Les grandes priorités de la CGEM pour 2021
En marge de son Conseil d’administration, tenu jeudi dernier, le patronat a proposé aux pouvoirs publics de travailler sur six chantiers urgents, structurants et prioritaires auxquels il va falloir s’attaquer au plus vite pour assurer la relance économique du secteur privé. Les détails.
La CGEM a profité de la tenue de son premier conseil d’administration de l’année, tenu le 11 février, pour dévoiler sa feuille de route de 2021 qu’elle a axée sur six priorités.
Priorité 1 : Assurer des fonds propres à l’entreprise
Selon les patrons, la «Priorité 1», c’est d’abord et avant tout d’assurer des fonds propres à l’entreprise pour qu’elle puisse faire face normalement à ses charges et, dans le meilleur des cas en ces temps de pandémie, d’investir. Pour ce faire, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) demande carrément que soit immédiatement lancé un fonds pour la reconstitution des fonds propres. Un fonds qui, ajoute-t-elle, pourrait également permettre au tissu économique de faire face à un endettement programmé dont il risque d’avoir du mal à sortir si rien n’est fait. Pour donner à ce fonds la chance de remplir toutes les conditions citées ci-dessus, les patrons exigent que ce soit un fonds généraliste de prêt participatif avec une distribution par le réseau bancaire. «Sa distribution ne doit surtout pas se faire via les solutions classiques », insistent-ils, «parce que, ces solutions mises en œuvre depuis le début de la pandémie ont montré leurs limites ». Citant l’exemple de la politique de soutien aux entreprises innovantes mise en œuvre par l’État via des crédits garantis par la CCG, la CGEM affirme que «le revers de la médaille a été un surendettement qui fragilise la capacité des entreprises à se développer dans le futur ». Nombre d’entre ces dernières, qui ont eu recours à ces crédits, font actuellement face à une forte dégradation de leur bilan et n’ont plus la capacité d’investissement nécessaire à leur croissance. Leur trésorerie est, en effet, essentiellement mobilisée pour le remboursement des prêts au détriment notamment des délais de paiements, qui ne sont jusqu’à présent pas ce qu’ils devraient être (dette bancaire prioritaire vs dette fournisseur).
Priorité 2 : Améliorer l’accès et optimiser les coûts des facteurs de production
Pour permettre au tissu économique de retrouver rapidement sa dynamique, en ces temps de crise, le patronat demande dans sa « Priorité 2 » d’améliorer l’accès et d’optimiser les coûts des facteurs de production. Sont notamment concernés, l’énergie, la logistique, la formation, l’emploi, le foncier et l’innovation. Concernant l’emploi, par exemple, où le taux de chômage a explosé sous les effets collatéraux de la crise sanitaire Covid-19, la CGEM demande de légiférer rapidement sur le recours au télétravail. Il s’agit de la mesure la plus urgente sur cette question où le patronat suggère aussi de promulguer la loi sur le droit de grève ; d’amender le Code du Travail sur la base de plus de flexibilité et d’assurer le suivi des chantiers de protection et du dialogue social. Comme nous le verrons plus loin, en plus de ces demandes, dont une législation sur le télétravail qui a été déjà faite par certains secteurs gros pourvoyeurs d’emplois au Maroc, le patronat a consacré toute sa «Priorité 5» à cette question. Sur la formation, directement liée à l’emploi, la CGEM a pointé trois leviers à activer au plus vite, à savoir : réformer la gouvernance de la formation continue ; simplifier et digitaliser l’accès au dispositif des contrats spéciaux de formation ; et concevoir et piloter la formation professionnelle en réponse à une demande de travail. Deux de ces pistes sont également détaillées dans la «Priorité 5». Autre exemple, l’énergie : à propos de ce facteur de production, dont le coût pèse de tout son poids sur certaines activités, la CGEM s’est contentée de réclamer l’accélération de l’adoption de la Loi sur l’autoproduction et l’ouverture de la Loi 13-09 à la Moyenne Tension ; la finalisation de la nouvelle stratégie relative à l’énergie, la feuille de route pour le Power to X et la mobilité durable ; ou encore la priorisation de l’investissement privé dans le secteur de l’énergie verte. En somme des chantiers, qui sont tous à moyen terme et à effets tardifs. C’est d’ailleurs la même observation qui prévaut à propos de la logistique, du foncier et de l’innovation.
Priorité 3 : Simplifier les procédures administratives
Dans sa «Priorité 3», le patronat demande d’opérer un choc de simplification en faveur du développement économique, notamment en agissant sur trois axes. Dans sa quête d’amélioration de la relation avec les administrations, il suggère, par exemples, d’accélérer la simplification des procédures administratives (interopérabilité…) et le e-gouvernement en légiférant sur la reconnaissance électronique des signatures et des actes légaux, administratifs et bancaires) ; tandis que pour la suppression des sources d’arbitrage, la CGEM propose que la règle de non réponse vallant accord soit instituée, mais aussi les contrôles à posteriori, le principe de la reddition des comptes, la déclaration sur l’honneur et l’installation du principe de confiance, sans oublier une médiation et une justice de proximité. Le patronat demande aussi de simplifier les procédures de liquidation et des mesures de sauvegarde ; de mettre en place une task force professionnelle et des procédures simplifiées en vue de la reprise des entreprises de manière rapide et d’améliorer la transmission d’entreprises, notamment ses cadres fiscal et juridique.
Priorité 4 : Promouvoir le Made in Morocco
C’est une fois que ces diverses recommandations sont appliquées que, semble-t-il, le tissu économique pourra pleinement jouer son rôle. Notamment celui de porter, dans un premier temps, le Made in Morocco qui, selon la CGEM, passe aussi par le soutien de la commande publique et de la préférence nationale (Priorité 4). En effet, pour promouvoir le Made in Morocco, l’État devrait, entre autres, créer un label visant à faciliter la reconnaissance des produits marocains à fort contenu local ; allouer un budget aux achats locaux ou régionaux dans toutes les communes marocaines, en attribuant plus de 25% du budget des achats aux entreprises labellisées ; et accorder une TVA différenciée et avantageuse aux entreprises labellisées (Voir détail dans encadré).
Priorité 5 : favoriser l’emploi et l’employabilité
La CGEM pourra, ensuite, s’attaquer à l’autre chantier prioritaire au regard de la conjoncture et des effets collatéraux de la crise sanitaire, en l’occurrence l’emploi (Priorité 5). Sur cette question, où il y a également urgence, les patrons suggèrent d’agir, à la fois, sur trois leviers pour la relancer rapidement. D’abord, la CGEM recommande d’élargir l’exonération de l’Impôt sur le revenu (IR), accordée aux primo-employés par la Loi de Finance 2021, aux employés ayant moins de trois ans d’expérience. Elle demande, ensuite, que les conditions de l’IPE (Indemnité pour perte d’emploi) soient assouplies et que sa délivrance soit conditionnée à la formation de reconversion. L’idée est d’accompagner le dispositif IPE par une formation de reconversion, avant la fin des six mois d’indemnisation, pour augmenter les chances de réinsertion des salariés ayant perdu leur emploi. Enfin, toujours pour la relance de l’emploi, la CGEM suggère d’agir sur la formation professionnelle initiale à travers quatre mesures. La première, c’est de développer un système de planification basé sur la demande et non sur l’offre de formation. Ce système se basera sur la data fournie par un système d’information prospective des compétences des branches et des territoires à développer également. La seconde mesure préconisée, c’est de développer un système d’assurance qualité et de mécanismes de régulation, indispensables à l’amélioration en continue de la qualité des formations et à leur réajustement en fonction des besoins du marché de l’emploi. Comme troisième mesure, le patronat recommande de développer des passerelles entre les trois composantes de la formation, à savoir : l’éducation nationale, la formation professionnelle et l’enseignement supérieur pour une meilleure flexibilité des parcours académiques et professionnels des apprenants. Pour ce qui est de la quatrième et dernière mesure, la CGEM suggère de développer une offre de formation construite dans le cadre d’un PPP. L’idée est d’étendre le modèle de gestion déléguée à la formation notamment en créant des établissements de formation à gestion déléguée. Selon la CGEM, l’avantage c’est que ce sera plus facile d’orienter et de planifier les formations pour qu’elles répondent aux besoins des secteurs.
Priorité 6 : lutter contre l’informel
Sur la question de l’informel, qui nous a été tristement rappelée par le récent drame de Tanger, la CGEM a distingué le petit informel et le grand informel dans sa « Priorité 6 ». Selon elle, il y a une nécessité d’un engagement national du public et du privé pour intégrer de façon assumée le petit informel et éradiquer le grand informel. A la question comment intégrer le petit informel, la CGEM a répondu ( Détails dans l’encadré ci-dessous). Elle a également montré comment éradiquer le grand informel en listant cinq mesures. La première, c’est d’identifier et de supprimer les sources de rente. La seconde, renforcer l’action douanière au niveau des frontières pour supprimer la contrebande. La troisième mesure, lutter contre la corruption à travers la dématérialisation des échanges avec l’administration. Quatrième mesure, instituer la pénalisation des fausses factures. Et cinquième mesure, accompagner les unités de production informelle (UPI) dans l’intégration de l’économie formelle, notamment en créant cadre réglementaire spécifique et incitatif pour les UPI (appui à l’accès au marché et renforcement des capacités).
Comment promouvoir le Made in Morocco
Selon la CGEM, la promotion du Made in Morocco devrait passer par :
• la création et la promotion d’un label
• l’institution d’une allocation budgétaire aux achats locaux ou régionaux dans toutes les communes marocaines : 25% budget des achats pour les entreprises labellisées
• l’inclusion des EEP dans le décret d’application relatif aux marchés publics n°2-12-349
• l’intégration des fournitures dans les marchés publics :
• l’institution d’uneTVA différenciée et avantageuse pour les entreprises labellisées
• la co-création de solutions adaptées au contexte marocain avec l’appui des TPME/PME : consultations ciblées
• la refonte en profondeur des règles d’octroi des marchés publics
• l’institution d’audits systématiques à posteriori
Les pistes d’intégration du petit informel
Pour intégrer ce qu’il a appelé le petit informel, la CGEM préconise de travailler sur deux axes. D’abord, l’élargissement de la couverture de l’AMO aux TNS (3 millions de bénéficiaires, 10 millions d’ayants droit). Ensuite sur l’inclusion financière, avec le déploiement du Mobile Payment, la refonte du statut de la micro-finance pour en faire un levier plus fort d’inclusion, le développement d’outils de financement des TPE et des particuliers, la dématérialisation des paiements et le renforcement de l’éducation financière.
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco