L’INVITÉ DES ECO. La résilience du secteur des boissons face à la crise vue par Salaheddine Mouaddib
L’INVITÉ DES ECO. Salahaddine Mouaddib, le patron de Varun Beverages Morocco (l’embouteilleur de Pepsico) dans le Royaume, qui vient tout juste d’être élu président de P&G Alumni Maroc, revient dans cet entretien sur les effets du contexte difficile que nous vivons, sur l’économie marocaine en général, et sur le secteur de la boisson en particulier. Il se penche, également, sur les perspectives de croissance de l’activité ainsi que sur d’autres aspects tous plus intéressants les uns que les autres.
Avant de répondre à nos questions, Salahaddine Mouaddib a bien voulu se présenter à nos lecteurs.
Natif de Beni Mellal, âgé de 51 ans et père de 3 enfants, Salahaddine Mouaddib est diplômé de l’Ecole Centrale de Lyon. Dès 1993, il intègre le secteur de la grande distribution au Maroc. Une carrière de 34 ans passée au sein de différentes multinationales à commencer par P&G. Mouaddib a également tenté l’aventure de l’entrepreneuriat dans la distribution avec Avendis avant de conduire aux destinées de Pepsi-Varun Beverages, et ce, depuis 8 ans.
Le monde a été chamboulé par deux crises successives, le Covid-19 et la guerre en Ukraine, qui ont mis à mal l’économie mondiale. Comment, en votre qualité d’opérateur de référence, percevez-vous le comportement de l’économie marocaine dans cette conjoncture ?
Le monde est effectivement en chamboulement depuis deux ans et demi. Je pense que le plus grand impact de ces deux crises intervient sur le volet logistique, impliquant des difficultés d’approvisionnement au niveau mondial. L’impact logistique mondial se décline ainsi sur d’autres aspects, via l’augmentation des prix, notamment ceux du fret maritime et la rareté des matières premières. Cela paraît quelque peu paradoxal puisque l’économie mondiale n’a toujours pas repris ses niveaux de 2019.
Aucun pays au monde n’a encore retrouvé le niveau d’avant-crise et pourtant, il y a une pénurie de matières premières alors même que la production n’a pas encore renoué avec ses réalisations de 2019. En réalité, il s’agit d’une perturbation de la logistique et non pas d’un problème de disponibilité des matières premières. Il n’est pas inutile de dire que le coût de logistique est devenu trop élevé. Je pense, dans ce contexte, que les flux ont changé et vont continuer à évoluer.
Compte tenu de la hausse des prix du transport, les pays doivent trouver des alternatives à la Chine, par exemple, qui était, jusque-là le fournisseur mondial des matières premières et produits finis. Le Maroc peut se positionner et transformer ce problème de la logistique en une véritable opportunité. Le Royaume est proche des grands marchés que sont l’Europe, les États-Unis et, bien évidemment, l’Afrique et peut donc, tout à fait, se repositionner. Je suis convaincu que les décideurs politiques en sont réellement conscients. Nous observons les efforts du Maroc pour conclure de nouveaux accords de libre échange avec d’autres pays (ndlr: négociations en cours avec le Royaume-Uni). En plus de cette proximité avec les grands marchés, le Royaume dispose d’atouts non négligeables comme sa main-d’œuvre qui reste compétitive par rapport à l’Europe.
Justement, que faut-il faire pour y parvenir ?
Pour démarrer cette transformation, il ne suffit pas, en effet, d’être proche de l’Europe. Le pays doit disposer d’une véritable industrie. Il faudrait donc pousser un peu plus l’investissement vers l’industrie et les plans d’accélération existent dans ce sens. Dans le Nouveau modèle de développement, un accent particulier a été mis sur l’industrialisation du pays. C’est, aujourd’hui, une réelle opportunité.
Pensez-vous que les prix de la logistique vont évoluer à la baisse après le Covid ?
Je n’en suis pas convaincu. Je pense qu’au contraire cette hausse des prix de la logistique va se maintenir pendant une longue période. À titre d’exemple, un conteneur provenant de Chine coûtait 3.000 dollars avant la crise ; aujourd’hui, son prix se situe entre 18.000 et 20.000 dollars. Je ne pense pas que les armateurs et les compagnies maritimes, même sans Covid, puissent revenir aux prix d’avant. Tous devraient profiter de la situation pour garder leurs tarifs élevés. Il faut que le Maroc saisisse cette opportunité et s’interroge sur les moyens pour parvenir à devenir le principal fournisseur de l’Europe. Pour l’Afrique, le travail a déjà démarré. Nous (ndlr: Pepsico) exportons déjà vers le continent sauf que le gros frein, aujourd’hui, reste celui des droits de douane avec les pays africains.
La suite de cet entretien sera diffusé très prochainement sur Leseco.ma et Le Site info.