Transports routiers : des mesures audacieuses nécessaires pour la refonte du secteur
Suite à la décision controversée des transporteurs de revoir leurs tarifs à la hausse, le gouvernement avait promis de rencontrer le patronat. La promesse a été tenue et les professionnels veulent, désormais, s’engager avec l’Exécutif pour une refonte du secteur à travers une série de mesures pour le moins osées.
Le prix du baril de pétrole a franchi la barre des 110 dollars. Une hausse inexorable, induite sans doute par le conflit russo-ukrainien, se fera davantage sentir, notamment sur certains produits, dont le gasoil. D’ailleurs, des mouvements de grève sont prévus par des syndicats du secteur du transport routier, en dépit des pourparlers entamés, la semaine dernière, entre le gouvernement et le patronat. C’est dire à quel point l’heure est grave et qu’un sursaut, pour une refonte du secteur, est plus que nécessaire ! Et ce, d’autant plus que les transporteurs ne veulent plus de cette image de caisse de résonance à chaque fois que les prix des carburants sont en hausse. C’est en tout cas ce qu’ils ont fait savoir à la tutelle lors d’une récente rencontre portant sur les nombreux problèmes que traverse le secteur, durement impacté par une série de crises.
Si l’accès au visa, avec ses répercussions sur le trafic international, demeure une grosse inquiétude pour les chauffeurs et transporteurs, la conjoncture, qui n’augure rien de bon, est venue compliquer davantage la donne. Toutefois, l’heure n’est pas à la résignation puisque des solutions existent pour, au moins, diluer la teneur de certains goulots d’ordre structurel. Concernant la hausse des prix, le patronat propose une solution qui a déjà fait ses preuves en Europe, notamment en France. Il s’agit de la mise en place d’un mécanisme d’indexation instaurant une certaine transparence dans les relations contractuelles dans le transport. Dans le détail, cette proposition, émanant de la Fédération du transport logistique, est de nature à apporter «de la quiétude et de la sérénité» dans la relation entre le client et le transporteur.
En effet, l’outil d’indexation, qui sera piloté par un organisme paritaire, sera calqué sur les variations du cours du pétrole avec un prix moyen mensuel flexible. L’organisme affilié à la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) veut aussi tabler sur une TVA plus avantageuse. Il est ainsi question de revoir à la hausse la taxe à la valeur ajoutée sur l’activité, laquelle devrait passer de 14% à 20%, au moins de manière à la rapprocher de celle appliquée en France aux transporteurs français (TVA de 25%). Pour rappel, en Europe, la TVA varie entre 19,6 et 25%. En récupérant 25% de TVA, le transporteur européen prend un avantage considérable sur le pavillon marocain au niveau international. Ainsi, la mesure proposée par le patronat qui se veut incitative, permettra aux transporteurs marocains de réduire le gap de leur sous-performance face à leurs concurrents du Vieux Continent.
L’informel DOMINE
Vient ensuite l’indispensable chantier du nettoyage du secteur, sachant que 60% des transporteurs opèrent dans l’informel. Une plaie béante qui ternit l’image du transporteur routier ! Pour mettre de l’ordre dans le secteur, le patronat prône de règlementer l’accès à la profession. À cela, il faut ajouter la refonte du manifeste de fret et de sa dématérialisation, entre autres. La tutelle se dit réceptive quand aux propositions des professionnels du transport routier, lesquelles font l’objet de discussions cette semaine.
De son côté, la Fédération du transport et de la logistique a appelé les professionnels à faire preuve d’esprit citoyen afin de surmonter la conjoncture, tout en se disant consciente du poids des problèmes du secteur et de la souffrance de ses opérateurs. Si on en croit le patronat, qui avait préalablement décrété une hausse du prix du transport, avant de se raviser suite à une promesse de rencontre avec la tutelle, les répercussions des conditions climatiques que connaît le pays font que ce n’est pas une situation propice à l’observation d’une grève. Et ce d’autant plus que le dialogue sur les attentes du secteur se poursuit aussi bien avec le ministre du Transport et de la logistique qu’avec les autres administrations concernées. Reste à savoir si les syndicats l’entendront de cette oreille ?
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO