fortnite World Cup, qui propose au vainqueur 1 million de dollars, la FIFAe World Cup 1,2 million de dollars, la League Of Legends (LOL) avec 2,25 millions de dollars, ce sont là des sommes importantes que l’on se fait. Cela devrait intéresser les sponsors nationaux à se pencher sur la chose et à investir dans le développement de la discipline au niveau national.

Le Maroc a récemment participé, pour la première fois, à la FIFAe Nations Series 2022. L’équipe nationale d’e-sport a toutefois été éliminée dès les premiers tours. Comment expliquez-vous cette sortie prématurée ?
C’est une élimination qu’on ne devrait même pas chercher à expliquer. L’équipe nationale d’e-sport a réussi à prendre part à cet événement qui réunit l’élite de la discipline à travers le monde, et c’est déjà un exploit en soi. Ils sont partis de rien et ont tout de même réussi à se comparer à des équipes plus imposantes en la matière. On devrait être fier du travail qu’ils ont fait, ainsi que du support de l’entraîneur de l’équipe nationale d’e-sport, Saad Bassy.

Abdellah Ouardirhi / Les Inspirations ÉCO



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