Céramique : jusqu’où vont les limites écologiques ?
Les particules fines en suspension dans l’air sont le polluant atmosphérique le plus associé aux effets néfastes sur la santé, et ce, à l’échelle mondiale. Dans l’arrêté n°2323-20, qui vient d’être publié au Bulletin officiel, le gouvernement fixe les valeurs limites sectorielles de rejet de polluants dans l’air émanant des activités du secteur céramique. Concrètement, qu’est-ce qui change pour les fabricants de produits céramiques ?
Les fabricants de produits céramiques, notamment les producteurs de carreaux, sanitaires, vaisselle… vont devoir réduire leurs externalités liées aux émissions ou rejet de polluants dans l’air. Du moins ceux dont les cheminées émettent encore plus de 50 mg/Nm3 (normo mètre cube) de poussières, pour un débit massique supérieur ou égal à 0,5 kg/h. Autrement dit, les exploitants, émettant plus de 0,5 kg de poussière par heure, vont devoir rentrer dans les rangs. Les études visant à évaluer l’impact de la pollution de l’air sur la santé des populations des villes à trafic routier dense et à forte concentration industrielle confirment l’impact négatif de la pollution de l’air sur la santé. Depuis le début des années 2000, ces externalités, étroitement liées à la croissance économique, ne cessent d’augmenter jusqu’à coûter au Maroc 1,04% de son PIB chaque année, soit plus de 10 MMDH.
Au niveau de la cheminée de l’atomiseur, la valeur limite sectorielle de rejet de poussières dans l’air est pour l’heure de 300 mg/Nm3 jusqu’à la fin de l’année 2023. À partir du 1er janvier 2024, des valeurs limites plus restrictives seront exigées. Celles-ci passeront à 150 mg/Nm3, soit la moitié des dégagements tolérés jusqu’à présent, précise l’arrêté conjoint n°2323-20 du ministre de l’Énergie, des mines et de l’environnement et celui de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique, du 7 septembre 2020. Ces dernières années, la pollution de l’air a atteint des pics dans plusieurs villes du pays. À travers la décision qui vient d’être publiée au Bulletin officiel n°6966, le Maroc fixe les valeurs limites sectorielles de dégagement, d’émission ou de rejet de polluants dans l’air émanant des activités du secteur céramique. La tutelle précise que les mesures réalisées pour vérifier le respect des valeurs limites d’émission de polluants dans l’air sont rapportés aux conditions normalisées de température (soit 273 kelvins), 1013 hectopascals de pression et 10% du taux d’oxygène après déduction de la vapeur. Les autorités cherchent à améliorer la qualité de l’air en prônant une approche volontaire, notamment en invitant l’industrie et le secteur de l’artisanat à appliquer les valeurs limites d’émission.
Selon la Commission économique des Nations Unies, «après un certain succès initial, des résultats durables ne peuvent être atteints que si, contrairement à ce qui prévaut actuellement, un système est mis en place sans mettre tout le monde dans une situation de désavantage concurrentiel. Une approche plus stricte fondée sur la contrainte améliorerait la qualité de l’air». Par ailleurs, il n’existe pas de réglementation en place qui exige d’alerter la population lors des pics de pollution. Divers polluants sont contenus dans les poussières sous forme de gaz ou de vapeur, dans les effluents gazeux des industriels, notamment le monoxyde de carbone, le dioxyde de carbone, dioxyde de soufre, le cobalt, ou encore des métaux lourds comme le mercure et ses composants, le plomb… Dans le détail, l’arrêté fixe à 500 mg/Nm3 la valeur limite d’émission de dioxyde de soufre tolérée de la cheminée du four, contre 700 mg/Nm3 de celle de l’atomiseur. Pour l’oxyde d’azote, les Composés organiques volatils (COVT), l’acide chlorhydrique (Hcl), le mercure et ses composants (Hg), le seuil de tolérance est respectivement de 500 mg/Nm3, 150 mg/Nm3, 30 mg/Nm3 et 0,2 mg/Nm3. En ce qui est des émissions de fluorure d’hydrogène (HF), un gaz très corrosif et toxique, la valeur limite d’émission tolérée au niveau de la cheminée du four est fixée à 10 mg/Nm3, contre 5 mg/Nm3 au niveau de la cheminée de l’atomiseur. Le dégagement de plomb et ses composants (Pb), de chrome (Cr), manganèse (Mn), ainsi que de nickel et ses composants (Ni) est limité à 5 mg/Nm3 peu importe la cheminée. Quant au cobalt et ses composants (Co) et le sélénium (Se), le niveau de rejet toléré est fixé à 1 mg/Nm3.
Modalités de contrôle
Selon l’arrêté, les moyennes des résultats des mesures sont considérées conformes aux valeurs limites sectorielles fixées si celles-ci sont inférieures ou égales auxdites valeurs limites. Toutefois, l’exploitant peut procéder à l’autocontrôle du rejet de polluants dans l’air émanant de sa propre installation en vue de vérifier leur conformité aux valeurs limites prévues. Dans ce cas, les polluants devant faire l’objet d’autocontrôle sont l’anhydride sulfureux (SO2); les particules en suspension (MPS), l’oxyde d’azote (NOx), le plomb (Pb), le monoxyde de carbone (CO) ou encore le cadmium dans les poussières (Cd). Cette possibilité lui est permise grâce au décret n°2-09-631 du 6 juillet 2010, fixant les valeurs limites de dégagement, d’émission ou de rejet de polluants dans l’air émanant de sources de pollution fixes.
Modeste Kouamé / Les Inspirations Éco