Taux directeur : BAM cède face à l’inflation
Le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) a annoncé le relèvement du taux directeur de 0,5% pour se situer à 2%. Les projections de la Banque centrale tablent désormais sur une accélération de l’inflation à 6,3% sur l’ensemble de l’année, contre 1,4% en 2021, avant de revenir à 2,4% en 2023.
Bank Al-Maghrib aura finalement cédé aux pressions induites par l’inflation importée. Le conseil de la banque centrale, qui s’est réuni mardi 27 septembre, a décidé de revoir à la hausse le taux directeur de 50 points de base (0,5%) pour le porter à 2%. BAM dit vouloir «prévenir tout désancrage des anticipations d’inflation et assurer les conditions d’un retour rapide à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix». En se référant aux données relatives aux huit premiers mois de l’année, la Banque centrale a indiqué que l’inflation a poursuivi son accélération pour atteindre 8% en août après 7,7% en juillet, soit 6,3% en moyenne au deuxième trimestre et 4% au premier.
«Cette inflation est tirée essentiellement par le renchérissement des produits alimentaires et des carburants et lubrifiants», note Bank Al-Maghrib.
En matière de projections, la croissance économique marquerait un net ralentissement cette année à 0,8%, résultat d’un recul de 14,7% de la valeur ajoutée agricole et d’une décélération à 3,4% du rythme des activités non agricoles. En 2023, elle s’accélérerait à 3,6% en lien avec la hausse prévue de 11,9% de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’un retour à une production céréalière moyenne de 75 millions de quintaux. Les activités non agricoles continueraient en revanche à ralentir, leur rythme devant revenir à 2,5%.
Une accélération de l’inflation à 6,3% en 2022
Bank Al-Maghrib table désormais sur un niveau d’inflation nettement plus élevé en 2022, suivi d’un ralentissement moins marqué en 2023. Portée par la hausse précitée des prix des produits alimentaires qui y sont inclus, la composante sous-jacente de l’inflation passerait de 1,7% à 6,3% en 2022 puis décélérerait à 2,5% en 2023.
Le Conseil a noté lors de sa réunion que l’économie marocaine continue aussi de pâtir de l’environnement externe défavorable et des répercussions d’une sécheresse particulièrement sévère, avec une nette décélération de la croissance et une forte accélération de l’inflation.
Concernant les produits alimentaires, leurs prix resteraient orientés par l’évolution de l’offre mondiale et des coûts des intrants, notamment énergétiques. Ils termineraient l’année sur une hausse moyenne de 15,4%, avant de reculer de 8,1% en 2023. S’agissant du phosphate et ses dérivés, leurs cours demeureraient soutenus par la flambée des coûts des intrants et les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Ils enregistreraient en 2022 des progressions de 42% pour le phosphate brut à 175 dollars la tonne et de 49,8% pour le DAP à 900 dollars la tonne, avant d’accuser des replis respectifs de 8,6% et 11,1% en 2023.
Une hausse des exportations de 34%
Sur le plan des comptes extérieurs, la forte dynamique des échanges devrait se poursuivre cette année avec une hausse des exportations de 34%, tirée essentiellement par les ventes du phosphate et dérivés qui atteindraient 144,5 MMDH et celles du secteur automobile qui se situeraient à près de 100 MMDH. En 2023, un recul des exportations de 1,1% serait enregistré, avec la baisse relative des cours du phosphate et dérivés. En parallèle, les importations ressortiraient en progression de 34,5% en 2022, sous l’effet de l’alourdissement de la facture énergétique à 135 MMDH et de l’accroissement des achats des demi-produits à 167 MMDH.
En 2023, elles diminueraient de 4,6%, en lien principalement avec les replis prévus des cours des produits pétroliers et des approvisionnements en blé. Bénéficiant, pour leur part, de la réouverture des frontières et de la régression notable de la pandémie au niveau mondial, les recettes voyages connaîtraient une nette amélioration à 79,8 MMDH cette année et se stabiliseraient à ce niveau en 2023. Tenant compte des performances enregistrées depuis le début de l’année, les transferts des MRE devraient continuer de progresser pour totaliser près de 100 MMDH sur l’ensemble de l’année avant de revenir à 92,4 MMDH en 2023.
Dans ces conditions, le déficit du compte courant se situerait à l’équivalent de 3,2% du PIB en 2022 avant de s’alléger à 1,9% en 2023. Concernant les IDE, les recettes avoisineraient l’équivalent de 3,2% du PIB annuellement sur les deux prochaines années. Au total, et sous l’hypothèse notamment de la concrétisation des financements extérieurs prévisionnels du Trésor, les avoirs officiels de réserves s’établiraient à 343 MMDH à fin 2022 et à 360,7 MMDH à fin 2023, assurant ainsi une couverture autour de 6 mois d’importations de biens et services.
Pas de désalignement du dirham en vue
Pour ce qui est des conditions monétaires, la forte appréciation du dollar vis-à-vis de l’euro, induite notamment par la divergence des rythmes de resserrement des politiques monétaires de la FED et de la BCE, se reflète sur le taux de change effectif nominal du dirham.
Après une hausse de 2,1% en 2021, ce dernier devrait enregistrer une légère baisse sur l’ensemble de l’année avant de s’apprécier de 1,7% en 2023. Tenant compte des niveaux d’inflation domestique inférieurs à ceux des pays partenaires et concurrents, ce taux ressortirait en dépréciation en termes réels de 1,8% en 2022 avant de s’apprécier de 0,4% en 2023.
Sur le même registre, les évaluations trimestrielles réalisées par Bank Al-Maghrib continuent de montrer une absence de signes de désalignement du dirham par rapport aux fondamentaux de l’économie nationale. Quant aux taux débiteurs, ils ont connu une quasi-stabilité au deuxième trimestre de 2022 recouvrant notamment un recul de 18 points de base pour les crédits à la consommation ainsi que des hausses de 29 pb pour ceux à l’équipement et de 30 pb pour les prêts immobiliers destinés aux entreprises.
S’agissant du besoin de liquidité des banques, il se creuserait à 85,1 MMDH à fin 2022 et à 89,6 MMDH à fin 2023. Concernant le crédit bancaire au secteur non financier, il devrait augmenter de 4% en 2022 et de 3,6% en 2023.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO