Monde

Macron va-t-il pouvoir réparer la France ?

Réélu avec plus de 58,5% des voix, Emmanuel Macron fait face à une société française politiquement et socialement divisée, inquiète pour son avenir. Le président a promis qu’il ne laisserait personne au bord du chemin.

Acte II. Emmanuel Macron rempile pour un second mandat. Reconduit à la présidence de la France avec 58,54% des voix, il doit affronter, dès lundi, un pays fracturé politiquement et socialement, une extrême droite très virulente et se préparer à une bataille qui s’annonce féroce pour les législatives de juin.

Le score de sa rivale Marine Le Pen (41,4%), qui gagne environ huit points, est historique, l’extrême droite ayant franchi, pour la première fois, la barre des 40%. Le niveau d’abstention, qui a atteint 28 % des inscrits, en ce dimanche 24 avril, constitue également un record depuis la présidentielle de 1969 (31%), auquel il faut ajouter les bulletins blancs ou nuls (6,5% ).

«Il y a cinq ans, il y avait 10 millions de voix d’écart entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il n’y en a plus que 5,5 millions», a résumé Mathieu Gallard, directeur d’études à l’institut de sondages Ipsos, sur la radio France Info. Et «plus d’un tiers du corps électoral a décidé de ne pas faire de choix». Ces résultats étaient quelque peu prévisibles, la campagne électorale ayant été marquée par la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine. Et les Français ont choisi de reconduire un président centriste libéral et pro-européen, face à une candidate radicale extrêmement critique vis à vis de l’Union européenne.

Emmanuel Macron, 44 ans, est donc le premier président français à être réélu pour un second mandat en 20 ans, depuis Jacques Chirac en 2002, face à Jean-Marie Le Pen, père de la candidate d’extrême droite. Sa réélection intervient après un quinquennat jalonné de crises, des manifestations anti-système du mouvement populaire des «gilets jaunes», à la pandémie du coronavirus.

Un pays divisé
Lors de son premier discours de victoire prononcé dimanche soir devant la Tour Eiffel, Emmanuel Macron a promis une «méthode refondée» pour gouverner la France, assurant que «nul se sera laissé au bord du chemin». Il a pris soin de s’adresser à ceux qui l’ont choisi par défaut, «pour faire barrage à l’extrême droite», en soulignant avoir «conscience que ce vote l’oblige pour les années à venir».

S’adressant aux électeurs d’extrême droite, il s’est engagé à trouver «une réponse à leur colère et désaccords». La carte des résultats dessine, désormais, deux France. L’une a voté Emmanuel Macron : les grandes métropoles, les classes moyennes supérieures et les retraités. Et l’autre, qui se sent souvent exclue, particulièrement dans le nord-est et le pourtour méditerranéen, a choisi Marine Le Pen, bien plus populaire.

Avec plus de 60% de voix, cette dernière a, par ailleurs, réalisé des scores historiques en Outremer, notamment aux Antilles, en Guyane, à la Réunion et à Mayotte (59,10%) sur fond de défiance envers les autorités et de contestation contre le pass sanitaire. Le Pen a dit lancer, dès dimanche soir, «la grande bataille électorale des législatives», prévues les 12 et 19 juin. Elle a vu dans son score inédit «une éclatante victoire» et la manifestation du «souhait» des Français «d’un contre-pouvoir fort à Emmanuel Macron».

L’enjeu, pour le Rassemblement national (RN), sera de dépasser le statut d’un parti contestataire et extrémiste. Une image qui lui colle à la peau et lui barre le chemin du pouvoir. L’autre candidat d’extrême droite éliminé au premier tour, Eric Zemmour, a appelé «le bloc national» à s’unir mais n’a pu s’empêcher de relever, cinglant, que c’est «la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen».

La gauche menace

Le chef de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, arrivé en troisième position au premier tour avec 22% des suffrages, a lui aussi promis de livrer un dur combat à Emmanuel Macron, qu’il considère comme «le plus mal élu des présidents de la Ve République».

Ce qui n’est pas exact car si Emmanuel Macron s’impose avec 58,55% des suffrages face à Marine Le Pen au second tour, selon les résultats définitifs, c’est parce qu’il est d’usage de compter les pourcentages de vote «exprimés».

De ce point de vue, ce n’est pas le président le plus mal élu en pourcentage de victoire. À titre d’exemple, Valery Giscard d’Estaing a été élu le 19 mai 1974 avec 50,81% des suffrages exprimés. En 1981, François Mitterrand a battu Valéry Giscard d’Estaing avec 51,76% des voix. En 1988, le président socialiste a été réélu avec 54,02% des voix exprimées.

Nicolas Sarkozy a été, quant à lui, élu en 2007 face à Ségolène Royal avec 53,06% des voix. La seule fois où un président a fait mieux que Macron, c’est Jacques Chirac, en 2002, qui avait battu Jean-Marie Le Pen avec plus de 82% des voix. Il faut aussi rappeler qu’en 2017, Macron avait réalisé un score de 66,10%.

Usé par cinq ans d’un pouvoir émaillé de multiples crises, il n’est pas certain que le parti d’Emmanuel Macron bénéficie d’un élan porteur pour ces élections à venir. Souvent qualifié de «président des riches», il a multiplié pendant la campagne les gestes envers l’électorat de gauche, promettant de réparer les fractures et de réduire les injustices sociales et économiques.

Mais des centaines de manifestants, principalement des jeunes se déclarant «antifascistes» et «anticapitalistes», ont protesté dimanche soir contre sa réélection, dans plusieurs villes de France.

Soutien international
À l’étranger, c’est le soulagement pour les partenaires de Paris. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est réjouie de «continuer l’excellente coopération» avec la France et le chancelier allemand, Olaf Scholz, a salué «un signal fort en faveur de l’Europe».

Le premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est dit «heureux de continuer à travailler ensemble». «Vers une Europe forte et unie !», a déclaré de son côté le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a félicité Emmanuel Macron, tandis que le président américain, Joe Biden, s’est dit «impatient de poursuivre» la coopération avec Paris pour «défendre la démocratie».

Enfin, l’Union africaine (UA) a félicité, lundi, le président français pour sa «brillante réélection» après sa victoire, dimanche, face à la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, appelant à poursuivre l’établissement de «relations rénovées et mutuellement avantageuses», entre la France et l’Afrique.

Les Français du Maroc plébiscitent Macron

38.381 Français installés au Maroc étaient appelés dimanche à voter pour le président qui gouvernera la France les cinq prochaines années. 16.942 électeurs (44,1%) se sont rendus aux urnes. Résultat, Emmanuel Macron a été élu avec 87,4% des voix face à Marine Le Pen qui en récolte 12,6%. En 2017, le candidat Macron avait obtenu 92,1% des voix face à la candidate du Rassemblement national.

Sami Nemli avec Agence / Les Inspirations ÉCO



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