Frank Maupoux : “EPC Maroc dégage sa responsabilité face aux conséquences de ces évènements”
Frank Maupoux.
Directeur général d’EPC Maroc
Pouvez-vous résumer les faits reprochés à la partie adverse dans le litige qui vous oppose à Foncière Iskane ?
Le 29 mars dernier, des engins de démolition ont franchi les grilles de notre site à Bouskoura et, sans sommation, ont commencé à détruire les bâtiments au sein desquels 30 personnes étaient en train de travailler. Les bulldozers se sont attaqués aux bâtiments et ont mis en danger des vies humaines et détruit du matériel ainsi que des documents importants puisque ce site abritait l’activité administrative, commerciale ainsi que le stockage des archives de notre entreprise, installée là depuis sa création il y a 60 ans. Pendant 48 heures, les bâtiments ont été méthodiquement abattus et le théâtre de pillages sauvages au cours desquels du matériel, de la documentation et des équipements ont été emportés par des malfaiteurs. Cela a été un moment terrible pour nos équipes, extrêmement traumatisant. Nous avons d’ailleurs dû mettre en place une cellule de suivi psychologique. Aucun document légal n’a été présenté aux représentants de EPC Maroc présents sur place pour justifier cette violation sauvage et brutale d’un espace privé, légalement occupé en vertu d’un contrat de bail.
Un arrangement écrit a été conclu avec votre bailleur, dont les dispositions encadrent votre départ du site objet du litige. Cela veut-il dire qu’il n’a pas été respecté?
Il y a eu plusieurs procédures judiciaires pour tenter de faire partir EPC Maroc du site de Bouskoura mais la partie adverse, la Foncière Iskane, a régulièrement été déboutée. La dernière procédure portait sur la mise en œuvre d’une convention qui prévoyait un départ amiable avec une indemnité d’éviction pour compensation de perte de fonds de commerce. La Foncière Iskane a, à nouveau, été déboutée par décision de justice car le préalable à notre départ était cette indemnisation à laquelle elle n’a jamais donné suite. Nous devions déménager impérativement nos activités industrielles (usine et stockage) en raison du rapprochement, avec le développement des constructions autour de Casablanca, du périmètre urbain. C’était notre seule obligation et nous l’avons remplie en septembre 2020 après l’achèvement de notre nouvelle usine de dernière génération dans la région de Settat. Mais nos équipes commerciales et administratives sont restées légalement et légitimement sur le site de Bouskoura que nous occupions depuis plus de 60 ans et que nos clients connaissaient bien. Finalement, le tribunal ayant rejeté toutes ses demandes, Foncière Iskane a décidé d’agir en dehors de la loi et des réglementations en vigueur.
Avez-vous reçu préalablement une notification vous informant d’une décision de destruction?
Aucune ! Les bulldozers sont intervenus sans aucun avertissement ni aucune sommation. Les collaborateurs étaient assis à leur bureau lorsque les engins ont commencé à détruire les bâtiments !
Qu’en est-il à présent des dégâts recensés ?
Tous les bâtiments du site sont intégralement détruits. Du matériel, des documents juridiques et administratifs importants et nos archives ont également été saccagés. EPC Maroc réclame, dans un premier temps, une indemnité provisionnelle de dix millions de dirhams à titre de dommages pour les préjudices subis, en attendant la finalisation des travaux d’expertise et d’évaluation. La première estimation, partielle, fait état d’un montant de 67 millions de dirhams uniquement pour les pertes et vols de matériels.
Vous opérez dans une activité «sensible», la perte et l’éparpillement de vos archives posent certainement un gros risque. Qu’en est-il de votre responsabilité juridique à cet égard ?
Il ne s’agit pas «d’éparpillement» : cette destruction a été accompagnée de pillages ! Des exactions au cours desquelles du matériel, de la documentation technique, y compris des schémas et des équipements, ont été volés. Cela est grave car notre entreprise travaille dans le secteur sensible de la production d’explosifs civils, destinés aux travaux de carrières, à l’industrie minière et aux chantiers de travaux publics. Nos sites et nos équipements obéissent à une réglementation extrêmement stricte. Outre d’avoir directement porté préjudice à EPC Maroc et à ses clients et généré un grave traumatisme au sein de nos équipes, ces destructions et ces pillages portent des risques non négligeables en matière de sûreté et de sécurité pour la communauté. La Société EPC Maroc dégage sa responsabilité face aux conséquences de ces évènements.
Quelles démarches envisagez-vous à présent ?
EPC Maroc a aussitôt intenté plusieurs actions en justice à l’encontre de la Société Foncière Iskane. En complément de ces procédures toujours en cours, EPC Maroc a déposé le 8 juin dernier une citation directe devant le tribunal correctionnel à l’encontre de Anas Sefrioui, Saad Sefrioui, Kenza Sefrioui et Malik Sefrioui, au titre de l’article 570 du Code Pénal pour «Dépossession d’une propriété immobilière en bande organisée avec menaces, violences, effraction, et port d’armes apparent, démolition des biens sur ses propriétaires, destruction de toutes les composantes matérielles du fonds de commerce, escroquerie et vol».
Avez-vous pris attache avec les autorités à ce sujet ?
La Société EPC Maroc a confiance dans le système judiciaire et utilisera toutes les voies de droit pour obtenir réparation.
Meriem Allam / Les Inspirations Éco