Réforme de l’administration : quid du financement ?
Le budget du fonds de modernisation de l’administration publique a été réduit de 85% dans le projet de loi de Finances rectificative. Pourtant, le gouvernement entend accélérer la réforme tant attendue de l’administration. La réalisation de cet objectif reste tributaire de la mobilisation du financement ainsi que de l’amélioration de la gouvernance du secteur et du renforcement de l’arsenal juridique.
L’accélération de la réforme de l’administration est l’un des axes majeurs annoncés par le gouvernement dans le cadre des objectifs du projet de loi de Finances rectificative en cours d’examen à la Chambre des conseillers. Plusieurs chantiers doivent être mis en œuvre pour améliorer le rendement de l’administration dont l’image reste écornée auprès des usagers. Le gouvernement compte visiblement atteindre ses objectifs en se concentrant uniquement sur le volet de la gouvernance. Sur le plan du financement, aucun budget supplémentaire n’a été dédié à la réforme administrative. Plus encore, le fonds de modernisation de l’administration publique, dont le budget était initialement faible, a été réduit de 85%, passant de 20 MDH à 3 MDH.
Pourtant, l’administration a fortement besoin de moyens financiers pour moderniser ses services dans le cadre de la digitalisation tant espérée. Sans ressources financières suffisantes, il s’avère en effet difficile de réduire la fracture numérique au sein de l’administration publique. Il faut dire que plusieurs administrations demeurent incapables d’opérer leur transformation numérique. Or, sans la fédération de l’ensemble des départements, on ne peut atteindre les objectifs escomptés. Le lancement d’une stratégie nationale s’impose pour changer la situation actuelle marquée par des administrations à plusieurs vitesses. Alors que certaines administrations ont franchi des étapes importantes dans leur digitalisation et que leurs efforts ont permis de simplifier les procédures administratives au profit des usagers, d’autres ont toujours du mal à remonter la pente.
Administration électronique: gros retard !
Selon une source gouvernementale, le retard dans la mise en œuvre de la transformation numérique de l’administration n’est pas uniquement dû au manque de moyens financiers. Entrent aussi en jeu la volonté de certaines administrations ainsi que la gouvernance des projets. La mise en place d’un cadre juridique contraignant devra permettre de rectifier le tir. Le projet de loi de l’administration électronique est très attendu en la matière, mais il tarde à être mis dans le circuit législatif. Selon nos sources, ce texte, qui a été finalisé il y a une année, a été revu par les deux départements ministériels en charge de ce dossier (le ministère de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique et le département de la Réforme de l’administration) et sera bientôt programmé en Conseil de gouvernement. Ce projet permettra d’édicter de nouvelles règles pour instaurer les e-services administratifs en se basant sur une nouvelle ingénierie des mesures et procédures et l’ouverture de l’échange des données dans le cadre d’une approche complémentaire. L’adoption de ce projet de loi s’impose pour pouvoir, entre autres, concrétiser la généralisation de la transformation numérique et mettre en œuvre les dispositions de la loi sur la simplification des démarches administratives. Soulignons à cet égard que la mise en œuvre des dispositions de cette nouvelle loi, qui a franchi le cap du Parlement en février dernier, figure parmi les objectifs annoncés par le gouvernement dans le cadre de la simplification des procédures administratives et l’amélioration du climat des affaires. Initialement, l’Exécutif pariait sur la mise en œuvre des nouvelles procédures à partir de la fin de l’année en cours. On s’attend à ce que la concrétisation des dispositions de cette nouvelle loi permette enfin d’entamer le processus de réconciliation de l’administration avec les usagers, tant les citoyens que les entreprises. Les objectifs de ce texte sont en effet très ambitieux, à commencer par l’instauration de la transparence des procédures relatives aux décisions administratives à travers leur transcription et leur diffusion auprès des usagers. Les procédures et mesures non justifiées seront supprimées. L’administration n’aura plus le droit de demander à l’usager de présenter un document plus d’une fois. Les administrations seront tenues de respecter les délais de traitement des demandes émises par aussi bien les investisseurs que les citoyens. À cela s’ajoute l’instauration du principe de proportionnalité pour les documents exigés par les administrations.
Accélérer le processus
Le gouvernement compte renforcer cette législation par la charte des services publics dont le projet de loi a été adopté par la Chambre des représentants en février dernier et transféré à la Chambre des conseillers qui n’a pas encore entamé son examen. L’Exécutif entend accélérer son processus d’adoption alors que la session printanière tire à sa fin. Mais son entérinement au cours de cette session n’est pas impossible. Les conseillers peuvent l’examiner et le voter en commission rapidement, comme cela a été le cas de bon nombre de textes. D’ailleurs, on s’attend à ce que ce projet passe comme une lettre à la poste chez les conseillers. Ce projet est très attendu depuis plus de huit ans pour réconcilier l’usager avec l’administration. L’adoption de ce texte n’est pas un choix, plutôt une exigence constitutionnelle. En effet, l’article 157 de la loi fondamentale stipule qu’une charte des services publics fixe l’ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement des administrations publiques, des régions et des autres collectivités territoriales et des organismes publics. C’est là, un élément clé pour la réussite de la réforme du secteur.
Jihane Gattioui
Les Inspirations ÉCO