Publicité en ligne : Google et YouTube ébranlés par la pandémie
La publicité sur les deux plateformes a subi un coup de frein pendant la crise sanitaire. S’il y a quelques signes de reprise, la concurrence de Tik Tok pourrait mettre à mal la stratégie des deux groupes.
Alphabet, la maison mère de Google, a réalisé un profit de 16,4 milliards de dollars au premier trimestre, soit 8% de moins qu’il y a un an, un signe de retour à la normale après le boom de la pandémie. À 68 milliards de dollars, son chiffre d’affaires a lui bondi de 23% sur un an, mais il est aussi légèrement inférieur aux attentes des analystes.
Le groupe californien souffre de la comparaison avec l’année 2021, quand les annonceurs investissaient à fond dans la publicité en ligne pour être vus des consommateurs rivés à leurs écrans, faute de pouvoir sortir autant qu’avant. Malgré la reprise des activités en personne, «le temps passé sur YouTube a continué à augmenter», a assuré Sundar Pichai, le dirigeant d’Alphabet, lors de la conférence téléphonique aux analystes.
Mais la plateforme a déçu avec une faible progression sur un an. Les publicités sur la plateforme de vidéos n’ont généré «que» 6,9 milliards de dollars au premier trimestre, pas beaucoup plus que les 6 milliards de l’année dernière.
Forte concurrence
Entre l’inflation et les difficultés sur la chaîne d’approvisionnement mondiale, les annonceurs doivent «gérer les budgets de façon prudente», note Paul Verna, analyste chez eMarketer. Et la plateforme ultra populaire TikTok «constitue désormais une menace de taille», sur le marché essentiel de la consommation de vidéos sur mobile, ajoute-t-il.
Ces deux facteurs «ne sont pas de bon augure pour la publicité en ligne en général et pour YouTube en particulier», a-t-il souligné. YouTube a pris position sur le territoire de Tik Tok en mars 2021 en lançant les YouTube Shorts, un format très court (moins de 60 secondes). Ces vidéos suscitent désormais «plus de 30 milliards de vues quotidiennes, quatre fois plus qu’il y a un an», s’est félicité Sundar Pichai.
Il a indiqué que ses ingénieurs allaient, «comme d’habitude, se concentrer d’abord sur la création d’une super expérience pour les utilisateurs avant de travailler sur la monétisation». Les grandes entreprises technologiques «n’ont certes pas fait la fête, mais la crise sanitaire a énormément dopé leurs affaires», est-il expliqué.
«Ce genre de croissance ne pouvait pas durer. Si on prend cet aspect en considération, les résultats ne sont pas du tout désastreux, Google reste un leader de la recherche et très solide en vidéo». La comparaison serait encore plus dure pour le trimestre en cours, une période aussi affectée par la fermeture de ses activités commerciales en Russie, liée à la guerre en Ukraine.
L’action du groupe californien perdait environ 5% lors des échanges électroniques après la fermeture de la Bourse de New York.
Collecte des données la nouvelle bataille
Alphabet a en outre recruté à tour de bras – la société compte désormais près de 164.000 employés dans le monde, contre 140.000 il y a un an – et investi en recherche et développement. Début mars, la société a annoncé son intention d’acheter la société spécialisée dans la cybersécurité Mandiant pour environ 5,4 milliards de dollars, pour renforcer son offre de cloud (informatique à distance).
Google Cloud a vu ses revenus bondir de 44% à 5,8 milliards de dollars au premier trimestre. Google a, par ailleurs, annoncé mardi l’ajout d’informations aux applications disponibles sur sa plateforme de téléchargement, Play Store, pour que les utilisateurs se rendent mieux compte des données qui sont collectées sur eux. Le système d’exploitation Android, qui appartient à Google, sert d’interface sur l’écrasante majorité des téléphones portables dans le monde.
«Les utilisateurs veulent savoir à quoi servent les données récoltées et si l’éditeur de l’appli les partage avec des tiers», a indiqué Suzanne Frey, une vice-présidente du groupe chargée de la confidentialité sur Android, dans un communiqué. Condamné en janvier à une lourde amende par le régulateur français des données personnelles, Google permet depuis la semaine dernière à ses utilisateurs européens de refuser en un clic le dépôt de «cookies».
Ces fichiers informatiques suivent à la trace leur navigation en ligne, pour permettre à des tiers de les cibler ensuite avec des annonces personnalisées. Google s’était engagé en janvier à modifier ses pratiques, après avoir été condamné par la CNIL, le gendarme français des données personnelles, à payer une amende de 150 millions d’euros et à apporter des modifications dans un délai de 3 mois.
Facebook avait également été condamné à une amende de 60 millions d’euros et affiche désormais un bouton pour autoriser «uniquement les cookies essentiels».
Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO