Casablanca barricadée, comment relancer l’économie nationale ?
Face à la nouvelle gestion de la crise Covid-19 au cas par cas, que viennent d’instituer les pouvoirs publics, trois économistes livrent leurs avis.
Depuis un peu plus d’un mois, les pouvoirs publics ont complètement changé leur mode de gestion de la crise sanitaire Covid-19, en optant notamment pour un traitement au cas par cas. C’est ainsi qu’après Tanger, Marrakech et Safi, c’est actuellement au tour de Casablanca, la capitale économique du royaume, d’être fermée au reste des populations en provenance des autres régions du pays. La raison avancée: « c’est parce que les cas de contamination y évoluent à une vitesse exponentielle ». Et qu’ainsi «confinée et isolée», la région aurait plus de chance de s’en sortir. Pas si sûr, rétorquent les économistes Ahmed Azirar et El Madani Benhayoun.
Ne pas tout mettre sur la santé
Selon le premier, qui souhaite bonne chance au gouvernement, «cette nouvelle façon de procéder, qui consiste à identifier les points chauds pour les circonscrire, appelle toutefois une interrogation fondamentale. C’est la suivante, qui taraude tous les économistes à travers la planète : Quelle est la position à prendre entre la santé et l’économie?»
Autrement dit, faut-il privilégier l’une au détriment de l’autre ? Bref, où est-ce qu’il faut finalement placer le curseur pour venir à bout de cette crise ? Azirar pense que, «certes le coût sanitaire de la crise demeure encore maîtrisable, malgré l’accélération des contaminations, mais l’État a intérêt à travailler, à la fois, sur les plans financier, humain et de gouvernance».
Au grand dam des bienveillants, c’est-à-dire ceux qui préfèrent d’abord et avant tout prendre soin de la santé des Marocains, El Mehdi Benhayoun défend la même position qu’Ahmed Azirar. Lui aussi tire la sonnette d’alarme en déclarant que «l’État doit plutôt revoir sa politique globale de gestion de la crise, en partenariat avec les régions et l’ensemble des acteurs territoriaux. Cette politique doit soutenir l’économie, le social et le sanitaire et s’adapter à l’évolution de la pandémie». Pour Benhayoun, cette politique devra passer par l’évaluation, l’accompagnement, le soutien, l’innovation et l’encouragement des entreprises exportatrices, en coordination avec les régions. Pour soutenir davantage le tissu économique, l’économiste pense que Bank Al-Maghrib doit renforcer son rôle de Banque centrale et d’institut d’émission, cela à travers l’augmentation de son taux de réescompte des crédits qui sont accordés aux entreprises. Selon lui, l’État doit, également, penser à augmenter le Fonds de solidarité pour soutenir les PME, les TPE, les ménages formels et informels, l’export et le tourisme qui est un secteur clé de l’économie. Tout cela doit être dans un tableau de bord, avec les objectifs quantitatifs et qualitatifs, qui prévoit des bilans d’étapes pour corriger et améliorer l’action de l’État.
Activer les subventions fiscales et sociales
Adil Roqai va aussi dans le même sens que ces deux prédécesseurs, avec qui il partage le même point de vue sur l’insuffisance du Fonds national Covid-19. Selon lui, «c’est un bon dispositif de relance économique, mais il n’est pas du tout suffisant, même s’il est adossé à la garantie de la CCG (Caisse centrale de garantie). Parce qu’il est uniquement orienté vers le crédit auquel les PME et TPE, qui composent la grande majorité du tissu économique, n’ont pas facilement accès». En effet, explique-t-il, le fait est que les PME et TPE se sont toujours débrouillées pour ne pas trop recourir au crédit. Et ce n’est pas en ces temps de manque de confiance et d’absence de visibilité qu’elles vont le faire. D’ailleurs, les résultats du 2e baromètre de la CGEM sur l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises l’ont confirmé : seul 1/3 des entreprises envisage de recourir à Damane Relance mis en place pour les aider.
« Dès lors, je pense que, parallèlement au Fonds national Covid-19, l’État doit mettre en place une politique d’incitations fiscales et sociales pour éviter l’hécatombe au niveau des PME /TPE. C’est-à-dire des exonérations de charges sociales et fiscales réelles. Par exemple en supprimant les impôts locaux dont aucun n’a été encore touché ; et en faisant une revue de la fiscalité des subventions pour que les entreprises n’aient plus à payer de taxes sur les subventions. » Donc, pour résumer Adil Roqai défend une politique de relance de l’offre par l’ajout de subventions destinées à aider les PME et TPE à améliorer leur trésorerie.
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco