Éco-Business

Tourisme : un été mitigé pour les opérateurs

Depuis le déclenchement de la pandémie Covid-19, ce fléau mondial a complètement destructuré et mis en péril la plupart des activités touristiques marocaines. Au terme de la saison estivale, et pendant que les négociations pour la constitution du nouveau gouvernement battent leur plein, les opérateurs des différentes branches d’activités nous livrent leurs impressions et doléances.

La saison estivale a été bonne pour la compagnie aérienne nationale (RAM) et Air Arabia, si l’on se base sur les dernières statistiques publiées par l’ONDA, relatives au trafic passager. Les chiffres sont éloquents. Les aéroports du Maroc ont accueilli plus de 3,56 millions de passagers internationaux entre le 15 juin et le 31 août 2021, enregistrant ainsi un taux de récupération de 65% pour les passagers et de 77% pour les mouvements, par rapport à la même période de l’année 2019. Plusieurs aéroports ont même connu un trafic supérieur à celui de 2019, notamment ceux de Tétouan (133%), Nador (127%), Tanger (114%), Al Hoceima (106%) et Oujda (105%).

Sachant que l’été passé a été relativement tumultueux, Les Inspirations Eco ont contacté les opérateurs des principales branches d’activités qui composent le secteur pour recueillir leurs commentaires et réactions. Le constat est que peu de branches d’activité ont pu profiter de cet afflux de voyageurs. Ceux qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu sont, principalement, les compagnies aériennes nationales, qui ont vendu directement depuis leur plateforme, et dans une moindre mesure, les hôtels et les loueurs de voitures. La majorité des MRE ayant opté pour les taxis ou la location de voitures sans chauffeur comme moyen de transport. Suite aux restrictions, les transporteurs touristiques, les restaurants et les agences de voyages n’en ont pas tiré grand-chose.

Othman Chérif Alami Président de la Fédération nationale du transport touristique (FNTT)
Plus de 80% des passagers sont composés de MRE ! Seuls quelques-uns ont utilisé les véhicules de location sans chauffeur et très faiblement les minibus avec chauffeur. Le secteur du transport touristique est toujours sinistré à 90%, et traverse de très graves difficultés financières. Quelques mouvements sont disponibles avec les touristes étrangers (en provenance de la France, l’Europe, les Usa et Israël), mais l’ensemble des entreprises n’utilisent pas plus de 10%, voire 30% de leur flotte, dans le meilleur des cas.

Les résultats de ces 18 mois d’inactivité constitueront un véritable obstacle à la remise en marche du secteur, vu le poids des dettes et des crédits. Donc, une activité proche de zéro pour cet été 2021. Nous sommes en zone rouge, toujours fermée, et au début d’une éventuelle reprise. L’état d’urgence est également en place et nous ne pouvons savoir jusqu’à quand. Nos doléances sont disponibles chez les responsables politiques, le président de la CNT n’a pas cessé de les exposer : emploi, donc, avec un marché libre et des soutiens financiers aux entreprises.

Bien sûr, avec toutes les mesures sanitaires nécessaires. Selon le rythme des vaccinations et la situation sanitaire dans les pays partenaires, nous espérons enfin une réelle reprise à mi-décembre 2021 et la relance vers mai 2022. Mais, sans volonté politique de partenariat stratégique public-privé, nous doutons d’une véritable efficacité. La FNTT organisera son assemblée générale extraordinaire fin octobre 2021, et installera son nouveau bureau exécutif. L’alternative à notre désespoir, c’est l’engagement ferme du nouveau gouvernement envers le secteur, tant attendu, et sur lequel nous comptons beaucoup.

Khalid Benazzouz. Ex-président de la Fédération nationale des agences de voyage du Maroc (FNAVM) et actuel président de l’Association régionale des agences de voyages de Casablanca-Settat (ARAVCS)
«Rares sont les passagers qui sont passés par les agences de voyages cet été. Une fois entrés au Maroc, c’est plutôt les professionnels de la location de voitures qui ont pu en profiter».

Compte tenu du manque de visibilité, et devant la difficulté d’imaginer une reprise, et ce, malgré le respect par les professionnels des mesures sanitaires de circonstances, l’Association régionale des agences de voyages de Casablanca–Settat s’est joint à celle de l’industrie hôtelière de la capitale économique et sa région pour lancer un signal de détresse.

Ainsi, les professionnels sollicitent avec instance un soutien, notamment en déclarant la pandémie de la Covid-19 comme catastrophe naturelle, en prolongeant les mesures de soutien par la contribution financière du CVE/CNSS au profit du personnel des agences de voyage jusqu’à décembre 2022, en reportant toutes les échéances fiscales et bancaires, en accordant des moratoires de paiement sans intérêts au personnel et aux agences, en réaménageant le paiement des primes d’assurances RCP exigées, particulièrement pour les agences de voyages, en accordant des subventions aux entreprises sur la base du bilan 2019, avec un plafond, à l’image de plusieurs pays d’Europe et d’Amérique, et enfin en accordant une exonération d’impôts.

Mounir Chami. Président de la commission de veille stratégique de la Fédération des loueurs d’automobiles sans chauffeurs au Maroc
La majorité des opérateurs touristiques «Agences de voyage, transport touristique, guides, restaurants, bivouacs…… » ne verra pas le bout du tunnel avant le printemps 2022. Ces entreprises vendent, essentiellement, des produits aux touristes venus d’Europe, de Royaume Uni des USA et d’Israel. Tant qu’on ne retrouvera pas la liberté de circulation, le secteur ne rattrapera pas son retard. La reprise ne sera pas là avant mars 2022. Pour ce qui est du bilan estival, celui-ci a été plombé après la relance et la décision de subventionner les billets d’avion et de bateau.

«L’été s’annonçait très prometteur mais le rebond attendu de notre secteur n’aura, finalement, pas eu lieu à cause du couvre-feu national décrété au mois d’août. Nous sommes vraiment déçus des résultats, quatre semaines de production avec les MRE ne remplissant même pas 10% de notre carnet de commande. Nous devons faire face à de nombreuses charges, notamment les assurances, l’amortissement des véhicules, les taxes, les crédits et d’autres, que les TPE & PME n’ont pas pu supporter, malgré le contrat programme 2020-2022 qui a été signé pour relancer le secteur touristique et s’est vu ensuite suspendu. Et pour couronner le tout, les centres d’appel des services de recouvrement des organismes de crédit appellent directement les chefs d’entreprises pour les menacer de récupérer les véhicules en cas de non règlement de leurs crédits, tout en sachant qu’ils ont signé un contrat programme pour reporter lesdits crédits. Face à cela, nos doléances au nouveau gouvernement sont de plusieurs ordres.

Pour les établissements de financement, nous demandons la création en urgence d’un comité de médiation bancaire qui regroupe des représentants du secteur, l’APSF, Bank Al Maghrib et d’autres organismes indépendants de la profession bancaire, et ayant des compétences en la matière afin de proposer des solutions amiables et win-win aux litiges en cours. Nous demandons aussi l’application et la reconduction du programme d’exonération totale des impôts et de la CNSS pour permettre aux entreprises de transport touristique, possèdant des petits véhicules, de travailler avec les applications de transport Careem & Heetch & Indriver.

Nidal Lahlou. Président-délégué de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH), président de l’association régionale de l’industrie hôtelière de Fès-Meknès (ARIH)
Les statistiques de l’ONDA viennent confirmer nos attentes suite aux décisions de Sa Majesté d’assouplir les conditions d’accès au territoire national et de réduire les tarifs de l’aérien. La progression de ces flux a impacté positivement le taux de fréquentation des établissements d’hébergement. Bien sûr, cette légère éclaircie n’a pas profité à toutes les destinations. Les stations balnéaires et Marrakech ont certainement tiré leur épingle du jeu. Malheureusement, la dégradation de la situation sanitaire s’est à nouveau imposée à notre pays, et de nouvelles restrictions de déplacement et horaires ont été mises en place, réduisant ainsi, de manière significative, les effets de cette bouffée d’oxygène.

Nous savions aussi que cette éclaircie pourrait, dans une certaine limite, sauver la saison estivale mais pas l’ensemble du secteur touristique ni être considérée comme le début de la résurrection des métiers du tourisme. Alors quel impact sur le tourisme ? Pour l’hébergement, un léger mieux au niveau de l’occupation et de la fréquentation, mais très limité dans le temps, et inégalement réparti dans l’espace. Pour les autres métiers du tourisme, cet effet était quasi-nul pour les restaurants, les agents de voyage et les guides touristiques, ainsi que pour le transport touristique et l’artisanat. Il faut, cependant, rappeler que dès le mois de juillet, et à la faveur de ce léger frémissement de l’activité touristique, la totalité des mesures de sauvegarde ont été suspendus, mettant ainsi en péril tous les efforts entrepris auparavant, puisqu’un mois d’activité ne pouvait pas permettre de reconstituer la trésorerie des entreprises touristiques.

Nos attentes sont grandes par rapport au nouveau gouvernement. Nous avons, au prix de longues discussions et négociations avec le précédent gouvernement, en passant par le CVE, signé un contrat-programme 2022 comprenant plus de 20 mesures, dont une a été appliquée et suspendue (l’indemnité forfaitaire), d’autres l’ont été partiellement (notamment par les banques et la DGI). Plus de 17 mesures sont restées lettres mortes. La situation qui a prévalu en juin 2020 a évolué, et le contrat-programme, qui devait aider nos entreprises à dépasser la crise et préparer la reprise, doit être revu pour les unes et réactivé pour les autres. Trois urgences sont à traiter : l’indemnité forfaitaire, la finalisation des discussions avec le GPBM et le moratoire, pour ce qui est de la fiscalité.

Et en même temps, reconsidérer le contrat-programme 2022 pour réaménager et activer les autres mesures. Ensuite, en nous inscrivant dans les orientations du Nouveau modèle de développement, préparer le plan de relance qui devra être inclusif, solidaire, créateur d’emplois et de richesses. Nous espérons aussi profiter d’une des priorités de ce gouvernement, et qui fait partie de son programme. Je parle de la fiscalité de notre secteur et de sa refonte. Nous comptons sur ce gouvernement pour transformer le désespoir des métiers du tourisme en espoir pour notre pays.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO



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